On peut être un fier capitaine crochet, un sportif au palmarès médaillé olympique, et être secoué par l’émotion d’une descente du chenal des Sables d’Olonne. Quatre ans après une édition sans public qu’il avait achevée en 7e position, Damien Seguin aura eu du mal à « rentrer dans sa course » après cette vague de soutien offerte par le public vendéen. Un peu en retrait de la tête de flotte sur son début de parcours, le skipper tombe dans la pétole au large des Canaries, et tente de la traverser par l’Est quand tous les cadors de la classe IMOCA la contournent vers l’Ouest. Le décalage est créé et ne pourra pas se résorber.
Les déboires s’accumulent dès le premier Pot-au-Noir complexe, qui le fait franchir l’équateur en 17e position. Dans l’Atlantique Sud, il bataille avec Pip Hare, Romain Attanasio et Louis Burton, mais l’arrivée dans l’océan Indien le cueille à froid. Il part seul vers le Nord pour préserver son IMOCA, l’ancien Maître CoQ IV, vainqueur de l’édition 2020, remis au goût du jour avec des grands foils lors d’un vaste chantier. Le 13 décembre est une journée à oublier pour le skipper, dont la cadène s’arrache dans la tempête et crée une voie d’eau à bord. En essayant de réparer, Damien Seguin se blesse au cou et au genou, et sera contraint tout le long de sa course de porter régulièrement une minerve.
L’élastique claque
Le Pacifique ne sera pas plus tendre avec Groupe APICIL, même s’il parvient à reprendre plus de 500 milles à Romain Attanasio. Mais que de détours pour cela, alors que les systèmes météorologiques défavorables s’enchaînent et que, juste derrière, Jean Le Cam le reprend en naviguant quasiment droit sur la route. Le cap Horn est franchi après 54 jours de mer, soit trois de moins que sur son Vendée Globe 2020, mais Damien Seguin n’est pas au bout de ses peines.
Le retour de l’Atlantique est aussi une épreuve, alors qu’il est le premier à être arrêté par la barrière anticyclonique et voit revenir, à deux reprises, tous ses concurrents de derrière, qui avaient parfois accusé jusqu’à 2000 milles de retard sur lui. L’élastique claque, et la douleur est vive ! C’est là que l’épreuve mentale prend toute sa puissance, et impose à Damien Seguin d’aller chercher dans ses retranchements pour continuer à se battre, notamment dans un Pot-au-Noir exceptionnellement Sud et épais.
Ultime récompense tout de même de ce tour du monde, cette victoire dans la bataille finale, alors qu’un sprint s’enclenche au Nord des Açores dans un nouveau regroupement de flotte. Lançant à pleine vitesse son foiler, le skipper de Groupe APICIL prend l’avantage sur ses sept concurrents, et parvient à allonger la foulée pour franchir en premier la ligne d’arrivée. Loin des résultats sportifs qu’il avait pu obtenir sur The Transat CIC (8e) ou sur le Retour à La Base (5e) mais avec la satisfaction d’avoir tout de même joué avec les cartes qu’on lui a donné. Avant le départ, il expliquait : « il faut vraiment comprendre que le Vendée Globe, c’est une course à part, et où absolument tout peut se passer. »