Chercher le vent comme une aiguille dans une meule de foin, ou au contraire, prier pour qu’il s’arrête quand tout ne tient plus qu’à un fil… C’est cette dernière situation qu’a vécu il y a quelques heures Thomas Ruyant (VULNERABLE, 4e), emberlificoté dans une tempête argentine aussi soudaine qu’inattendue. Pendant deux heures, l’anémomètre s’affole, enregistrant jusqu’à 60 nœuds, dans une atmosphère grisâtre de fin du monde… Dans ces cas-là, il n’y a qu’une solution : le point de fuite. Mais c’est avec une voile d’avant en lambeaux que le Nordiste en ressort, et les émotions sans dessus-dessous :
Les nerfs en pelote
Une maille à l’endroit, une maille à l’envers… On ne sait pas vraiment ce que nos marins nous tricotent sur leur chemin du retour, mais l’ouvrage risque d’être un peu irrégulier, tant la météo leur donne du fil à retordre et de la peine à tirer leur épingle du jeu.
« On a tous hâte que ça se finisse »
Trop de vent derrière, pas assez devant… Tout est une question de point de vue finalement ! Toujours en tête, Charlie Dalin (MACIF Santé Prévoyance), « en pleine forme » continue de goûter « à la douceur de vie brésilienne », mais aimerait tout de même que les alizés se fassent moins timides :
Au point du jour, le sillage du Havrais, qui a fait hier une montée au mât pour vérifier l’usure d’une de ses bastaques, commençait en effet à se tendre gentiment, et à repasser les 10 nœuds de moyenne. Mais il en faudra un peu plus pour battre à plates coutures Yoann Richomme (PAPRE- ARKÉA, 2e), qui n’est évidemment pas prêt à se laisser manger la laine sur le dos, et repartait lui aussi à petite foulée… endurant, il n’est pas prêt d’avoir un point de côté, sauf si c’est pour mieux doubler !
Mais il y a plus mal en point que ces deux-là, notamment dans le groupe des poursuivants de l’Atlantique Sud, toujours pas près de voir la fin du près. Pour ceux-là, mettons les point sur les i, le sac de nœuds n’est pas tout à fait fini, comme nous l’expliquait Boris Herrmann (Malizia – Seaexplorer, 9e) cette nuit :
Sans jamais se départir de sa voix calme et posée, le marin allemand, qui aimerait tout de même trouver comment se faufiler, finit par s’agacer :
« Je le paye avec mes nerfs »
Dans la galère, point de repères ! C’est aussi un peu l’avis d’Isabelle Joschke (MACSF, 18e), asymétrique depuis la casse d’un de ses foils, qui est justement en pleine mise au point :
Le résultat ? « Je le paye avec mes nerfs », nous dit Isabelle Joschke, qui attend en plus deux beaux coups de vent avant le passage du Cap Horn, d’ici trois à quatre jours. « Il va falloir faire des compromis, des choix, et peut-être des sacrifices », explique la Franco-allemande, qui reconnaît que « ce n’est pas facile de rester zen ».
Voilà un point commun qu’elle partage aussi avec Arnaud Boissières (La Mie Câline, 29e), plus loin dans la flotte, mais tout aussi tendu. La faute aux icebergs bien sûr, qui ont tout de même rappelé à son petit groupe de bateaux que leur aventure peut vite passer au point mort si on ne surveille pas assez ses radars !
« j’avais peur que l’ongle parte ! »
De fil en aiguille, le skipper des Sables d’Olonne finit par lâcher, ce qui n’aide pas à avoir le moral, qu’il a frôlé… le point de suture !
Car oui, ils ont beau être d’une sacré étoffe nos marins du Vendée Globe, partout ça commence à tirer et craquer dangereusement. « Jusqu’à maintenant je trouvais qu’il y avait du rythme, et là honnêtement je trouve que le temps est long. C’est bien de se le dire, ça permet de se l’avouer ! Même si je parle à mon bateau, je me parle à moi-même… Arnaud parle à Cali, Cali lui répond, le bateau il parle aussi », nous confie le marin, qui n’est décidément pas ravi de sa position dans la flotte actuellement. Mais on a envie de lui rappeler que rien ne sert de courir, il faut partir à point… et surtout à point Nemo !
Un brin de folie dans ce monde où rien n’est mesuré, et qui fait rarement dans la dentelle. Le seul point qu’aucun d’eux ne veut voir sur ses aiguilles ? Le point de non-retour.