Louis Duc : « Je ne demande qu’une chose, c’est d’y retourner ! »
Louis Duc, marin normand au caractère bien trempé, achève avec une détermination inébranlable son premier tour du monde en solitaire au terme d’une aventure marquée par de nombreux défis techniques et des choix stratégiques audacieux. Dès les premiers jours, il subit la déchirure de ses spis, un handicap majeur qui complique sa navigation. Mais, fidèle à sa réputation de marin résilient et ingénieux, il ne lâche rien : il répare, improvise et surmonte les obstacles, dont la casse de la barre de liaison du safran et les dysfonctionnements de son pilote automatique. Naviguant avec une intelligence tactique, il exploite les opportunités dans l’Atlantique et l’océan Indien pour avancer malgré des conditions difficiles. Son IMOCA, reconstruit presque entièrement après un incendie en 2019, témoigne de son savoir-faire et de sa ténacité. Dans les derniers jours de course, une nouvelle épreuve l’attend : la casse de l’une de ses dérives. Pourtant, fidèle à son esprit de combattant, il poursuit sa route avec opiniâtreté. À l’arrivée, malgré les nombreuses avaries, le skipper de Fives Group – Lantana Environnement savoure pleinement cet accomplissement et exprime déjà son désir de repartir, porté par l’émotion de ce rêve devenu réalité. Interview.
![LES SABLES D'OLONNE, FRANCE - 09 FEVRIER 2025 : Le skipper de Fives Group - Lantana Environnement Louis Duc (FRA) est interviewé par les médias après avoir pris la 26ème place du Vendée Globe, le 09 février 2025 aux Sables d'Olonne, France - (Photo by Jean-Louis Carli / Alea)](/sites/default/files/styles/article_header_desktop/public/imported_img/2025/02/67a8d3576c8f5.jpg.webp?itok=FATSC69L)
Vendée Globe :
Que ressens-tu après ce premier tour du monde et ce formidable accueil ?
![Louis Duc](/sites/default/files/styles/thumbnail/private/2024-05/_PSB_CALAGE_0002s_0001_VG24_Studio_Duc_VC6230.png.webp?itok=E7ZxmE7_)
Je suis sur un beau et gros nuage là. C’est difficile à expliquer. Je suis resté concentré jusqu’au bout, car la dernière semaine n’a pas été simple. Après le démâtage de Cali (Arnaud Boissières, ndlr), j’avais peur qu’il m’arrive la même chose, alors je n’ai rien lâché jusqu’à la ligne d’arrivée. Il y a trois jours, j’ai cassé une dérive et j’ai eu de la chance que cela n’abîme rien d’autre. Mais les derniers bords ont été compliqués : je naviguais au près, le bateau dérapait. Jusqu’au bout, j’ai dû rester concentré. Maintenant, je commence enfin à relâcher la pression. Il y a beaucoup de monde, c’est impressionnant, mais ça fait tellement plaisir de voir des gens de tous horizons.
Vendée Globe :
L’expérience a-t-elle été à la hauteur de tes attentes ?
J’ai un mélange de sentiments. Je suis ravi, car on revient de loin. Ce bateau-là, on l’a récupéré il y a quatre ans, à l’état d’épave. On l’a reconstruit, monté tout le projet, trouvé des financements… Il y a tellement de gens derrière tout ça ! Mon objectif était de terminer ce tour du monde, et je n’aurais pas supporté de ne pas boucler la boucle. Sportivement, j’avais envie de me battre avec les copains des bateaux à dérives, et j’ai pu le faire. Mais j’ai aussi fait des erreurs : j’ai cassé des voiles trop vite, ce qui m’a empêché d’être à 100 %. J’ai beaucoup ramé à cause de ça, et c’est ce qui m’a le plus pesé : accepter de ne pas être toujours au maximum. Mais au final, je suis heureux d’avoir fini. Mon bateau est au port, et pour moi, c’est extraordinaire.
Vendée Globe :
Ça a été dur ?
