Toutes les actualités

Violette Dorange : « je me suis toujours dit que c’était pour moi »

CONFIDENCES DE SKIPPERS (2/40). Malgré son mètre soixante et sa voix fluette, c’est peu dire que Violette Dorange en impose. Si elle sera la plus jeune à prendre le départ à 23 ans, la navigatrice charentaise est pourtant loin d’être la moins expérimentée de cette aventure dont elle rêve depuis sa plus tendre enfance !

LORIENT, FRANCE - 16 AVRIL 2024 : Violette Dorange (FRA), skipper de DeVenir, est photographiée le 16 avril 2024 à Lorient, France - Photo by Josselin Didou / Qaptur
© Josselin Didou / Qaptur

Écouter le podcast de Violette

A première vue, s’attaquer au Vendée Globe à 23 ans pourrait donner l’impression qu’on a sauté quelques classes, et pourtant Violette Dorange a déjà tracé un joli sillage dans la course au large. Depuis sa première traversée de la Manche en Optimist à 15 ans, la jeune femme a accumulé les expériences et avalé du mille, entre championnats du monde en 420, Mini-Transat, et trois saisons en Figaro. En 2023, elle a déboulé pleine balle dans la classe IMOCA, après avoir récupéré le légendaire “Hubert” du non moins légendaire Jean Le Cam, qui l’a pris sous aile. Là encore, le doyen a montré qu’il avait le nez creux, car la benjamine n’a pas déçue ! En moins de deux ans, cette bosseuse acharnée et compétitrice invétérée a montré qu’il faudrait compter sur elle, damant régulièrement le pion à ses aînés dans le match des bateaux à dérives ! Son carburant ? Se fixer des défis toujours plus ambitieux, et ne jamais les abandonner. Une mentalité d’acier qui lui vaut, après quatre années complexes pour trouver un budget, la satisfaction ultime d’être au départ de son premier Vendée Globe.  

Vendée Globe :

À partir de quand as-tu compris que tu étais capable de faire le Vendée Globe ? 

Violette Dorange

Violette Dorange

DeVenir

Je ne sais pas encore si j’en suis capable (rires) ! Je sais que je me suis toujours dit que c’était pour moi. Depuis toute petite, je suis allée voir les départs, la descente du chenal des Sables. Être un jour à leur place, ça a toujours été un objectif de vie. A la fin de ma première Solitaire du Figaro en 2020, j’ai senti que la fenêtre de tir était bonne et qu’il pouvait y avoir une opportunité. C’est vraiment à partir de là que je me suis lancée dans le défi de le faire, et comme je n’aime pas abandonner un défi, j’en suis là aujourd’hui.  

Vendée Globe :

Ça n'a pourtant pas été un long fleuve tranquille, tu as notamment mis du temps à réunir ton budget… Comment se sont passées ces quatre années pour toi ?  

Ça a été un long parcours effectivement ! Ça fait quatre ans qu’on cherche des partenaires. Il faut imaginer qu’en janvier, il nous manquait encore plus de la moitié du budget. On a lancé des appels sur les réseaux sociaux, on est allés rencontrer quasiment tous les franchisés Mcdonald's de France, j’ai d’autres partenaires aussi, deux mécènes, ça a demandé énormément d’énergie mais ça nous a permis de rallier de plus en plus de gens dans l’aventure, et de valider ma participation, même si on est encore très juste et qu’il a fallu toujours trouver des solutions avec cette contrainte financière. Du coup, je ne suis en “mode skipper” que depuis avril, ce qui est vraiment tard ! J’aurais aimé en faire plus sur mon bateau mais on ne peut pas être partout.  

Vendée Globe :

Avant le départ des courses que tu as pu disputer en IMOCA ces dernières années, tu ne cachais pas ressentir du stress. Comment tu te sens mentalement à l’approche du départ ?  

