Samantha Davies est de retour sur le plus connu des tours du monde. À 50 ans, la Britannique s’approche de son meilleur niveau dans ce circuit qu’elle fréquente depuis plus de 20 ans. Avec son bateau neuf mis à l’eau à l’été 2022, elle a multiplié les courses à un rythme effréné et a obtenu son premier podium à l’issue d’une transatlantique en IMOCA (3e de The Transat au printemps). Une façon de se libérer psychologiquement et d’aborder le Vendée Globe avec une sacrée dose de motivation. Son histoire avec la course est tumultueuse : après une 4e place en 2008-2009, elle a dû renoncer à deux reprises (2012-2013 puis 2020-2021) même si elle est parvenue à aller au bout de la dernière édition, en bouclant son périple hors course. Désormais, place à une 4e participation avec des ambitions logiquement élevées.
Samantha Davies : « je me sens beaucoup plus sereine »
PAROLES DE SKIPPERS (4/40). Incontournable de la classe IMOCA depuis plus de 20 ans, elle est celle qui a le plus navigué depuis quatre ans et ses récentes performances s'en ressentent. Un bon présage avant son 4e Vendée Globe ?
Vendée Globe :
Un podium à The Transat CIC, des places dans le ‘top 5’ sans discontinuer depuis un an… Comment expliquer que ta montée en puissance se passe aussi bien ?
Ça a été une évolution progressive. Les mois qui ont suivi la mise à l’eau (à l’été 2022), il a fallu s’adapter au bateau et on a eu plusieurs problèmes techniques. L’année d'après, pendant le chantier, j’ai disputé les trois quarts d’un tour du monde (The Ocean Race) ce qui m’a aidé à progresser sur les nouveaux foilers. Le fait de faire beaucoup de milles, de participer à toutes les courses, ça a été un vrai atout dans la maîtrise du bateau. On a ajouté de nouveaux foils et on a pu constater un nouveau gain en performance. Et puis cette saison, on a eu une bonne étoile puisqu’aucun problème technique n’a ralenti notre progression.
Vendée Globe :
Ça fait donc deux ans que tu as mis à l’eau Initiatives Cœur 4. Tu perçois un changement majeur par rapport à ton précédent bateau ?
Il y a quatre ans, j’avais un bateau modifié sur lequel on avait ajouté des foils. Là, c’est un IMOCA fabriqué dans un moule de 2020 qui profite de toutes les avancées technologiques du moment. Il s’agit d’un plan Manuard qui dispose d’une forme en ‘scow’ (un nez un peu rond et une étrave spatulée) et donc qui passe mieux la mer et la brise. Tout est différent en matière de poids, de forme de coque, de fabrication. Et ça a permis de gagner beaucoup de puissance !
Vendée Globe :
Lors de la dernière édition, tu as dû abandonner avant de réparer en Afrique du Sud, repartir et boucler la boucle. Est-ce que cette expérience t’a changée ?
Oui énormément. Ça reste moins dur que lors de mon premier abandon (2012-2013, démâtage après 6 jours de course) parce que j’ai réussi à finir. Malgré la difficulté de retourner en mer, mes côtes cassées, il y a beaucoup de fierté d’être allée au bout, d’avoir été suivie par le public et d’avoir pu sauver 102 enfants grâce à l’opération « un clic, un don ». Finir malgré tout, ça m’a montrée que j’étais capable de faire quelque chose d’incroyable même après un fait de course que je ne maîtrisais pas. Ça m’a libérée de la pression liée à la peur de l’abandon. Je me sens beaucoup plus sereine, j’ai une approche beaucoup plus détendue aujourd’hui qu’il y a quatre ans.
Vendée Globe :
Quel est l’impact de ton engagement avec Mécénat Chirurgie Cardiaque sur ta motivation ?
C’est mon petit truc en plus. Ce projet, je ne le vis pas uniquement pour le sport mais pour l’objectif humanitaire que cela implique. Ça pousse à être encore plus performant et, d’une certaine manière, à tout faire pour ne pas faire marche arrière.
