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Thomas Ruyant : « Clairement, je veux naviguer devant ! »

PAROLES DE SKIPPER (13/40) : Vainqueur des deux dernières Transat Jacques Vabre et de la Route du Rhum 2022, le skipper de VULNERABLE est indiscutablement l’un des grands favoris. Mais après deux Vendée Globe contrariés par des avaries, il sait mieux que quiconque combien la course est douloureusement imprévisible.

LORIENT, FRANCE - 2 SEPTEMBRE 2024 : Le skipper de VULNERABLE, Thomas Ruyant (FRA), est photographié le 2 septembre 2024 à Lorient, France. (Photo par Pierre Bouras / TR Racing)
LORIENT, FRANCE - 2 SEPTEMBRE 2024 : Le skipper de VULNERABLE, Thomas Ruyant (FRA), est photographié le 2 septembre 2024 à Lorient, France. (Photo par Pierre Bouras / TR Racing)
© Pierre Bouras / TR Racing

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Né dans les Hauts-de-France, Thomas Ruyant est un grand spécialiste des transatlantiques : il a remporté la Mini-Transat, la Route du Rhum à deux reprises, la Transat AG2R, ainsi que la Transat Jacques Vabre ! Thomas est un marin au sens strict du terme. Il se révèle sportivement dès qu’il est au large et sur une longue période. 2024 devrait être son 3e Vendée Globe. En 2016, il abandonne héroïquement le tour du monde à bord de Souffle du Nord après une avarie majeure au large de la Nouvelle-Zélande et termine l'édition 2020 à la 6e place après avoir navigué très souvent dans le top 3. Thomas a pour leitmotiv de donner du sens à ses performances, ce qu’il fait avec la campagne sur la vulnérabilité.

Vendée Globe :

De quelle manière abordes-tu ce troisième Vendée Globe ?

Portrait de Thomas Ruyant

Thomas Ruyant

VULNERABLE

La dernière fois, j’avais un très bon bateau mais il s’agissait d’un plan qu’on avait récupéré et qui n’était donc pas fait pour moi, selon mon expérience et à la suite d’un travail d’échange avec l’architecte. Le fait de partir cette fois avec le bateau que je voulais change beaucoup la façon dont j'aborde les choses. VULNERABLE est un IMOCA assez particulier, un peu différent, mais il me correspond bien et je pense qu’il correspond bien à la course. Il est plaisant à naviguer. Je pars donc avec beaucoup d'envie. Je suis vraiment pressé d’y être et de régater. Je sais que je vais prendre du plaisir avec ce bateau-là. Cela me rassure et me permet de prendre le départ avec un niveau d’ambition supérieur. Clairement, je veux naviguer devant !

Vendée Globe :

Quid de l’équipe autour de toi ?

Mon entourage n'a pas beaucoup changé mais il s'est étoffé et a progressé avec moi. Aujourd’hui, tout est réuni : il y a le bon bateau, la bonne équipe et un super partenaire. Je me présente au départ de la course dans des tops conditions. Je suis donc serein. Pas serein sur le plan sportif car il y a une concurrence monstrueuse, mais serein dans la façon dont j’aborde les choses. 

Vendée Globe :

Depuis ta dernière participation, il y a quatre ans, tu as remporté deux fois la Transat Jacques Vabre et la Route du Rhum. Tu as aussi très souvent terminé sur le podium. On imagine que tu as fait le plein de confiance…

C’est certain. Je sais ce dont je suis capable et je sais que je fais partie des favoris. C’est un statut qui me va bien et que j’ai évidemment cherché. Je ne serais d’ailleurs pas content si je ne l’avais pas (rires) ! Il y a eu de très beaux résultats avec ce bateau-là et il y en a eu d'autres un peu moins bons, mais je sais aussi pourquoi. Je sais que c'est un bateau qui peut gagner le Vendée Globe, même s’il y en a plein d'autres. Ces quatre dernières années, avec mon équipe, on a beaucoup travaillé. On a fait pas mal de courses en équipage puis en double. On a continué de découvrir ces machines-là. On a compris comment elles fonctionnaient et comment il fallait les utiliser. On s’y est habitué aussi, et je pense que c'était un gros point. Ce n’est pas si évident d'aller si vite avec des monocoques. On commence à y arriver. A l'assumer techniquement mais aussi mentalement. C’est une grosse différence par rapport au dernier Vendée Globe. 

Vendée Globe :

Quelle expérience as-tu tiré spécifiquement de tes deux premiers Vendée Globe ?

Il faut faire attention quand on parle de deux Vendée Globe pour ce qui me concerne. Ce sont en fait deux départs. Je rappelle aussi que tous les tours du monde, qui n’ont finalement lieu que tous les quatre ans, sont forcément très différents. Le fait d’en avoir déjà bouclé un me permet de démystifier un peu le Grand Sud. Cela m’enlève aussi la pression de finir absolument. 

Vendée Globe :

Tu évoquais le fait d’avoir réussi à passer un cap sur le plan psychologique. Quelles étaient les barrières à faire tomber ?

Souvent, je reparle du Défi Azimut auquel j’avais participé quelques jours seulement après la mise à l’eau de mon précédent bateau. Lors des runs, avec l’équipe, on s’était clairement demandé quelle machine on avait faite. On s’était interrogés pour savoir si on ne s’était pas plantés, si on n'était pas trop extrême, si c'était réellement un bateau de Vendée Globe… Aujourd’hui, six ans après, ce ne sont plus des questions que l’on se pose. Après de nombreux milles accumulés en entraînement puis en course, on est à présent capable de maîtriser ces bateaux en solo. C’est d’autant plus vrai que plein de choses ont évolué, à commencer par le pilotage, la structure, la lecture de données… ça reste cependant assez complexe. Avec ce type de machine, on est constamment sur le fil, mais le fait est que l’on a beaucoup progressé. 

