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Réveillonner au grain

Bonne année, meilleurs vœux, la santé… et l’arrivée ! Voilà tout ce qu’on peut souhaiter à nos marins du Vendée Globe qui ont empanné en 2025, même si pour certains avec l’antiméridien, le passage se fera en deux temps façons Retour vers le Futur. Nom de Zeus, pas besoin de pyrotechnique quand la nature fournit le grand spectacle, et les souvenirs pour toute une vie, même sans boule de gui !

LE 31 DÉCEMBRE 2024 : Photo envoyée depuis le bateau Malizia - Seaexplorer lors de la course à la voile du Vendée Globe le 31 décembre 2024. (Photo du skipper Boris Herrmann) Bonne année !
LE 31 DÉCEMBRE 2024 : Photo envoyée depuis le bateau Malizia - Seaexplorer lors de la course à la voile du Vendée Globe le 31 décembre 2024. (Photo du skipper Boris Herrmann) Bonne année !

Soyons tout à fait honnêtes : la nuit ne fut pas vraiment différente des cinquante-et-une précédentes. La preuve, certains de nos marins ont appris par nos questions nocturnes qu’il était temps de mettre le cap vers une nouvelle année ! Il faut dire que dans leur quotidien salin, avec l’immensité mouvante pour seul horizon, branchés à l’adrénaline de course en perfusion, il est difficile de tenir le décompte des journées (comment ça, pas possible de graver des petits traits dans la cloison en carbone ?) 

Mais tout de même, gageons qu’à l’échelle de leur vie, celle-ci ne sera pas de celles qu’on oublie. « On avait fait quoi en 2024 chéri, on était chez les Dupont ou à la maison ? » Ah non, on s’échappait en tête du Vendée Globe, on galérait au large de l’Argentine, on passait le Cap Horn à la vitesse d’un paresseux en pleine digestion, on bourrinait dans un dernier front pas si Pacifique, on bricolait, on empannait, on pestait, on se réjouissait, on pleurait, on riait, on s’époustouflait, on se bagarrait… On se souviendrait. 

Charlie varie

Les premières heures d’une nouvelle année donnent-elles un avant-goût de ce tout ce qu’elle nous réserve ? Dans ce cas, Charlie Dalin (MACIF Santé Prévoyance) ne peut qu’avoir l’eau à la bouche, car ce qu’il avait tant espéré s’est produit. Enfin, le retour d’un vent bien établi, dont il a bénéficié en premier pendant que son dauphin Yoann Richomme (PAPREC-ARKÉA, 2e) continuait de zigzaguer façon relevés sismiques. De quoi dérober quelques précieux milles, alors qu’au petit matin, les deux furieux étaient enfin repartis à pleine vitesse vers la maison… on patientera jusqu’au ponton pour le champagne et les cotillons ! 

La délivrance semble encore loin du groupe suivant, qui avance péniblement le long de cette immense Argentine, au près. Le menu de la nuit avait de quoi retourner l’estomac, comme nous l’expliquait Jérémie Beyou (Charal, 7e) : 


Les conditions sont difficiles, là j’ai 28 nœuds de vent au près, et la mer est très courte. Ca secoue beaucoup, on cherche notre chemin entre cette dépression orageuse qui arrive dans notre Ouest et cet anticyclone qui est dans notre Est. Entre les deux il y a un flux de Nord, entre 25 et 30 nœuds, par contre dans les minimums orageux comme ça, c’est un peu n’importe quoi, il y a des gros orages que j’essaie d’éviter !

Jérémie Beyou
CHARAL

Effectivement, pas besoin de feux d’artifice, surtout que le marin finistérien a déjà eu sa dose il y a quelques jours, avec un départ d'incendie dans son bateau… « Depuis je suis hyper vigilant à la moindre connexion électrique », nous disait-il, déplorant « pas mal de casses qui se succèdent ». Il y a de quoi être plus refroidi qu’un vacherin glacé, effectivement ! Mais pas le temps de digérer, puisque les concurrents sont là, juste à côté. 


C’est compliqué de régater dans ces conditions-là, donc ça c’est pas très drôle. Le fait d’être en groupe, ça rajoute de la pression, on ne peut pas faire beaucoup d’erreurs, c’est des bateaux qui vont vite autour ! Je pense que Malizia, Vulnerable et Holcim font un peu comme moi, on essaie d’éviter la zone orageuse en restant Sud et la zone de vent faible derrière le front. Biotherm lui il est allé en plein dedans, ça me paraît un peu osé ! Et Justine est à la limite aussi ! Mais trouver un chemin là-dedans ce n’est pas facile, on progresse à peine, les conditions météo ne sont vraiment pas favorables…

Jérémie Beyou
CHARAL

LE 31 DÉCEMBRE 2024 : Photo envoyée depuis le bateau Charal lors de la course à la voile du Vendée Globe le 31 décembre 2024. (Photo du skipper Jérémie Beyou) Champagne Bonne Année
LE 31 DÉCEMBRE 2024 : Photo envoyée depuis le bateau Charal lors de la course à la voile du Vendée Globe le 31 décembre 2024. (Photo du skipper Jérémie Beyou) Champagne Bonne Année

« C’est un réveillon de sanglier à bord »

A l’inverse, elles sont pour le coup un peu trop clémentes à l’approche du Cap Horn pour Clarisse Crémer (L’Occitane en Provence, 11e), Benjamin Dutreux (Guyot Environnement – Water Family, 12e) et Samantha Davies (Initiatives-Cœur, 13e), qui auront le temps de méditer sur leur trajectoire. Le cap des damnés se fait pour eux doux comme un agneau… et ça a presque tendance à nous inquiéter encore plus, pas vous ? 