Oui, ça a été dur, mais il y a eu aussi des moments incroyables. Je ne me suis jamais senti en danger. Les IMOCA sont des bateaux exceptionnels, très marins et fiables. Même dans les mers du Sud, malgré les conditions difficiles, je ne me suis jamais senti à la limite. C’est sûr, quand on est en course, on veut les pousser à fond, et c’est là qu’on fait des bêtises. Mais ces bateaux sont fantastiques : pouvoir faire un tour du monde en moins de trois mois avec un bateau à dérives, c’est extraordinaire. J’ai adoré naviguer dessus, et je n’ai qu’une envie : y retourner !
Vendée Globe :
Quel a été le moment le plus difficile ?
Juste après le cap Horn, au nord de la zone d’exclusion antarctique. Tanguy Le Turquais, Conrad Colman et Benjamin Ferré se sont échappés et ont creusé une avance d’une semaine en seulement quelques heures. Franchement, ça m’a fait mal. Aujourd’hui, j’en rigole, mais sur le coup, c’était très dur. Ils ont réussi à recoller à des concurrents qui étaient 2 000 milles devant, comme Jean Le Cam. Pour eux, c’était jackpot. Mais nous, qui étions juste quelques milles derrière eux, on est restés bloqués. Ce n’est pas tant le fait de passer une semaine de plus en mer qui était dur, c’est de savoir que les autres ne l’ont pas fait avec nous.
Vendée Globe :
Y a-t-il eu des moments d’ennui pendant ces trois mois ?
Quand on se retrouve avec seulement cinq nœuds de vent, les voiles qui claquent, et qu’on ne sait pas quand il va revenir, le temps peut sembler long. Quand on a des prévisions, on peut estimer si ça va durer une heure ou deux. Mais quand il n’y a aucun signe, que ce n’était pas prévu et qu’on ne sait pas combien de temps ça va durer, là, c’est long et frustrant.
Vendée Globe :
Au sujet de la nourriture, estimes-tu que tu as bien géré ?
Comme toujours, à la fin, il ne reste plus grand-chose, peu importe ce qu’on a emporté au départ ! Pour ma part, j’ai une gestion très basique du sucré : j'ouvre un sac et le vide, on verra après ! (Rires) Mais je n’ai manqué de rien, car on avait très bien préparé cela avec Miranda (Merron). Un ami en Normandie m’avait aussi préparé des plats appertisés délicieux. Mais bon, à la fin, c’était comme pour tout le monde : du lyophilisé, du riz, des pâtes… Les pâtes au thon, je vais clairement faire une petite pause avant d’en remanger ! (Rires) »
Vendée Globe :
Un message pour les jeunes qui t’ont suivi ?
Que ce soit pour faire du bateau ou pour n’importe quel autre rêve, il faut y aller. Le plus grand risque, c’est de ne pas essayer. Si ça ne marche pas, ce n’est pas grave. Ce que je veux leur dire, c’est de se battre pour ce qu’ils veulent. Ça n’ira peut-être pas aussi loin qu’espéré. Moi, quand j’étais gamin, je rêvais de gagner le Vendée Globe à 23 ans. Ça ne s’est pas passé comme ça, mais j’ai quand même fait ce tour du monde. J’y suis allé, et je suis revenu.
Vendée Globe :
Et la suite ?
Eh bien ce soir, il y a une belle fête de prévue ! Ensuite, il faudra réfléchir à la suite. J’ai eu la chance unique de faire le Vendée Globe, et si je pouvais le refaire, ce serait encore mieux. C’était une expérience exceptionnelle !
![LES SABLES D'OLONNE, FRANCE - 09 FEVRIER 2025 : Le skipper de Fives Group - Lantana Environnement Louis Duc (FRA) est photographié dans le chenal après avoir pris la 26ème place du Vendée Globe, le 09 février 2025 aux Sables d'Olonne, France - (Photo by Jean-Marie Liot / Alea)](/sites/default/files/styles/image_desktop/public/imported_img/2025/02/67a8cd42661b4.jpg.webp?itok=_IoDW6Wp)