« Physiquement, ça va beaucoup mieux qu’il y a quelques jours, à la suite de mon arrêt technique à Saint-Paul. Je pensais être à l’abri mais en fait ça bougeait quand même beaucoup et j’ai énormément heurté le mât. A présent, je fais de bonnes siestes d’une heure et je commence à bien récupérer de cette épreuve. Je suis hyper satisfait de ce que j’ai pu faire avec les moyens du bord, en réfléchissant et en jouant les MacGyver », a relaté Antoine Cornic (Humain Immobilier), tôt ce matin. Reparti de plus belle, avec même un A7 (petit gennaker) lui aussi réparé, le Rétais, qui a surmonté avec panache ses soucis maousses costauds de rail de grand-voile après des heures de travail acharné, savoure cette petite victoire qui lui redonne confiance et énergie, surtout maintenant qu’il vient de déborder le cap Leeuwin, le deuxième grand jalon de son tour du monde. « J’espère stopper cette vague de casses successives, avec une emmerde voire deux par jour mais je suis content d’être là où je suis. C’est quand même mythique de se dire qu’on est dans les mers du Sud, par 45° Sud ! », a ajouté le skipper qui ressent une nouvelle intensité à son aventure, finalement dopé par ces moments de tension et de lutte où l’on doute mais persévère, et qui rendent le voyage encore plus précieux. « Je profite de chaque instant avec une profondeur renouvelée : la visite d’un albatros, la lueur fugace d’un petit rayon de soleil quand on en a marre de ne plus voir le ciel, la satisfaction d’un bateau qui part en surf ou celle d’une manœuvre bien réussie… », a détaillé le marin pour qui ces plaisirs simples rappellent qu’au milieu des défis titanesques, il reste des instants de douceur à apprécier.
Entre galères, résilience et espoirs
Même topo ou presque du côté de Paul Meilhat, qui, bien requinqué après trois jours de galère causés par des infiltrations d’eau dans son IMOCA, retrouve enfin un rythme plus serein. « Je n’ai pas réglé le problème mais j’ai trouvé des solutions qui me permettent de me faciliter un peu la vie et d’éviter de tremper vraiment trop l’intérieur du bateau en canalisant les fuites et en les détournant vers des endroits où c’est facile de pomper », a expliqué le skipper de Biotherm qui attend des conditions plus « sages » pour intervenir à l’extérieur et continue, en attendant, de se jeter dans la mêlée comme un chat sur une pelote de laine. « Le fait d’être au contact de Sam Goodchild depuis trois-quatre jours, c’est assez génial. J’avouerais aussi que le fait de ne pas m’être retrouvé bloqué comme Sam Davies et Clarisse Crémer, ça a fait du bien au moral aussi. En plus, on risque peut-être de revenir sur le groupe de trois de devant », a commenté le navigateur qui n’exclut pas un regroupement, de Thomas Ruyant (VULNERABLE) à Justine Mettraux (TeamWork – Groupe Snef), d’ici au passage du cap Horn. « Ça pourrait être super sympa », a assuré Paul, qui se projette petit à petit sur la remontée de l’Atlantique. « Changer d’allure, avoir une mer un peu plus plate, ce sera plus confortable. Voir les températures remonter aussi mais pour ça, il va falloir attendre une bonne semaine encore », a précisé le skipper qui souffre, comme les autres, des coups de vent incessants qui caractérisent les mers du Grand Sud, mais aussi et surtout de l’humidité omniprésente, celle-là même qui s’insinue partout, jusque dans les os, et transforme chaque geste quotidien en un combat pour préserver un semblant de confort.
Des petits bonheurs qui réchauffent les cœurs
Dans ce contexte, les skippers du Vendée Globe réapprennent finalement à goûter les plaisirs simples, ces petites étincelles de joie qui illuminent des journées rudes et salées. « Rien n’égale un café bien chaud le matin », a assuré en ce sens Benjamin Dutreux (GUYOT environnement – Water Family). Et on ne parle pas là d’un café chic avec une mousse parfaite, non, mais d’un café improvisé dans une tasse cabossée. Dans le froid mordant, ce breuvage devient une source de chaleur presque miraculeuse. Chaque gorgée est un rappel que, malgré les vagues déchaînées, il existe encore un petit coin de confort. Et que dire du carré de chocolat ? Dans cette vie rythmée par les manœuvres et les calculs de routage, ce petit bout de douceur est une véritable fête. Ce n’est plus juste du chocolat, c’est une expérience mystique ! Pendant quelques secondes, il permet d’oublier que l’on est entouré de mille tonnes d’eau glacée et que son dernier repas chaud digne de ce nom remonte au temps des dinosaures ! « Ces petits morceaux de cacao sont essentiels pour préserver le moral », a avoué Fabrice Amedeo (Nexans – Wewise), par ailleurs, dérangé par le manque d’hygiène à bord. « Les jours passent et il est compliqué de se laver. Je finis par "mariner" un peu dans mon ciré et mes bottes. Peut-être que je vieillis, parce qu’avant ça m’importait peu, mais maintenant, ça me pèse », a concédé le journaliste – skipper, qui sait qu’après des jours dans des habits trempés et battus par le vent, glisser un vêtement propre sur sa peau devient un instant rare et précieux. Pareil pour le rayon de soleil furtif. Dans ces contrées où le gris est une couleur permanente, voir un bout de ciel bleu, c’est comme croiser une licorne. Conclusion ? Dans cette course où tout est grandiose – l’effort, les vagues, le défi –, ce sont ces bonheurs minuscules qui redonnent de la force. Ils sont l’essence de la vie au large, des petits rappels que même au bout du monde, on peut trouver un peu de chaleur, de légèreté et de lumière.