Vendée Globe :
Quel sera ton ambition sur ce Vendée Globe ?
Ce qui me rendrait fière, ce serait d’être dans le match du premier jour jusqu’à l’arrivée. C’est ça qui m’a manqué lors de mes deux précédentes participations. J’ai envie de naviguer avec engagement et d’être aux avant-postes. Je sais que le bateau et moi en sommes capables.
Vendée Globe :
Est-ce que tu peux revenir sur ton podium à The Transat CIC (Lorient-New York), qu’est-ce que tu as ressenti ?
C’était vraiment très fort. J’étais surprise d’être là. Mon préparateur mental m’a grondé parce qu’il m’a dit « c’est la preuve que tu en es capable, capable d’être dans le ‘top 5’, capable d’être sur le podium ». Je me suis battue tout du long, c’était dur mais c’était génial d’avoir obtenu ce résultat.
Vendée Globe :
Tu es incontournable sur le circuit… Qu’est-ce que cela dit de la place des femmes dans la course au large ?
C’est important de montrer que nous sommes capables. Il n’y a pas de différence entre un homme et une femme dans notre sport. Et on sait qu’un jour, une femme remportera le Vendée Globe. Notre génération a montré que nous pouvions être à la tête de projets performants afin de viser la plus haute marche du podium.
Vendée Globe :
Est-ce que tu es sollicitée par des jeunes skippers qui sont avides de tes conseils ?
Oui, ça a toujours été le cas et c’est vraiment un plaisir d’aider. Après, j’ai un programme assez chargé et c’est dommage, j’aimerais donner plus. Avec l’association ‘The Magenta Project’, je peux partager mon expérience, aider à créer des opportunités et ouvrir des portes aux jeunes filles qui souhaitent progresser en course au large.
Vendée Globe :
Désormais, Tanguy Le Turquais et Manuel Cousin portent les couleurs d’une association (Lazare, Coup de Pouce). Tu es contente d’avoir initié ce mouvement ?
Oui complètement. Je pense que c’est très important de donner en plus de faire du sport. Nos bateaux, notre circuit, le public : tout est réuni afin de pouvoir passer des messages et mobiliser. Par ailleurs, c’est possible d’allier cet engagement avec de la performance.
Vendée Globe :
Tu aimes beaucoup partager ton quotidien en mer à travers des vidéos, souvent drôles. Ça compte pour toi ta façon de te raconter, surtout dans une course aussi suivie que le Vendée Globe ?
Je me dis toujours que j’ai beaucoup de chance de faire ça, c’est un plaisir presque égoïste. Il y a tellement de personnes qui aimeraient être à notre place, qui suivent nos aventures ou qui en parlent dans les écoles ou au bureau. Moi j’ai envie de m’adresser à tout le monde, de leur parler du quotidien à bord. Je réfléchis à quelques idées mais je n’ai pas envie d’écrire l’histoire avant, je ne suis pas comédienne et je ne sais pas faire semblant !
Vendée Globe :
Ton fils Ruben va lui aussi vivre un nouveau Vendée Globe. Le fait de l’avoir déjà vécu, ça rend l’éloignement moins difficile à vivre ?
Je pense que tous les parents du monde comprennent que ce n’est pas évident d’être éloigné longtemps de son enfant. En plus, Ruben a ses deux parents qui partent (son père est Romain Attanasio, NDLR). Ça nous oblige à penser à tout pour être bien organisé et à tout anticiper, même les cadeaux de Noël. J'ai demandé à Ruben s’il voulait que je reste avec lui et que je ne fasse pas le Vendée Globe. Mais il m’a dit « non surtout pas, tu dois y aller ! » Après, on a la chance de beaucoup partager ensemble, notamment au départ. On n’est pas à plaindre, je sais qu’il y a des métiers bien plus difficiles que le nôtre !