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Dur de rester de glace

Une poignée d’heures en 2025, et déjà une surprise de taille. Pour la première fois depuis 2008, trois de nos marins ont pu immortaliser leur rencontre avec un iceberg, en plein milieu du Pacifique. Un moment unique, autant par le stress qu’il engendre que par la fascination qu’il suscite.

COURSE, 02 DÉCEMBRE 2024 : Photo envoyée depuis le bateau MS Amlin lors de la course à la voile du Vendée Globe le 02 décembre 2024. (Photo du skipper Conrad Colman) iceberg
COURSE, 02 DÉCEMBRE 2024 : Photo envoyée depuis le bateau MS Amlin lors de la course à la voile du Vendée Globe le 02 décembre 2024. (Photo du skipper Conrad Colman) iceberg

Ça jette un sacré froid ! Depuis plusieurs jours, cela bruissait du côté de la direction de course, et l’alerte avait été envoyée à tous les marins qui évoluent actuellement le long de la zone des glaces, en plein Pacifique (et ils sont un bon petit paquet !). Deux icebergs avaient été repérés par satellite hors de la Zone d’Exclusion Antarctique (ZEA), et leur position pouvait se rapprocher de celle de nos concurrents du Vendée Globe. Prudence et vigilance étaient donc de mise en ce premier jour de 2025 pour éviter ces mastodontes de glace, qui dérivent et se brisent en « growlers » plus difficiles à repérer, et qu’il ne fait pas bon fréquenter de trop près… 

« je vous avoue que ça m’a coupé les pattes ! »

Garder ses distances, c’était bien l’intention de Sébastien Marsset (Foussier, 22e), qui a pourtant été le premier à sonner le clairon. Prévenu d’une possibilité d’iceberg dont la dérive calculée le plaçait dans son Nord, le skipper nantais racontait dans la soirée : 


Mon alarme de radar qui s'est mise en route : j’avais un eu écho quatre milles devant. Je passe la tête dehors, et tout de suite je vois l’iceberg. Là c’est branle-bas le combat parce que je suis à 17 nœuds sous petit gennak ! Donc il faut rouler pour éviter l’iceberg. J’abats, ce qui temporairement me fait encore plus le viser, je roule, et je me retrouve à 2,5 milles de l’iceberg… J’essaie de lofer mais sans trop accélérer, je finis par prendre un deuxième ris pour vraiment ralentir, et j’attends longtemps ! Parce que franchement, ça me coupe les pattes, j’allais droit dessus ! Cet iceberg avait donc finalement pas du tout dérivé vers le Nord, mais plein Est, donc j’étais à la même latitude que lui, et je me suis retrouvé… face à lui !

Sébastien Marsset
FOUSSIER

Encore secoué par cette vision du bloc immaculé d’une centaine de mètres de long, véritable cargo de glace bleutée, le skipper nantais était, bien logiquement, partagé entre fascination et stress :


Je vous avoue que je n’avais déjà pas beaucoup dormi la nuit dernière, mais là… ça tend ! C’est crispant parce qu’on scrute tout, j’ai toutes mes alarmes, j’ai passé je sais pas combien de temps dehors à regarder la moindre écume, en croyant que c’était un bout de glaçon ! Faut souffler un coup, tout va bien, il y en a un autre plus dans l’Est, mais je pense que je vais mettre plus de distance avec sa position théorique. Mon idée c’est quand même de décoller de la zone des glaces, je vous avoue que ça m’a coupé les pattes ! L’année 2025 commence de manière très intense, et j’ai vu un iceberg pour la première fois de ma vie !

Sébastien Marsset
FOUSSIER

« Je rappelle que ma coque fait 3,6mm d’épaisseur »

Quelques heures plus tard, mêmes sensations de vertige pour Eric Bellion (STAND AS ONE – Altavia, 23e), qui a filmé le monstre glacé par 54° sud et s’en est senti bien petit : 


J’admire nos pionniers, sur les premiers tours du monde ils allaient là-dedans, il fallait une bonne dose de courage et surement un peu d’inconscience aussi, respect à eux ! Déjà au quotidien c’est musclé alors si tu ajoutes le piment de la glace… pour le 1e janvier, petit cadeau de l’Océan Pacifique ! Ça fait peur. On ne fait pas les malins le bateau et moi ! Je rappelle que ma coque fait 3,6mm d’épaisseur, je ne peux pas me permettre de taper ça. C’est beau les icebergs avec des bateaux d’expédition équipés de coques en acier mais pas avec nos bateaux de course en carbone.

