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Charlie d'assaut !

Voilà, cette fois on y est. Demain, dès l’aube, à l’heure où blanchit la campagne, mais aussi le ponton des Sables d’Olonne vu la vague de froid attendue, on devrait connaître le nom du vainqueur de la dixième édition du Vendée Globe... sauf si Victor Hugo avait prévu une strophe de plus en cas de catastrophe !

COURSE, 13 JANVIER 2025 : Photo envoyée depuis le bateau La Mie Caline lors de la course à la voile du Vendée Globe le 13 janvier 2025. (Photo du skipper Arnaud Boissières)
COURSE, 13 JANVIER 2025 : Photo envoyée depuis le bateau La Mie Caline lors de la course à la voile du Vendée Globe le 13 janvier 2025. (Photo du skipper Arnaud Boissières)

Quel est cet étonnant parfum qui flotte dans l’air ? L’heure est à l’effervescence, mais tout à la fois au silence. Pour la première fois depuis le début de la course, aucun marin n’a répondu à nos questions de la nuit, nous laissant seuls comme deux ronds (de flan) dans l’eau. Il fallait bien que ça arrive, mais tout de même, si près du but… Coïncidence ? Nous ne croyons pas.

Car c’est effectivement difficile de parler quand on retient son souffle ! Il y a quelques jours, nous avions demandé à Charlie Dalin (MACIF Santé Prévoyance, 1er) s’il avait un secret pour garder ce qui nous semblait être une zénitude en béton armée. Il nous avait confié qu’avant de se coucher, il pratiquait quelques exercices de respirations ciblés. Alors que le leader pointe désormais son étrave spatulée à moins de 300 milles de la ligne d’arrivée, on ne peut que vous inviter à l’imiter, tant cette journée s’annonce irrespirable…

Car la dernière ligne droite n’en sera pas franchement une ! Pour atteindre les Sables d’Olonne, Charlie Dalin va devoir redescendre le long de la Bretagne, dans des eaux certes on ne peut plus familières, mais aussi dans des petits airs… Le dauphin de la dernière édition, bien décidé à ne pas jouer les Flipper à nouveau, s’est employé à laisser le moins de chances possibles à Yoann Richomme (PAPREC-ARKÉA, 2e), sur lequel il compte désormais près de 200 milles d’avance. Exploitant au mieux le moindre souffle qu'il a visiblement légèrement plus puissant, le Havrais imprime une cadence infernale à son rival, handicapé en outre par la perte d’une de ses voiles d’avant cruciale dans le petit temps. 

Mais tout de même, il y a toujours cette petite musique dans notre tête, et sûrement aussi dans la sienne : que peut-il arriver qu’il n’aurait pas prévu ? « C'est fou ce qu'un détail peut avoir son importance quand on s'y attache », aurait dit Columbo s’il avait eu à refaire le match, avant même qu’il ne soit terminé… Allez, plus que quelques heures en apnée !

COURSE, 12 JANVIER 2025 : Photo envoyée depuis le bateau Biotherm lors de la course à la voile du Vendée Globe le 12 janvier 2025. (Photo du skipper Paul Meilhat)
COURSE, 12 JANVIER 2025 : Photo envoyée depuis le bateau Biotherm lors de la course à la voile du Vendée Globe le 12 janvier 2025. (Photo du skipper Paul Meilhat)

Un trio à l’Equateur

Alors même si le dénouement est dans tous les esprits, on essaie aussi de respirer en regardant ailleurs ! Mais quelle grossière erreur, car partout il y a de quoi hyperventiler… A commencer par Sébastien Simon (Groupe Dubreuil, 3e) qui, au large des Açores, essaie de se dépêtrer de l’anticyclone qui l’oblige à mettre le cap – provisoirement, on vous rassure – vers le Canada ! A moins qu’il n’y ait quelque chose qu’on nous cache, et que le skipper vendéen se décide finalement à nous faire une Moitessier sans même prendre la peine de franchir la ligne d’arrivée… Non, on vous rassure, aucune chance que le marin ne boude ce podium qui lui tend les bras ! 

