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Damien Seguin : « J’avais mille raisons d’abandonner, mais j’avais aussi mille raisons de continuer »

« Long et difficile », voilà les mots utilisés par le skipper de Groupe APICIL pour résumer son deuxième Vendée Globe. Particulièrement ému au franchissement de ligne, le champion handisport reste malgré tout heureux d’avoir bouclé la boucle, et d’accrocher le Top 15. « Ce n’était pas la place dont je rêvais au départ, mais elle est jolie, et je suis allée la chercher avec mes tripes. »

LES SABLES D'OLONNE, FRANCE - 03 FEVRIER 2025 : Le skipper de Groupe APICIL Damien Seguin (FRA) est photographié lors de sa conférence de presse après avoir pris la 15ème place du Vendée Globe, le 03 février 2025 aux Sables d'Olonne, France - (Photo by Jean-Louis Carli / Alea)
LES SABLES D'OLONNE, FRANCE - 03 FEVRIER 2025 : Le skipper de Groupe APICIL Damien Seguin (FRA) est photographié lors de sa conférence de presse après avoir pris la 15ème place du Vendée Globe, le 03 février 2025 aux Sables d'Olonne, France - (Photo by Jean-Louis Carli / Alea)

Vendée Globe :

On t’a vu ému comme jamais à l’arrivée, peux-tu nous dire ce que tu as ressenti en franchissant cette ligne ?

Damien Seguin
Damien Seguin
GROUPE APICIL

Je crois que je vieillis ! (rires) C’était pas une course comme les autres, j’ai jamais vécu une course autant dans la difficulté physique, psychologique et sportive, c’était une délivrance, j’ai pas honte de dire que ça a été dur. J’ai galéré quand même ! Alors j’ai laissé les émotions parler. Passer la ligne, ça fait quelques jours que j’attends ce moment, plus j’approchais plus ça retardait… Au final, ce chenal était super avec le soleil levant, les premiers bateaux qui arrivent… Ça reste une belle communion de vous voir tous à l’arrivée, il y avait de l’émotion, parce que ce que je fais, ce n’est pas que pour moi. C’est peut-être la première fois de tout ce Vendée Globe que je profitais d’un moment positif, donc ça faisait du bien !

Vendée Globe :

Il a été frustrant ce deuxième Vendée  Globe ?

Sportivement oui, j’ai ressenti beaucoup de frustration. J’ai eu pas mal de difficultés sur pas mal de niveaux, un manque de chance et de réussite au niveau météo. Il faudra que je refasse le film, mais je crois que Sam et moi, on est vraiment les deux à avoir mangé notre pain noir, ça use et ça cogite. Ce n’était pas le Vendée Globe dont je rêvais.

Vendée Globe :

Mais c’est un tour quand même, et un deuxième Vendée Globe achevé, c’est tout de même un motif de satisfaction ?

Exactement, c’est extraordinaire. J’avais mille raisons d’abandonner, mais j’avais aussi mille raisons de continuer. Quand on est dans la difficulté, il faut aller chercher au plus profond de soi-même. En tous cas, on peut faire deux fois le tour de la planète, la seule chose en commun c’est qu’elle est ronde, tout le reste peut être différent. Par rapport à il y a quatre ans, c’était plus dur et plus long, mais je suis très fier de l’avoir bouclé.

Vendée Globe :

Quasiment dès le début, tu as dit avoir eu du mal à rentrer dans ta course, est-ce que tu peux nous raconter ce qu’il s’est passé ?

Je ne m’explique pas encore complètement cette phase-là, ça fait partie du sport, on peut pas être à 100 % psychologiquement et physiquement tout le temps. Je pensais avoir mis le curseur au bon endroit. J’ai un bon bateau, il a gagné le dernier Vendée Globe, mais il a les défauts de ses qualités, il est robuste mais n’est pas très bon dans le petit temps. Ce début de course dans la pétole, ça m’a déconcentré, il m’a fallu un peu de temps pour trouver une autre façon de m’exprimer sur cette course-là que par le seul résultat sportif. Le changement de mode n’a pas été simple, il a été porté en extérieur par beaucoup de gens. L’équipe technique m’a mis un bateau extraordinaire entre les mains, j’avais un peu honte parfois de ne pas réussir à concrétiser sur l’eau, mais j’ai continué. Quand on prend le départ d’une course, il faut la terminer.

Vendée Globe :

C’était ça, les « milles raisons de continuer » ?