Éric Bellion
STAND AS ONE - ALTAVIA

COURSE, 01 JANVIER 2024 : Photo envoyée depuis le bateau FOUSSIER lors de la course à la voile du Vendée Globe le 01 janvier 2024. (Photo du skipper Sébastien Marsset) iceberg
COURSE, 01 JANVIER 2024 : Photo envoyée depuis le bateau FOUSSIER lors de la course à la voile du Vendée Globe le 01 janvier 2024. (Photo du skipper Sébastien Marsset) iceberg

« j’ai dit hophophophop »

Un peu plus au Nord, Guirec Soudée (Freelance.com, 2e), le corps encore bien meurtri par un choc qui, voilà dix jours, l’avait fait voler dans son IMOCA comme une poupée de chiffon, nous racontait aussi ses longues heures de veille avec la trouille au ventre. Car tous le savent, au moindre choc, les calottes seraient cuites pour la suite de leurs aventures, ce qui justifie de réduire la voilure :


J’ai ralenti la cadence, je faisais 18-20 nœuds avec des pointes au-dessus, donc j’ai dit hophophophop. Je me suis déjà pris de la glace à 4-5 nœuds avec un bateau en acier, déjà c’était pas très agréable, alors avec un bateau en carbone je préfère pas y penser ! Ca met un peu de piment à la course, mais c’est un peu stressant quand même, je suis sur mon radar, toutes les 20 minutes je vais à l’extérieur, on voit bien à l’horizon donc ça c’est cool.

Guirec Soudée
FREELANCE.COM

Effectivement, si on veut voir le verre à moitié plein (de glaçons), les skippers bénéficiaient en effet toute la journée d’une belle visibilité, ce qui, dans le royaume du gris, est loin d’être acquis ! Mais la nuit, justement on le sait, tous les icebergs le sont aussi, gris, et c’est donc un peu inquiet que le dernier des mohicans du paquet, le néo-zélandais Conrad Colman (MS Amlin, 29e) voyait le soleil commencer à se coucher... 

Juste avant son crépuscule, une gigantesque silhouette s’est à nouveau détachée sur son horizon, permettant même au Kiwi de lancer son drone pour filmer la merveille de la nature de plus près… Un deuxième iceberg dont la présence a évidemment été rapportée à la direction de course, qui va continuer à tenter de suivre sa dérive pour les prochains à passer dans le coin…

Décidément, 2025 promet de réserver de belles surprises, si elle est à l’image de ce premier jour de course sur le Vendée Globe, alors que Fabrice Amedeo (Nexans – Wewise, 34e) nous envoyait, lui, de rares photos d’une aurore australe ! N’en jetez plus côté grand spectacle, on est rassasié ! 

COURSE, 02 JANVIER 2024 : Photo envoyée depuis le bateau Nexans - Wewise lors de la course à la voile du Vendée Globe le 02 janvier 2024. (Photo du skipper Fabrice Amedeo) aurora australis
COURSE, 02 JANVIER 2024 : Photo envoyée depuis le bateau Nexans - Wewise lors de la course à la voile du Vendée Globe le 02 janvier 2024. (Photo du skipper Fabrice Amedeo) aurora australis

« Aucune de ces options ne m'attire beaucoup »

Enfin pas tout à fait, car on en oublierait presque qu’il y a toujours une course qui se joue… Et qui ne baisse pas en intensité ! Côté tête, ce fut une nouvelle nuit pénible au ralenti, dont Charlie Dalin (MACIF Santé Prévoyance) sort à nouveau en tête, mais de peu… Yoann Richomme (PAPREC – ARKÉA, 2e) a en effet bien réduit l’écart à nouveau, en attendant de toucher, tous deux l’espèrent plus que jamais, les alizés dans la journée. 

