Laure Jacolot : «Les marins appellent rarement pour prendre un doliprane !»
Le rôle du médecin de course sur un tour du monde en solitaire, sans escale et sans assistance, n’a rien d’anodin. En 2024, il sera endossé par Laure Jacolot, entourée de deux autres médecins. L’environnement hostile dans lequel vivent les marins et l’éloignement de la terre rendent cette mission particulière. Médecin urgentiste et médecin du sport, Laure travaille avec les coureurs au large depuis près de 20 ans. Rencontre avec une médecin pas comme les autres.
Vendée Globe :
Comment prépare-t-on le Vendée Globe en tant que médecin de course ?
Je travaille en amont avec l’équipe de la direction de course pour définir ce que l’on va demander comme examens aux skippers, afin de définir s’ils sont aptes à faire le tour du monde en solitaire en course. Il y a un gros travail d’étude des dossiers, puis nous travaillons avec eux pour les informer des procédures de communication. Ils peuvent avoir leur propre médecin, mais cette personne devra collaborer avec nous, car s’il y a une urgence absolue nécessitant l’évacuation du skipper, c’est le médecin de course qui sera en lien avec la chaîne des secours.
Avant le départ, tous les skippers participent à des formations médicales où l’on passe notamment en revue ce qu’ils ont à disposition dans leur pharmacie du bord. C’est très important pour nous de nouer une relation de confiance avec eux.
Vendée Globe :
Et pendant la course, quel est ton quotidien ?
Pendant la course, j’ai d’abord un rôle de conseil. Avec l’équipe, nous sommes en veille 24h/24 avec un téléphone d’astreinte. S’il y a quoi que ce soit, les skippers appellent en direct. Si c’est grave, cela peut passer par le team manager. Ils connaissent bien leur skipper, ils jugent souvent du degré de gravité en fonction de ce que le skipper n’est plus en mesure de faire comme manœuvre, et c’est souvent une bonne base ! Je dois être joignable tout le temps, avoir du réseau, de la batterie. C’est une charge mentale importante, car nous sommes vraiment focalisés pendant toute la course, ça prend beaucoup d’énergie.
Vendée Globe :
Tu es aussi médecin de l’équipe de France de basket, d’une équipe de volley et de tennis de table. Quelle différence notes-tu entre les skippers et les autres sportifs ?
Le seuil de la douleur des skippers n’est pas le même. Généralement, quand ils nous appellent, ce n’est pas pour rien… Ce n’est pas pour prendre un Doliprane ! Mais cela est aussi dû à l’éloignement et à la difficulté de communiquer à distance. Il faut impérativement réussir à créer un rapport de confiance. J’ai parfois dû leur expliquer, après coup, à leur retour à terre après une course, que certaines situations auraient pu être graves.
Vendée Globe :
La santé et le bien-être des skippers sont-ils considérés comme des axes de performance ?
Ils commencent à se familiariser avec l’importance de la prévention pour éviter de décompenser en mer. Mais pour le moment, la performance est encore beaucoup axée sur le bateau. Toutefois, on sent que c’est en train d’évoluer.