Vendée Globe :

Qu’est-ce qui fait ta force pour ce Vendée Globe ?

C'est un ensemble et c'est ce dont on vient de parler : l’équipe, le fait de naviguer depuis six ans sur des foilers mais aussi le fait d’avoir un bateau qui me ressemble. Il est le fruit d’une belle collaboration entre nos équipes, celles d'Antoine Koch et de Finot Conq. Il affiche un design très différent par rapport à la concurrence. Il est peut-être un peu moins agressif et plus léger. Il est moins dur aussi. Il passe bien dans la mer et peut se barrer. Je crois qu’on a compris ce qu'il fallait faire. 

Vendée Globe :

Que redoutes-tu le plus ? 

Le fait de m'emballer avec un tel bateau. Il va falloir que je garde la maîtrise de la machine pour ne pas faire de bêtises.

Vendée Globe :

Quelle est la première image qui te vient en tête à l’évocation du Vendée Globe ?

C’est celle de quelques journées que j'ai pu vivre dans le grand Sud, lors de ma première participation en 2016-2017. J’avais alors vraiment senti la puissance des mers du Sud. Ce n'était pas violent mais il y avait une grosse houle. Je sentais que ça venait de loin. Je n'ai pas revécu ça en 2020-2021 mais j'aimerais bien retrouver cette sensation d'être un peu tout petit, d’être littéralement pris aux tripes. Ça, c'est l'image très perso mais des images du Vendée Globe, j'en ai en fait plein. Je pense notamment à des matches au sommet entre Armel Le Cléac’h et Alex Thomson ou entre Jean Le Cam et Vincent Riou… Ces moments de sport sont dingues ! Je garde aussi de bons souvenirs de mon dernier tour du monde, même s'il s’est joué un peu aux forceps puisque la casse est arrivée très vite et que je n’ai donc pas pu utiliser mon bateau comme j’en avais envie. Je pense notamment au passage du détroit de Le Maire. C’est assez rare de passer par là. Ça a été assez fort pour moi, en sortant des mers du Sud, de me retrouver avec Ushuaïa d’un côté puis l’île des Etats de l’autre, sur une mer calme, avec 12-15 nœuds de vent et du soleil. 

Vendée Globe :

Quel est ton plus beau souvenir de mer ? 

La descente de l’Atlantique dans le cadre du Vendée Globe 2020-2021. Après dix jours de course, au large des côtes brésiliennes, Alex Thomson compte alors pas mal d'avance mais je reviens et je passe en tête. Le bateau est magique et les conditions sont parfaites. Je me sens bien à bord. Quand le classement tombe, je suis sur un nuage. Ça reste un moment très fort, tout comme le passage du Cap Horn. 

Vendée Globe :

Ton meilleur moment sur ce nouveau bateau ?

La victoire avec Momo (Morgan Lagravière, ndlr) sur la Transat Jacques Vabre – Normandie Le Havre 2023. Ça reste un super moment. Idem pour le record des 24 heures sur Le Retour à La Base. C’est un truc que j’avais vraiment en ligne de mire, et depuis longtemps. On avait déjà essayé d’aller le chercher avec l'équipe sur des retours de transat ou après des pit-stops aux Açores. On sait que nos bateaux sont capables d'aller vraiment vite - très vite même - sur 24 heures, mais la difficulté, c'est vraiment d'avoir les bonnes conditions pour ça. C'était chouette.

Vendée Globe :

Ton rêve le plus fou sur ce Vendée Globe ? 

J’ai envie d'être content de ma course, de tout donner, de revenir de ce Vendée Globe satisfait. Mais clairement, si on parle de rêve un peu fou, c’est évidemment d’arriver en tête dans le chenal des Sables d’Olonne. Je ne suis pas en train de dire que je vais gagner, mais je sais que je peux et j'ai tout pour y parvenir. Ça reste toutefois le Vendée Globe, une course à part et lors de laquelle il peut se passer énormément de choses. 

Vendée Globe :

Le marin qui t’inspire le plus ?

J’ai passé beaucoup de temps avec Morgan Lagravière. J’adore naviguer avec lui. Il a un excellent feeling. J’apprécie également beaucoup Adrien Hardy pour son approche. Une approche, entre guillemets, "extrémiste" que je trouve intéressante. 

Vendée Globe :

Ce que tu fais quand tu ne fais pas de bateau ?

Du bateau ! (Rires) Cet été, j’ai passé cinq semaines de vacances en mer. La croisière et la course au large sont des mondes différents. A bord de ma caravane flottante, je pêche, je fais des mouillages, je me balade dans les îles et je passe du temps avec mes enfants. J’adore par ailleurs les sports nautiques comme le surf et le wingfoil. J’adore aussi les sports de montagne même si je n’en fais pas du tout assez ! 

Vendée Globe :

L’objet qui ne te quitte pas lorsque tu pars en mer ?

J’essaie de ne pas oublier mes bottes (rires) ! Je ne suis ni fétichiste, ni superstitieux. J’emmène cependant toujours des photos de mes enfants. Ce sont eux qui me manquent lorsque je suis en course. 

Thomas Ruyant sur son VULNERABLE
© Pierre Bouras
Rencontre avec Thomas Ruyant, Vunerable | Vendée Globe 2024

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