Le long de l’Argentine, la remontée de l’Atlantique Sud est toujours aussi complexe pour le groupe mené par Paul Meilhat (Biotherm, 5e). Joint dans la nuit, Sam Goodchild (VULNERABLE, 8e), nous racontait ce passage complexe face au vent, qui laisse peu de place au repos : 


La vie à bord n’est pas simple, et la stratégie non plus ! On n’a pas de vision d’une option simple, entre aller à l’Est et avoir du vent très fort ou à l’Ouest et pas de vent, ou juste quelques nuages d’orages ! Aucune de ces options ne m'attire beaucoup mais ce sont les seules qui existent, et il faut donc essayer de trouver la meilleure !

Sam Goodchild
VULNERABLE

COURSE, 01 JANVIER 2024 : Photo envoyée depuis le bateau GUYOT Environnement - Water Family lors de la course à la voile du Vendée Globe le 01 janvier 2024. (Photo du skipper Benjamin Dutreux) Clarisse Crémer (FRA), skipper de L'Occitane en Provence, en vue.
COURSE, 01 JANVIER 2024 : Photo envoyée depuis le bateau GUYOT Environnement - Water Family lors de la course à la voile du Vendée Globe le 01 janvier 2024. (Photo du skipper Benjamin Dutreux) Clarisse Crémer (FRA), skipper de L'Occitane en Provence, en vue.

« ça aura été un chemin de croix »

Pas simple, c’est aussi le constat de Romain Attanasio (Fortinet-Best Western, 14e), qui commence à tirer la langue à moins de 36 heures de son passage du Cap Horn. Si ce dernier s’est fait tout doux pour accueillir les précédents, dont Benjamin Dutreux (Guyot Environnement – Water Family), qui en a profité pour chiper la 11e place à Clarisse Crémer (L’Occitane en Provence, 12e), c’est une tout autre sauce qui attend le marin. 


Je suis assis devant mon siège devant mon ardoise qui dit Cap Leeuwin 14 décembre, et je me disais justement que ça aura été un chemin de croix pour arriver jusqu’ici ! Je veux pas me porter la poisse, j’ai pas encore passé le Cap Horn, mais c’est vrai que… l’Indien a été dur mais le Pacifique presque pire en fait ! Les deux précédents Vendée Globe, on m’avait dit le Pacifique c’est super tu verras, j’avais pas trouvé, mais là ça a été vraiment pire ! Du délire ! On est encore dans la tempête là, avec une mer horrible, et je crois qu’on a encore 40 nœuds en arrivant au Cap Horn dans 36 heures ! C’est pas dingo.

Romain Attanasio
FORTINET - BEST WESTERN

Si le skipper de Fortinet-Best Western essaie de contenir le retour de plus en plus pressant de Damien Seguin (Groupe Apicil, 15e), c’est surtout celui de Jean Le Cam (Tout Commence en Finistère – Armor-Lux, 16e), désormais à 300 milles de son tableau arrière, qui l’agace fortement :


Damien, j’essaie de le tenir mais il est rapide et c’est pas simple ! Je pense qu’il va plus vite que moi avec ses foils dernière génération. Mais celui que j’ai vraiment pas envie de voir revenir c’est Jean Le Cam, c’est fou lui il fait une route tout droit, avec du vent de Nord, alors que nous on tire des bords, et le groupe derrière lui aussi. Lui il est vraiment entre les deux, c’est un peu rageant !

Romain Attanasio
FORTINET - BEST WESTERN

C’est ainsi à la cantine de l’océan : on ne sait jamais comment on va être servi, et dans quelle proportion… Une seule certitude : il ne faudra pas en garder l’estomac noué, sous peine de rester sur sa faim !  

COURSE, 01 JANVIER 2024 : Photo envoyée depuis le bateau HUMAN Immobilier lors de la course à la voile du Vendée Globe le 01 janvier 2024. (Photo du skipper Antoine Cornic)
COURSE, 01 JANVIER 2024 : Photo envoyée depuis le bateau HUMAN Immobilier lors de la course à la voile du Vendée Globe le 01 janvier 2024. (Photo du skipper Antoine Cornic)

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