C’est vrai qu’avant le départ des transatlantiques, en double et surtout en solitaire, j’avais de la pression, surtout par rapport à la qualification. Je voulais les terminer, et j’avais toujours peur de l’état du bateau à l’arrivée. Là c’est un peu différent. Il y a des jours où je suis dans le concret, je m’occupe et comme il y a plein de choses à préparer, je n’ai pas le temps de réfléchir. Et puis d’autres jours où je me prends des coups de pression, ça vient par vagues. Après j’ai une super équipe sur laquelle je peux m’appuyer, qui me protège beaucoup pour ne pas que je perde trop d’énergie. 

Vendée Globe :

Est-ce que tu as des appréhensions ?  

Forcément les Mers du Sud, comme tout le monde je crois non (rires) ? La durée aussi, mais au final ça me fait de moins en moins peur. Et puis surtout les réparations. Est-ce que je vais être capable de bricoler ? C’est vraiment là-dessus que j’ai dû beaucoup travailler ! Mon équipe m’a préparé beaucoup d’ateliers, par exemple demain j’en ai encore un pour apprendre à changer un alternateur de moteur. Le problème c’est que je manque toujours de temps, mais j’essaie de mettre les mains dedans au maximum.  

Vendée Globe :

Quel sera ton objectif ? 

Terminer. Et être la plus heureuse possible en mer. Mais je pense que si le premier est rempli, le deuxième suivra forcément.  

Vendée Globe :

Tu vas naviguer sur un bateau de légende, qui n’a que cinq ans de moins que toi ! Comment tu le décrirais ?  

C’est un bateau incroyable, il est dingue. Je ne sais pas comment expliquer ça, mais je me sens tellement en confiance quand je suis à bord. Et puis son palmarès est hallucinant : il a gagné le Vendée Globe avec Michel Desjoyaux en 2008, après ça il a été aux mains de Jérémie Beyou, et puis après il devient le “Hubert” de Jean Le Cam, finit 6e du Vendée Globe en 2016, 4e en 2020… J’ai l’impression qu’il sait déjà tout faire, et que je n’ai qu’à me mettre à son rythme ! 

Vendée Globe :

Tu mentionnes Jean Le Cam auprès de qui tu as récupéré le bateau, est-ce qu’il a toujours un rôle dans ton projet ?  

Bien sûr ! Jean il est toujours là pour m’aider et m’accompagner, dès que j’ai une question technique je n’hésite pas à lui demander, il connaît tellement bien son bateau, c’est facile pour lui. Et puis, peut-être qu’il ne s’en rend pas complètement compte, mais il m’aide aussi beaucoup mentalement, dès que je le vois j’ai l’impression de grappiller des phrases qui vont m’aider pendant ma course.  

Vendée Globe :

A 23 ans, tu vas être la plus jeune navigatrice à prendre le départ du Vendée Globe. Comment tu le vis ?

Et bien je te répondrais bien par une phrase de Jean (Le Cam, ndlr) justement. « De toute façon, le Vendée Globe c’est l’inconnu même quand on l’a fait plusieurs fois, alors finalement on est tous à peu près à égalité » . J’y pense souvent. Et puis, l’âge ce n’est qu’un chiffre !  Au final, ça commence à faire plusieurs années que j’ai des projets sportifs comme ça, même si c’est un changement d’échelle majeur, la logique reste la même, et j’essaie de le vivre de la même manière. 

Vendée Globe :

Est-ce que tu peux nous partager ton plus beau souvenir avec ton bateau ?  

C’est dur de choisir ! Alors je vais en dire deux : la mise à l’eau d’abord, parce que c’était un peu l’aboutissement de tellement de choses. Et puis l’année dernière, le départ de Martinique pour le Retour à la Base. C’était ma première navigation en solitaire sur le bateau, première transatlantique solo depuis ma Mini-Transat, avec douze mètres de plus de coque. C’était magique. 


Skippers liés à cet article


Partager cet article

Dernières actualités