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Le cap Horn, histoire d’un mythe

Les leaders, Charlie Dalin (MACIF Santé Prévoyance), Yoann Richomme (PAPREC ARKÉA) et Sébastien Simon (Groupe Dubreuil) devraient passer le cap Horn ce lundi. Troisième cap de ce Vendée Globe, passage entre l’océan Pacifique et l’Atlantique Sud, il marque la fin des 40es rugissants et promet surtout des jours meilleurs. Route historique et déterminante pour le transport maritime, c’est aussi devenu un mythe qui a participé à la légende du Vendée Globe.

CAP HORN, CHILI - 28 MARS 2023 : Paul Meilhat (FRA), skipper de Biotherm, est photographié en train de doubler le Cap Horn lors de l'étape 3 de l'Ocean Race le 28 mars 2023 - Photo by Ronan Gladu / Biotherm sailing
CAP HORN, CHILI - 28 MARS 2023 : Paul Meilhat (FRA), skipper de Biotherm, est photographié en train de doubler le Cap Horn lors de l'étape 3 de l'Ocean Race le 28 mars 2023 - Photo by Ronan Gladu / Biotherm sailing

Il s’agit d’une falaise de 425 mètres, sombre et noirâtre. Un bloc sinistre et froid, une terre rocailleuse et inhospitalière. Parfois, après des semaines de bataille au large, les marins n’ont même pas l’occasion de l’apercevoir, d’autres sont finalement déçus par ce bout de terre hostile, si ce n’est l’exploit qu’ils viennent de réaliser. 

Car il en faut des tripes, du sang-froid et de la patience pour dépasser la terre la plus australe de tous les continents, située à 55°58’ Sud et 67°17’ Ouest. Géographiquement, c’est un plateau continental où vient buter la houle, un entonnoir coincé entre les eaux froides de l’Antarctique et celles plus tempérées du Pacifique. Souvent, la météo s’y déchaîne et il n’est pas rare que des rafales à plus de 70 nœuds balaient la zone. 

Cap Horn © Romain Attanasio - Vendée Globe 2020/21

Un incroyable niveau de dangerosité 

Si certains l’ont peut-être passé par accident, on remonte le premier franchissement en janvier 1616. Un navire hollandais, dirigé par Willem Schouten, financé par Isaac Lemaire, aspire à trouver un nouveau passage commercial. Celui-là, qui longe une falaise de 425 mètres, en est un. La ville des promoteurs de l'expédition : Hoorn, donnera son nom à ce cap mythique.

Leur découverte est une aubaine pour le trafic maritime mondial. Désormais, il n’y a plus besoin de passer par le périlleux détroit de Magellan. Le trafic dans la zone s’intensifie au XIXe siècle grâce à la ruée vers l’or. Mais les marins des grands voiliers qui le tentent d’Est en Ouest doivent souvent rester plusieurs jours à batailler pour franchir le cap Horn. Au printemps 1788, l’équipage du Bounty - bien avant ses velléités de révolte -, avait dû patienter plus d’une vingtaine de jours, incapable de progresser dans la mer agitée et les vents glacés. Le niveau de dangerosité est si fort que les drames sont nombreux. 

Passage du cap Horn - Vendée Globe 1992/93

« C’était un chaudron infernal » 

Ce n’est qu’en 1968, lors du Golden Globe Challenge, premier tour du monde sans escale, que des skippers s’y aventurent pendant une course. Pour les marins du Vendée Globe, c’est devenu un passage obligé. Il s’agit du troisième cap à franchir (après Bonne Espérance et Leeuwin). Pour les bizuths, c’est une curiosité, l’assurance d’un frisson qui oblige à se dépasser et à résister. Jean-Luc Van den Heede, concurrent de la première édition en 1989, raconte, dans un de ses livres*: « je dois reconnaître que j’ai tremblé. C’était un chaudron infernal, je ne mets rien au-dessus de la condition de marin ». 

En 1997, c’est à proximité du cap Horn que Gerry Roufs disparaît. Dans sa dernière communication avec l’organisation de la course, il expliquait : « les vagues ne sont pas des vagues, elles sont plus hautes que les Alpes ! » Au même moment, Isabelle Autissier décrivait des rafales atteignant 97 nœuds ! La navigatrice et Marc Thiercelin tenteront un temps de le chercher mais les creux de dix mètres et le froid glacial les ont poussés à abandonner rapidement les recherches. Ce n’est qu’un an plus tard que l’armée chilienne parviendra à retrouver des morceaux de coque au large de l’île d’Atalaya, à plus de 300 milles au Nord du cap Horn. 

La « trouille » et le soulagement 

Il y a quatre ans, Jean Le Cam évoquait « une frontière ». Il peut témoigner de la dureté du cap Horn : c’est là qu’il avait chaviré, en janvier 2009. Vincent Riou et Armel Le Cléac’h s’étaient déroutés. Le bateau était retourné, Vincent était parvenu à hisser Jean à bord de son IMOCA PRB. « Quand Jean est sorti de son bateau au large du cap Horn, il était accroché à son safran, je passais à côté, se souvient Vincent*. C’était une émotion très forte, compliquée à gérer, quelque chose de rare. Toute ma vie, je me souviendrai du regard de Jean ». 24 heures plus tard, une avarie d’outrigger bâbord engendre le démâtage de PRB. Récupérés par l’armée chilienne, les deux marins sont ensuite débarqués en Patagonie.

Une poignée d’années plus tard, le cap Horn se dresse à nouveau sur la route des skippers du Vendée Globe. Lors de la dernière édition, Yannick Bestaven reconnaissait « avoir la trouille ». Il expliquait : « c’est Nazaré en continu, on a l’impression d’être en surf tracté avec 8 à 10 mètres de vagues ». Certains ont dû s’accrocher à l’instar de Maxime Sorel dont le bateau s’était couché à l’horizontale et Boris Herrmann qui avait déchiré sa grand-voile. 

Franchir le Cap Horn offre un incroyable soulagement dont font part tous les skippers.  « J’ai pleuré toutes les larmes de mon corps, c’est tellement d’efforts pour en arriver là » confiait Damien Seguin il y a quatre ans.  Il y a un avant et surtout un après qu’on apprend à savourer. « D’un coup, tu ressens moins de tension, tu te sens plus léger » racontait Armel Tripon. Et Thomas Ruyant de conclure : « c’est dingue comment la transition est brutale. Moralement, je me suis senti complètement reboosté de faire route vers la maison ». Tous ces marins, comme leurs aînés, cultivent dès lors une certaine fierté : ils feront partie à jamais du très exclusif groupe des ‘cap-horniers’

*Extrait de ‘Un globe à la force du poignet’ (Filipacchi, 1990) 
*Extrait de « Vendée Globe, les aventuriers du grand Sud (Hugo Sport, 2024) 

Passage du cap Horn - Vendée Globe 2000/2001

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