Oui, et la chance de faire ce sport tout simplement. D’avoir un sponsor comme ça qui m’a suivi pendant 8 ans, la vague rouge, j’ai une chance immense. On clôt un joli chapitre. Et puis après je ne suis pas du genre à abandonner. Oui, il y a eu de la frustration, mais je n’abandonne pas, je trouve toujours une raison de continuer à me faire mal, à faire mal au bateau pour le faire avancer vite. La remontée de l’Atlantique Nord, c’était dur parce qu’à chaque fois ça revenait sur moi, et au final ça m’a obligé à être à 110 % et obtenir cette quinzième place. Ce n’était pas celle dont je rêvais au départ, mais elle est jolie, et je suis allé la chercher avec mes tripes.

Vendée Globe :

Est-ce qu’il y a des choses que tu ne nous as pas dit pendant cette course ?

Le bateau et le bonhomme ne sont pas en bon état, mais je crois que moi c’est pire. Je me suis souvent blessé, j’ai même eu un choix à faire avec les médecins de course au niveau de la Nouvelle-Zélande. Ils m’ont donné le choix d’arrêter ou de continuer, j’ai décidé de continuer en connaissant les risques. Je me suis bien abîmé quand même. C’était un moment difficile, je me suis blessé à la tête, au cou, au genou, quand tu es dans la course tu te dis que ça va, mais en fait tu te rends compte que c’est plus grave que ce que tu réalises…

Vendée Globe :

A quel point es-tu allé puiser dans tes réserves ?

Avec tous les petits pépins physiques, il va y avoir un bon bilan médical, je pense que je vais mettre un certain temps à récupérer. Ces bateaux sont hyper exigeants, j’ai pu le constater avec tous les capteurs médicaux qu’on avait mis en place. Concrètement les chocs qu’on se prend en permanence, le bruit, l’intensité... Le skipper est vraiment la limite, ça devient invivable à bord. Je pense qu’à un moment il va falloir revoir cette équation. Quand t’es à quatre pattes pour manger, que tu ne peux pas manger chaud pendant quatre jours, la notion de plaisir elle est compliquée. Sur un Vendée Globe, il y a la partie compétition et il y a la partie aventure. Il faut quand même que les deux parviennent à converger. Je suis de ceux qui pensent que les records ne sont pas forcément faits pour être battus, le course c’est aller plus vite que les autres, on n’a pas forcément besoin d’aller toujours à 30 nœuds.

Vendée Globe :

Es-tu content de ta grand-voile en lin, qui était aussi une innovation ?

Elle est en super état, j’en suis très fier ! Ca faisait aussi partie des choses qu’on voulait mettre en avant. L’innovation fait partie de notre sport, mais à un moment tout ça a un coût environnemental, et on ne doit pas faire l’impasse dessus. On est les acteurs de notre sport, mais on est aussi les décideurs, j’ai voulu aller plus loin que la règle. C’est une voile 100 % française, ave 45 % de lin qui vient de Normandie, et après un tour du monde elle arrive en très bon état, et j’espère que ça va faire réfléchir pour voter les prochaines règles. Il faut que nos moyens servent à quelque chose !

Vendée Globe :

Est-ce que tu as eu des échanges avec les autres skippers pendant ce tour du monde ?

Au final, j’ai beaucoup été tout seul, sauf sur la remontée de l’Atlantique. On a vécu des compétitions à tous les niveaux, il y a des groupes qui se sont formés dans des conditions météo spécifiques. Quand j’étais seul, c’était difficile de ne pas avoir de référence à côté, il fallait trouver une motivation pour toujours donner le meilleur de soi-même. J’étais très envieux, quand je voyais les autres faire des lignes droites. Quand on n’a pas de chance, il ne faut pas en vouloir à la terre entière, même si ça m’est arrivé, juste accepter que quand ça ne veut pas, ça ne veut pas.

Vendée Globe :

Yoann Richomme t’a remercié à l’arrivée de l’avoir lancé…

C’est mon Yoyo et je suis son Dada ! C’est une amitié sincère, pas feinte. Il a toujours été dans tous mes projets, j’ai essayé de l’aider aussi comme j’ai pu, on est profondément copains. J’étais sûr qu’il ferait un super Vendée Globe et il ne m’a pas fait mentir. Ça fait partie des choses qui m’ont porté durant ce Vendée, voir sa performance, je suis hyper fier de lui. Petite ancdote au passage, sur notre deuxième Jacques Vabre ensemble, on doit sortir du bassin du Havre, il me dit : « Il y a un petit jeune qui va nous aider à sortir le bateau du port ». Ce petit jeune c’était Charlie Dalin… au final, j’ai lancé tous les grands ! (rires)

Vendée Globe :

Est-ce que c’est la fin d’un cycle, ou on dit jamais deux sans trois ?

C’est sûr que c’est la fin d’un chapitre. Moi je suis un passionné de mon sport, j’ai encore envie de faire de belles choses sur l’eau, mais je vais prendre le temps de bien réfléchir. Mais on ne peut pas s’arrêter comme ça quand on est passionné, je trouverai bien une façon de naviguer !


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