Pour la suite du classement, en revanche, il faudra encore largement patienter pour voir une hiérarchie s’imposer. Car c’est en trio bien groupé que Sam Goodchild (VULNERABLE, 4e), Jérémie Beyou (Charal, 5e) et Paul Meilhat (Biotherm, 6e) ont franchi cette nuit l’équateur, lancés dans une course-poursuite sous les tropiques qui risque, là aussi, de nous tenir encore quelques jours en haleine ! Si les trois marins ont réussi un petit break avec le reste de leur groupe de poursuivants, il ne leur reste plus qu’à prier pour tomber sur un Pot-au-Noir pas trop récalcitrant… 

Gageons en tous cas que tous ceux-là ne seront pas fâchés de quitter enfin l’Atlantique Sud, eux qui ont tant peiné à le grimper... La preuve ? Cet écart qui a fondu avec les bateaux suivants, puisque 500 milles seulement séparent désormais Justine Mettraux (Teamwork – Team SNEF, 10e) et Clarisse Crémer (L’Occitane en Provence, 11e), alors qu’il y en a eu jusqu’à 1500 dans le Pacifique… De quoi aiguiser l’appétit de cet autre trio, complété par Benjamin Dutreux (Guyot Environnement – Water Family, 12e) et Samantha Davies (Initiatives-Cœur, 13e), qui semble attraper enfin à son tour les tant désirés alizés.

Nouveau départ sous le Brésil

Et puis que dire de ceux d’après, à part qu’on en a le souffle coupé ? C’est bien simple, on pourrait croire qu’ils se sont fixés une nouvelle ligne de départ sans même nous le mentionner ! Huit bateaux dans un mouchoir de poche, à essayer de se moucher les uns les autres au grand jeu de qui retrouvera du vent le premier. Si Jean Le Cam (Tout Commence en Finistère – Armor-Lux, 15e) avait semblé en bonne passe pour l’emporter, au petit matin, les partisans de l’option Ouest, à commencer par Romain Attanasio (Fortinet-Best Western, 14e) ont retrouvé des couleurs, après être sûrement passé par toutes celles de l’arc-en-ciel…

Leurs mésaventures déventées se poursuivront-elles assez pour permettre à d’autres marins de se joindre à la fête ? C’est ce qu’espère assurément Conrad Colman (MS Amlin, 22e), qui s’est lancé dans une échappée en solitaire pour les rejoindre. A l’arrière de ce peloton, les deux compères Arnaud Boissières (La Mie Câline, 27e) et Violette Dorange (Devenir, 28e) essaient, eux, seulement de se sortir au plus vite du vent puissant au près qu’ils ont subi de plein fouet. Eux sont au moins encore en course, ce qui n’est malheureusement plus le cas de leur camarade d’infortune, Eric Bellion (Stand as One – ALTAVIA), contraint dimanche à l’abandon suite à son avarie de gréement, ingérable dans un temps aussi dément…

COURSE, 12 JANVIER 2025 : Photo envoyée depuis le bateau D'Ieteren Group lors de la course à la voile du Vendée Globe le 12 janvier 2025. (Photo du skipper Denis Van Weynbergh)
COURSE, 12 JANVIER 2025 : Photo envoyée depuis le bateau D'Ieteren Group lors de la course à la voile du Vendée Globe le 12 janvier 2025. (Photo du skipper Denis Van Weynbergh)

Plus que six dans le Pacifique

Enfin, si tous les yeux seront rivés aujourd’hui sur le littoral français, il ne faut pas non plus oublier qu’ils sont encore six dans les mers du Sud, à vivre aussi leur aventure au rythme des coups de sang de l’océan. Si Oliver Heer (Tut Gut, 29e) entrevoit désormais la porte du cap Horn, ce n’est pas encore le cas du trio qui ferme la marche – Fabrice Amedeo (Nexans-Wewise, 32e), Manuel Cousin (Coup de Pouce, 33e) et Denis Van Weynbergh (D’Ieteren Group, 34e), encore en approche du point Nemo.

Si la performance des premiers est évidemment impressionnante, que dire de la leur ? L’endurance n’est-elle pas une épreuve tout aussi exigeante ? Car s’il en est bien qui doivent chérir la mer et l’épreuve qu’elle exige d'eux, ce sont ceux qui vont la fréquenter le plus longtemps. Lièvres ou tortues, il y a bien de la place pour tout le monde dans cette fable du Vendée Globe, et peu importe leur classement, ils seront tous célébrés dignement.


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