Derrière, c’est en revanche bien plus habituel dans la contrée : une belle dépression, et de la houle à foison ! Dans la nuit, le skipper Damien Seguin (Groupe Apicil, 15e) nous envoyait ses bons vœux en coup de vent : 


Hello les terriens, les conditions que j’ai actuellement pour cette Saint-Sylvestre sont assez dantesques ! J’ai 35 nœuds de vent, et des vagues par le travers, j’ai beau réduire tout ce que je veux la toile, le bateau ne veut pas décélérer, donc ça tape vraiment énormément ! C’est un réveillon de sanglier à bord, à tel point que je ne vais même pas pouvoir chauffer à manger, je vais manger froid pendant quelques repas là…

Damien Seguin
GROUPE APICIL

Maintenant qu’on est rendus là – qui lit les articles en entier, franchement ? – on peut se l’avouer. Ce qui nous fait le plus sourire dans le Vendée Globe, c’est la violence des contrastes. Là par exemple, entre la voix chahutée de Damien Seguin et celle de Jean Le Cam, il n’y a sur la cartographie que 300 milles de différence au but, mais visiblement tout un monde, puisque le skipper de Tout Commence en Finistre – Armor-Lux, 16e, nous décrit lui : 


Là c’est le rêve ! Autant ce matin j’étais dans la pétole, là ça s’est levé un peu, la mer est presque plate, en tous cas ça ne tape pas, là je suis sous gennak et grand-voile haute, j’ai matossé parce que quand même je me suis dit que j’allais pas passer la nouvelle année avec du matos sous le vent, ça se fait pas ! Là je viens de finir, j’ai mis l’hydro, et tout va bien ! C’est confortable, maintenant je fais ma route, je l’ai toujours fait tu me diras, mais là je ne regarde même pas où ils sont derrière !

Jean Le Cam
TOUT COMMENCE EN FINISTERE - ARMOR-LUX

« huitième empannage en 24 heures ?! »

Il aimerait en dire autant Tanguy Le Turquais (Lazare, 21e), mais soyons honnête, il n’en a même pas le temps ! C’est bien simple, il est tellement suivi qu’il n’a pas besoin de consulter un psy… 


Depuis que le petit groupe de chasseurs m’a rattrapé ça a clairement changé d’ambiance à bord ! Sans la ZEA on aurait pu faire un grand tout droit jusqu’au Cap Horn, mais au lieu de ça j’en suis à mon quoi… huitième empannage en 24 heures ?! Je suis en permanence en train de matosser, en train d’empanner, en train de recalculer la route… S’ils n’avaient pas été là, j’aurais peut-être fait quatre empannages ? Et à la place je vais en faire 10… donc ça fait monter l’intensité !

Tanguy Le Turquais
Lazare

Et avec tout ça, voilà qu’il avait effectivement raté le fait qu’on entrait dans une nouvelle année… Même pas le temps non plus de « ressentir la solitude » après plus de cinquante jours en mer, « de ce point de vue-là, j’aurais aimé ressentir un peu plus de solitude, partir en mode introspection pour ouvrir de nouvelles portes », nous racontait le marin, qui s’emploie donc actuellement plutôt à fermer celle des autres, même s’il semblerait qu’ils y aient glissé une botte… 

Cela ne l’empêche pas de tout de même de prendre quelques minutes pour songer à ses résolutions, puisque, paraît-il, c’est de saison : 


Finir le Vendée Globe, c’est une bonne résolution ! L’abandon de Yannick a montré que ce n’était jamais fini, et ça m’a pas mal affecté pour lui, c’est vraiment un marin que j’admire et il faisait une très belle course.

Tanguy Le Turquais
Lazare

Effectivement, peu importe le dernier chiffre qui figure sur le calendrier, leur implacable réalité n’a guère changé, et l’épée de Damoclès n’en est pas moins légère au-dessus de leur tête de mât. Comme 2024 a basculé en 2025 en une fraction de seconde, ils le savent tous, leur rêve peut aussi vite se transformer en cauchemar. Mais bon, on ne voulait pas casser l’ambiance non plus… allez, bonne année !

LE 31 DÉCEMBRE 2024 : Photo envoyée depuis le bateau DMG MORI Global One lors de la course à la voile du Vendée Globe le 31 décembre 2024. (Photo du skipper Kojiro Shiraishi) Bonne année !
LE 31 DÉCEMBRE 2024 : Photo envoyée depuis le bateau DMG MORI Global One lors de la course à la voile du Vendée Globe le 31 décembre 2024. (Photo du skipper Kojiro Shiraishi) Bonne année !

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