Le goût du combat et de l’obstination
Dès les premiers jours, la mer lui a rappelé que le Vendée Globe n’était pas un rêve d’enfant, mais une guerre d’usure. Un bon départ, puis un long calvaire dans les zones sans vent, laissant filer les concurrents devant lui. Un passage de l’équateur en fond de classement, une pénalité de deux heures pour une voile débarquée sans autorisation... Le Suisse allemand aurait pu perdre pied, il a serré les dents. En Atlantique Sud, premiers gros pépins. Un moteur inondé, sa grand-voile abîmée, un vérin de quille récalcitrant. Il s’adapte, répare et continue. En franchissant le cap de Bonne Espérance, il célèbre le moment avec un cigare et une gorgée de whisky, savourant ce premier vrai jalon. L’océan Indien, lui, n’a rien d’une invitation à la détente. Violent, imprévisible, épuisant, il bouscule Tut Gut., son bateau, qui accuse le poids des ans. Mais il ne lâche rien et, malgré les vagues hostiles, il progresse. Plus tard, au cœur du Pacifique, il aperçoit un iceberg au passage du point Némo. Seul au monde, au point le plus isolé de la planète, il comprend la démesure de ce qu’il est en train d’accomplir. Puis vient le cap Horn, le Graal. Celui dont il rêvait depuis ses navigations en Optimist sur le lac de Zurich. À cet instant, il n’est plus un simple marin en quête d’un défi. Il est un Homme qui touche à son destin.
Un rêve construit sur la résilience
Le parcours d’Oliver Heer est marqué par un tournant personnel. Après une brève carrière dans le commerce en Extrême-Orient, le décès prématuré de son père, lui-même passionné de voile, le pousse à tout quitter. Il rejoint l’équipe d’Alex Thomson, apprend, grimpe les échelons et devient boat-captain du célèbre skipper britannique. L’idée de faire son propre Vendée Globe l’obsède, jusqu’à ce que Thomson, après son propre abandon en 2020, l’encourage à franchir le pas. Son projet se monte avec les moyens du bord, un bateau de 2007 et un budget serré. Pas de foils révolutionnaires, pas de préparation millimétrée, juste de la détermination et une foi inébranlable. À l’approche du but, le vent, complice ou bourreau selon les jours, décide de ralentir la cadence. L’attente devient son dernier adversaire. Frustrant, rageant, mais le marin suisse-allemand en a vu d’autres. Chaque mille gagné est un pas de plus vers la délivrance. Et ce lundi, après plus de 99 jours de mer, il met pied à terre en Homme accompli.