Il l’avait annoncé avant son départ : ce Vendée Globe, son quatrième déjà, serait sa dernière course en solitaire à bord de Maître CoQ V. Alors forcément, pour le gagnant de l’édition 2020, cela faisait une double motivation pour marquer le coup : défendre son titre et s’offrir la joie d’un ultime exploit à la barre de son bel IMOCA. « Si j’ai 1% de chance de la gagner de nouveau, c’est mieux de le tenter plutôt que de rester chez moi, dans le canapé, en train de manger des chocolats devant la télé ! », plaisantait-il avant le départ, se disant « plutôt décontracté ».
Dès le 10 novembre, il n’avait en tout cas pas hésité à contracter ses muscles pour montrer de quel bois il se chauffait sur ce bateau neuf, mis à l’eau en 2022. Dès le cap Finisterre, et malgré des rafales à 48 nœuds, il accroche le Top 10 et ne le lâchera plus. Dans l’Atlantique Sud, c’est la folle cavalcade, il décrit avec humour son quotidien et la vie « comme des singes, tout le temps accrochés ». Il passe le cap de Bonne Espérance en 8e position, juste devant Paul Meilhat, avec qui il bataillera tout le long de l’Indien, après avoir rejoint Sam Goodchild. Ensemble, ils négocieront ce piégeux océan, particulièrement en colère contre les solitaires cette année, avec une grosse dépression dont ils essuieront les stigmates.
Avaries en série
A l’entrée du Pacifique, c’est tout aussi sportif. Avec 531 milles avalés sur 24h, Yannick met le turbo dans la première dépression, et remonte à la 7e place ! Mais à mi-parcours, les premiers ennuis commencent : le système d’attache de son Code 0 qui casse d’abord, abîmant son foil au passage, puis son FR0 qui explose dans un grain, des problèmes de peau sur le bordé tribord arrière et enfin, quelques jours plus tard, une avarie de barre majeure. Maître CoQ V est obligé de ralentir fortement, et voit ses camarades s’échapper, impuissant.
Au lendemain de ses 52 ans, Yannick s’offre tout de même un nouveau cap Horn, heureux malgré un bateau très handicapé. « J'ai l'impression de conduire une voiture sans volant », explique-t-il, les traits tirés par l’épuisement et le stress. Quelques heures plus tard, l’annonce tombe : « Après avoir évalué la situation et étudié les différentes options avec le team voile Maître CoQ, Yannick a pris la décision de faire escale à Ushuaïa (Argentine) pour réparer son bateau avec son équipe. »
Il aurait pu en rester là, laisser son équipe ramener le bateau et rentrer, lui, dans un confortable fauteuil d’avion. Mais ça aurait été mal connaître le vainqueur de l’édition 2020 du Vendée Globe. Le 6 janvier, après des réparations menées en un temps record, Yannick Bestaven reprend la mer. « Je me dois et j'ai envie de finir, explique le Rochelais. Il y a beaucoup de monde qui m’attend à l’arrivée. Je sais que tous les collaborateurs qui n’ont pas pu fêter mon arrivée il y a 4 ans à cause du COVID ont à cœur de le faire cette année. Je suis impatient de reprendre la mer et de boucler la boucle. Quelle aventure de s'arrêter ici, ce n'était vraiment pas ce que j'avais prévu au programme mais bon, on va tout faire pour que la fin de ce tour du monde soit la plus belle possible ». Et il aura, cette fois encore, réussi son pari.