Toutes les actualités

Le combat continue, le gong approche

Après des jours de bagarre dans les alizés, Manu Cousin (Coup de Pouce) et Fabrice Amedeo (Nexans – Wewise) – bientôt rejoints par Denis Van Weynbergh (D’Ieteren Group) – sortent enfin de cette zone avec le visage marqué comme après un match de boxe sans arbitre. Le vent capricieux et la mer chaotique leur ont distribué crochets et uppercuts à répétition, et chaque embardée du bateau relevait d’une esquive de dernière seconde. Les bras lourds, les jambes en coton, ils accueillent avec soulagement l’entrée dans une dorsale anticyclonique : enfin une pause, un peu de vent léger, comme un coup de cloche salvateur entre deux assauts bien musclés. Mais impossible de baisser la garde trop tôt. L’Atlantique Nord, en ce moment, est un ring en perpétuel mouvement. L’anticyclone des Açores, repoussé bien plus au sud que d’ordinaire par une dépression très creuse, laisse place à un terrain de jeu incertain. Résultat : le dernier round s’annonce aussi imprévisible qu’un adversaire qui change de tactique en plein combat. Souffler, oui, mais sans oublier de rester vigilant, car le match est loin d’être terminé. Plus en avant, Oliver Heer (Tut Gut.) est lui aussi piégé dans la molle. Son arrivée aux Sables d’Olonne, d’abord espérée plus tôt, n’est désormais attendue que demain en milieu de journée. Derrière lui, Jingkun Xu (Singchain – Team Haikou) subit le même sort et devrait arriver environ 24 heures plus tard. Pour eux, le gong final approche, mais il reste encore quelques coups à porter pour décrocher leur victoire personnelle.

COURSE, 14 FÉVRIER 2024 : Photo envoyée depuis le bateau Singchain Team Haikou lors de la course à la voile du Vendée Globe le 14 février 2024. (Photo du skipper Jingkun Xu)
COURSE, 14 FÉVRIER 2024 : Photo envoyée depuis le bateau Singchain Team Haikou lors de la course à la voile du Vendée Globe le 14 février 2024. (Photo du skipper Jingkun Xu)

Désormais, Manu Cousin et Fabrice Amedeo ont laissé derrière eux le ring tumultueux des alizés, mais la suite ne s’annonce pas plus simple. Ils butent à présent dans une dorsale anticyclonique, et seront bientôt imités par Denis Van Weynbergh. Le schéma météo actuel est pour le moins inhabituel : l’anticyclone, normalement bien ancré au large du Portugal, a été rejeté loin au sud par une dépression particulièrement creuse qui balaie le nord de l’Atlantique. Résultat, là où d’ordinaire la transition se fait aux Açores, cette fois, c’est bien plus bas, entre le Cap Vert et les Canaries, que les marins se retrouvent ralentis par cette zone de vents faibles. Et ce n’est pas fini : ce système de hautes pressions va les accompagner encore plusieurs jours vers l’Europe, rendant leur remontée particulièrement délicate. 

Pétole en embuscade

Il n’empêche que dans l'immédiat ce calme est bienvenu, ainsi que l’explique Manu Cousin:


Maintenant, j’ai dix nœuds de vent, et j’en profite un peu. Ça faisait longtemps que je n’avais pas eu le luxe d’une navigation un peu douce. Ces derniers jours ont été d’une brutalité extrême, avec la peur constante de casser quelque chose.

Manuel Cousin
Coup de Pouce

Mais cette parenthèse ne durera pas éternellement. Coincée en bordure de l’anticyclone, la petite bande de trois va devoir jouer finement pour ne pas rester bloquée trop longtemps. « Ça risque d’être un passage compliqué avec une nouvelle bataille contre la pétole. Il va falloir ruser pour ne pas y rester piégé trop longtemps, parce que, franchement, il me tarde d’arriver ! » L’enjeu est de taille : ne pas se faire piéger par une météo qui change d’avis aussi vite qu’un chat devant une porte ouverte. « Il va falloir se battre jusqu’au bout, éviter de se faire happer par l’anticyclone, et réussir à attraper la queue de la dépression qui pourrait me mener ensuite directement dans le golfe de Gascogne. Il y a clairement encore beaucoup de boulot en perspective ! » Malgré la fatigue, Manu Cousin reste concentré sur l’objectif. « Après 98 jours de course, je n’en reviens pas d’être encore là. Avant le départ, je n’aurais jamais imaginé ça, mais j’ai la chance d’être toujours en course. Alors, pas question de lâcher maintenant ! » L’équation est simple : jongler entre les trous d’air, négocier la moindre risée et ne pas laisser la frustration prendre le dessus. Chaque décision peut être la bonne… ou la chausse-trappe qui les ralentira encore un peu plus.

Dernier virage, dernières embûches

Pendant que certains tentent d’anticiper au mieux les caprices du vent, plus en avant, Oliver Heer en fait déjà l’amère expérience. Après une belle accélération ces dernières 36 heures, la réalité de cette fin de parcours s’impose à lui : il va falloir composer avec des vents faibles et instables, aussi capricieux en force qu’en direction. Lui qui espérait une arrivée ce dimanche va devoir patienter un peu plus longtemps : ce sera finalement demain en milieu de journée. 


On sent que le bateau commence à fatiguer. Rien de grave, si ce n’est que quelques supports d’instruments se sont cassés et que j’ai un petit souci avec mon lazy bag, mais rien qui puisse me ralentir. La quille ne s’aggrave pas, mais c’est franchement agaçant de devoir constamment remplir le fluide hydraulique et de gérer tout ça. Mais maintenant, il me reste moins de 300 milles avant l’arrivée. J’ai vraiment, vraiment hâte de poser le pied sur la terre ferme !

Oliver Heer
Tut gut.

Derrière lui, Jingkun Xu s’apprête lui aussi à négocier une fin de course dans des airs légers, mais avec une configuration légèrement différente. Son arrivée est attendue mardi dans la journée. Contrairement au skipper de Tut Gut., qui doit jongler avec un vent erratique à l’avant du front, le Chinois pourra s’appuyer sur un flux de sud-est plus établi, ce qui devrait lui permettre de conserver un peu plus de vitesse. En résumé, à ce stade, chaque mille gagné est un pas de plus vers la délivrance, mais aussi une épreuve de patience. Comme un boxeur sonné qui attend le coup de cloche, il faut serrer les dents et encaisser encore un peu. 


Partager cet article

Dernières actualités