Une colonisation totale sur l’océan
Cette réalité ne saute pourtant pas immédiatement aux yeux et pour cause : on ne s’alerte souvent que des macro plastiques visibles à l’œil nu qui ne représentent au final « que » 10 % du nombre de déchets plastiques présents dans les océans. Le reste est composé de microplastiques, c’est-à-dire de fragments de moins de 5 millimètres, équivalant à la taille d’un grain de riz rond, voire de nanoplastiques dont le diamètre n’excède pas 1 micromètre, soit 10 fois plus petit que le diamètre d’un cheveu, pour donner un ordre de grandeur. A cette taille infinitésimale, « ces particules sont même présentes dans l’air et remises en suspension par les embruns marins ».
La majorité du plastique charrié de la Terre vers la mer
Si on remonte la piste du plastique, il faut tourner le regard vers la Terre d’où proviennent la majorité des déchets plastiques entrainés par la pluie jusqu’aux rivières et aux fleuves. Une fois dans l’eau, certains macro-déchets se déposent sur les sédiments. Certains canyons sous-marins sont littéralement tapissés de bouteilles plastique, comme l’ont montré les premières images vidéos de cette pollution analysées en 2021. D’autres partent pour une longue traversée de plusieurs mois autour du globe et se regroupent au niveau des gyres, ces gigantesques tourbillons océaniques créés à la convergence des courants et à la croisée desquels se forment les fameux « continents » de plastique. C’est la fragmentation de ces macro-déchets sous l’influence notamment de l’eau, des rayonnements UV, qui donne naissance au micro et nanoplastiques. Une partie de ces déchets arrivent toutefois directement à l’état de microplastiques dans l’environnement comme les fibres textiles contenues dans les eaux de lavage des machines à laver, les microbilles plastiques matière première de la plasturgie, les fragments de pneumatiques…
La Méditerranée détient l’un des records de la contamination microplastiques tandis que la zone asiatique comme le golfe du Bengale est la plus concernée par les macro-déchets.
Hautement toxique pour l’écosystème
Cette « soupe » de plastique n’est pas seulement indigeste, elle est carrément dangereuse pour la faune marine. Le premier impact direct est le risque de piégeage, d’étranglement ou d’obstruction des voies respiratoires des animaux marins par les macroplastiques. On a tous en tête ces images de tortues se débattant avec des sacs plastiques ! Il y a aussi l’effet « radeau» pour une population opportuniste de bactéries dont certaines potentiellement pathogènes, de virus ou de champignons qui se servent des morceaux de plastiques comme autant d’esquifs pour réaliser des traversées au long cours. On a ainsi vu des espèces se déplacer via ce mode de « transport » du Japon jusqu’aux USA. Ces arrivées sont susceptibles de bouleverser l’équilibre des communautés au point de devenir parfois des espèces invasives.
Jusque dans le cerveau des poissons
Autre conséquence indirecte, l’ingestion de plastique modifie la sensation de satiété chez les animaux avec à la clé retards de croissance et diminution des défenses immunitaires. « Ingéré par les organismes vivants, le plastique relargue des substances chimiques comme les phtalates ou le bisphénol qui sont des perturbateurs endocriniens, indique Arnaud Huvet. Pour notre modèle d’étude, l’huître, nous avons pu constater expérimentalement des incidences sur la reproduction, qui plus est, transmises à la génération suivante. On a également pu mettre en évidence que le plastique « neuf » a des effets plus nocifs que le plastique usagé liés à la libération de molécules chimiques. Enfin des études réalisées en laboratoire attestent la présence de nanoplastiques dans le système circulatoire de coquillages ou de cerveau de poissons, ce qui induit des modifications de leur comportement important pour se nourrir mais aussi dans leur stratégie de fuite aux prédateurs ».