Est-ce que des larmes sont encore plus émouvantes quand elles sont versées par un colosse du genre de Sébastien Marsset ? Le 10 novembre dernier, quelques minutes après le départ de la dixième édition du Vendée Globe, elles donnaient en tous cas la mesure du soulagement ressenti par le marin de Foussier d’avoir réussi à s’aligner aux côtés de ses 39 concurrents, lui qui affiche l’un des budgets les plus petits de la flotte, et a mené un véritable combat pour en arriver là.
Le deuxième combat, désormais, allait se jouer sur l’eau, et effrayait beaucoup moins l’expérimenté navigateur, déjà par trois fois cap-hornier sur la Volvo Ocean Race, qu’il avait remporté en 2012 sur Groupama 4, ou sur le trophée Jules Verne à bord de Spindrift. Mais cette fois, c’est bien pour une première en solitaire que se lançait le Nantais, qui après un début de course remarquable, entre dans le Pot-au-Noir en 19e position, et en ressort… 28e ! On peut avoir de la bouteille et trinquer tout de même des facéties de Neptune !
Qu’importe, la « remontada » n’en sera que meilleure, et sur son IMOCA de 2006, le 11e de la Route du Rhum 2022 envoie du bois ! Après un passage du cap de Bonne Espérance en 27e position, le skipper de Foussier encaisse les dépressions, malgré une durite de son vérin de quille qui vole en éclats. Le 16 décembre, il franchit un cap tout aussi symbolique : ses 40 ans, célébrés dignement dans les 40e rugissants. Un accomplissement !
« Regardez-moi ça comme c’est beau »
Privé de chauffage à bord par une petite avarie, le marin se réchauffe en remettant du charbon, et profite de la pétole à l’entrée du Pacifique pour reprendre la 21e place, et la tête de son petit groupe. Il commence l’année avec une vision aussi magique que redoutée : un iceberg, sur lequel il fonçait tout droit avant que son radar ne s’alarme ! Sacrée frayeur pour le skipper de Foussier, toujours dans la tête de son groupe et premier à voir le géant de glace.
Au passage du cap Horn, c’est une nouvelle vague d’émotion en 27e position, à la lutte avec Louis Duc. « Regardez-moi ça comme c’est beau, la cordillère des Andes, la pointe sud du continent américain, derrière les canaux de Patagonie… Ouah, c’est magnifique ! Après ces jours et ces jours dans le Sud, tout seul… Ces années de préparation, d’engagement pour réussir à être ici… Yes ! », lâche le skipper avec des yeux embués.
La remontée de l’Atlantique sera une épreuve qui poussera Sébastien Marsset encore plus loin dans ses retranchements. Englué dans la pétole, il voit ses camarades plus Nord s’échapper, puis multiplie les avaries sur son bateau fatigué. Système de barre, gennaker, boîtiers de latte de grand-voile, pilote automatique et enfin moteur, n’en jetez plus ! L’IMOCA souffre, et le marin avec lui. Après un équateur franchi en 26e position, et malgré sa frustration de compétiteur, Sébastien Marsset continue de savourer. « Il faut profiter du temps restant », dit-il, bien conscient de tout le travail fourni pour en arriver à cet instant précis. En franchissant la ligne d’arrivée des Sables d’Olonne, il réalise l’exploit d’un tour du monde bouclé, mais aussi de montrer que le rêve est toujours accessible, même quand on est un petit Poucet !