Ah, les problèmes sans solutions, ces petites énigmes de la vie qui nous rappellent que parfois, la seule réponse, c’est qu’il n’y en a pas. Comme vouloir plier un drap-housse correctement : on essaye, on tord, on plie, et à la fin, on abandonne avec un soupir en le jetant en boule dans le placard. Problème résolu ? Pas vraiment. Ce sont ces moments où tout choix semble mauvais : tenter d’empêcher un sachet de farine ouvert de se renverser dans votre placard, sachant pertinemment qu’il y aura toujours une traînée blanche à nettoyer. Ou encore essayer de comprendre pourquoi le chargeur de votre téléphone refuse de fonctionner… sauf quand quelqu’un d’autre l’utilise. Et ça ne s’arrête pas là : ces dilemmes nous poursuivent jusque dans les rayons du supermarché. Vous changez de file, convaincu d’avoir flairé la bonne stratégie, mais la ligne que vous venez de quitter avance soudain à la vitesse de l’éclair. Face à ces situations, il n’y a qu’une seule option : accepter que la perfection n’existe pas. Mais allez rappeler ça aux marins du Vendée Globe, qui, avec déjà 70 jours de mer dans les pattes, n’ont ni la patience ni le luxe de philosopher sur le sujet.
Un casse-tête sans solution
Sur le Vendée Globe, il y a des moments où la mer semble se moquer des skippers. Et là, c’est exactement ça : une grosse dépression se pointe, et chaque option ressemble à un piège bien ficelé. Jouer la carte de l’Est vers Madère ? Vous voilà parti à tirer des bords dans 35-40 nœuds au près. Autant dire un vilain rodéo bien mouillé. Ralentir, alors ? Mauvaise idée : le système suivant, dans le golfe de Gascogne, n’attend qu’une chose, vous rattraper pour vous passer à la moulinette. Le dilemme est clair : quel que soit le choix, il faudra payer. Aller vite, c’est jouer avec les limites du matériel et du bon sens dans des conditions brutales. Lever le pied, c’est s’assurer d’un autre mauvais rendez-vous avec le gros temps derrière. En résumé, la route est fermée d’un côté, encombrée de l’autre, et la mer, implacable, ne laisse aucune sortie de secours. Les skippers concernés n’ont donc pas d’autre choix que de composer avec l’impossible : calculer, jauger, ressentir, et au bout du compte, espérer que leur pari tiendra. Parce qu’en réalité, personne ne sait ce qui est "moins pire".
Entre le marteau et l’enclume, version Vendée Globe
Pour Sam Goodchild (VULNERABLE), Jérémie Beyou (Charal), Paul Meilhat (Biotherm), Nicolas Lunven (Holcim – PRB), Justine Mettraux (TeamWork – Groupe Snef), Thomas Ruyant (VULNERABLE) mais aussi Clarisse Crémer (L’Occitane en Provence), Benjamin Dutreux (GUYOT environnement), Boris Herrmann (Malizia – Seaexplorer) et Sam Davies (Initiatives-Cœur) dans une moindre mesure, ces fameux dilemmes changent complètement d’échelle avec cette vilaine dépression qui arrive en fanfare, comme un invité indésirable débarquant à la fête avec un mégaphone, des chaussures boueuses et une envie de tout retourner sur son passage. Celle-ci va les cueillir à partir de la nuit prochaine, puis les accompagner jusqu’au cap Finisterre, c’est-à-dire pendant 24 heures au moins.
C'est ainsi que Nicolas Lunven - pourtant solide sur le plan météo et rarement du genre à perdre son sang-froid - analyse la situation. Mais cette fois, le schéma est si complexe qu’il plaisante en disant qu’il se réjouit de ne plus avoir de cheveux à s’arracher – au moins, la dépression ne pourra pas le décoiffer ! Une touche d’humour bienvenue pour alléger une situation où même les meilleurs doivent manœuvrer avec prudence. Et pour cause : il s’agit d’un de ces moments où il faudra faire le dos rond et espérer que tout se passe au mieux.
Sécurité ou audace : un choix crucial
Ce n’est pas une perspective très réjouissante, surtout à ce stade de la course, où les bateaux comme les skippers commencent à accuser le poids des milles. « Ça n’arrange pas cette situation. La priorité sera clairement la sécurité », a résumé le Vannetais, lucide mais résigné devant cette épreuve supplémentaire. « L’idée, ça va être de suivre la route en faisant attention, en adaptant le plan de voilure et en trouvant une route qui permet quand même de ralentir ». Ce raisonnement vaut pour tout le monde, mais Sam Goodchild et Jérémie Beyou pourraient encore se démarquer. Positionnés en tête du groupe, ces deux skippers sont les mieux placés pour tenter de frôler le centre de la dépression. La question clé est donc de savoir jusqu’où ils seront prêts à pousser les limites : vont-ils décider d’affronter les vents les plus forts pour ensuite bénéficier d’une trajectoire optimale vers l’arrivée ? Ce choix, semblable à celui – payant – qu’avaient fait Charlie Dalin (MACIF Santé Prévoyance) et Sébastien Simon (Groupe Dubreuil) dans l’océan Indien, serait à la fois risqué et audacieux. Ne pas le tenter pourrait toutefois potentiellement entraîner une perte pouvant atteindre 24 heures sur une partie de la concurrence. Si leurs décisions restent incertaines, une chose est sûre : ils sont solides et pas du genre à freiner devant un obstacle… sauf pour mieux prendre de l’élan.
Le Pot-au-Noir en embuscade
De son côté, Benjamin Ferré, le skipper de Monnoyeur – Duo for a Job, adopte une approche tout aussi déterminée malgré les aléas techniques qui jalonnent son parcours. Après avoir surmonté un nouveau problème de hook hier, il prouve qu’il est non seulement toujours bien dans la course, mais aussi décidé à jouer sa carte jusqu’au bout. « Ces dernières heures, j’ai réussi à reprendre mes 15 milles de retard sur Tanguy (Le Turquais) et ça, c’est une bonne nouvelle. Aujourd’hui, on navigue bord à bord. Si proche que si je crie, il est capable de m’entendre ! », a relaté le navigateur qui n’a toutefois plus qu’un crochet de rechange. « C’est toujours un peu particulier de naviguer avec une espèce d’épée de Damoclès au-dessus de la tête. Le moindre bruit me fait stresser », a-t-il avoué. Il n’empêche qu’il ne ménage pas ses efforts dans sa lutte pour la première place du groupe des bateaux à dérives.
Et justement, ce fameux Pot-au-Noir commence à montrer les dents. Cette zone de convergence intertropicale, actuellement installée dans l’hémisphère Sud (alors que son positionnement habituel se trouve généralement entre 2° et 8° Nord), s’étale doucement, comme une pâte trop levée. « Elle risque de remonter avec nous. Ça s’annonce compliqué », a confié Benjamin Ferré, déjà prêt à composer avec cette nouvelle épreuve. En résumé, dans le Vendée Globe, chaque mille est une équation insoluble. Mais c’est la règle du jeu : avancer avec détermination, composer avec les imprévus.