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Noël au balcon (avant ou arrière)

Il paraît qu’à Noël, tous les chemins mènent à la maison. Mais pour les 36 marins en course sur cette dixième édition du Vendée Globe, celui-ci est encore un peu long, et parsemé de mille embûches glacées. Alors pour vivre cette journée un peu particulière, la meilleure stratégie reste de se concentrer sur l’instant présent… ou les présents tout court.

COURSE, 25 DÉCEMBRE 2024 : Photo envoyée depuis le bateau Singchain Team Haikou lors de la course à la voile du Vendée Globe le 25 décembre 2024. (Photo du skipper Jingkun Xu) Noël
COURSE, 25 DÉCEMBRE 2024 : Photo envoyée depuis le bateau Singchain Team Haikou lors de la course à la voile du Vendée Globe le 25 décembre 2024. (Photo du skipper Jingkun Xu) Noël

De sa voix de velours, avec une œillade pas si subtile vers la caméra, Elvis Presley se penchait sur sa guitare pour chanter « I'll have a blue Christmas without you / I'll be so blue just thinking about you ». Pour nos solitaires à l’assaut des océans, c’est littéralement leur menu du jour ce Noël « bleu » et forcément un peu teinté par la solitude, accompagné tout de même d’un risotto festif et d’une mignonnette de champagne !

Ont-ils vraiment pris le temps de déguster, les deux leaders désormais dans l’Atlantique, qui ont passé cette nuit les Malouines ? Déjà, les premières options se dessinent dans ce duel à couper au couteau à huîtres, tandis qu’ils ont laissé dans leur sillage les sommets meringués de neige de la Patagonie. Si Yoann Richomme (PAPREC-ARKÉA) a démultiplié son avance en poursuivant sa route le long de la zone des glaces, Charlie Dalin (MACIF Santé Prévoyance, 2e) a lui choisi de couper le plateau de fromage, en remontant plus franchement vers le Nord. Voilà le Havrais ainsi ralenti le premier par l’anticyclone qui se forme devant eux, mais il espère bien aussi être le premier à retoucher du vent frais quand celui-ci reviendra par l’Ouest… 

« Il faut regarder ça un peu de loin »

Derrière, Sébastien Simon (Groupe Dubreuil, 3e) continue d’osciller vers le Cap Horn, qu’il devrait atteindre dans la journée. Un passage dans l’intimité la plus totale, alors que ses poursuivants sont à plus de 1000 milles dans son tableau arrière, autant dire que ce n’est pas eux qui viendront jouer les trouble-fêtes pour le réveillon du skipper vendéen. 

C’est d’ailleurs avec un peu de fatalité que le constatait cette nuit le leader du petit paquet, Thomas Ruyant (VULNERABLE, 4e), qui évoquait la difficulté à revenir sur ses camarades de devant, même diminué par la perte d'un foil tribord :


Il y a quatre ans, j’avais cassé le foil bâbord, alors je sais bien que ce n’était pas le bon ! Seb il va être vachement mieux dans l’alizé de Sud-Est pour rejoindre l’Equateur, le Pot-au-Noir, donc je pense qu’il ne sera pas si pénalisé que ça ! Peut-être sur quelques bords en Atlantique Sud, mais les trois premiers ont quand même eu des conditions assez incroyables sur la deuxième partie du Pacifique, nous on est toujours en train de tirer des bords dans du vent pas très établi !

Thomas Ruyant
VULNERABLE

Dans quel état d’esprit le Nordiste attaque-t-il ce dernier tronçon, lui qui devrait passer le Cap Horn avec du vent fort mais une mer pas trop formée d’ici le 27 décembre ?


Il faut regarder ça un peu de loin, et puis relativiser un peu, c’est sûr que ça fait un moment que je vois le truc se faire, je suis quand même content d’avoir un bon groupe avec moi, ça régate fort, et je vais essayer de tenir ma place devant ce groupe, c’est tout l’enjeu et tout ce que j’ai envie de faire dans les semaines qui viennent ! S’il y a une opportunité, évidemment que je la saisirai, mais ce n’est pas moi qui fait la météo, et ça me paraît quand même compliqué !

Thomas Ruyant
VULNERABLE

COURSE, 25 DÉCEMBRE 2024 : Photo envoyée depuis le bateau TeamWork - Team Snef lors de la course à la voile du Vendée Globe, le 25 décembre 2024. (Photo du skipper Justine Mettraux) Noël
COURSE, 25 DÉCEMBRE 2024 : Photo envoyée depuis le bateau TeamWork - Team Snef lors de la course à la voile du Vendée Globe, le 25 décembre 2024. (Photo du skipper Justine Mettraux) Noël

« J’ai été bien KO »

Derrière, il n’y a pas vraiment le temps de se poser la question, notamment dans le rassemblement familial qui se joue juste après le point Nemo ! Cinq bateaux s’y tiennent en moins de 70 milles, de Boris Herrmann (Malizia – Seaexplorer, 7e) à Justine Mettraux (Teamwork – TEAM SNEF, 11e), qui a décidément très envie de rester à la fête ! On ne sait pas s’ils ont sorti les cotillons, mais ce qui est sûr c’est que ces cinq-là sont partis pour des célébrations qui risquent de s’éterniser… 

A plus de 2000 kilomètres derrière – une poussière donc – Benjamin Dutreux (Guyot Environnement – Water Family, 14e) a lui pu vérifier pleinement l’adage de bon sens qui dit « Noël au balcon, enrhumé comme un con ». Car le skipper islais a attrapé la crève, et il le raconte non sans humour : 


J’ai dû passer trop de temps à aller chercher des cadeaux dans les commerces, j’ai dû croiser trop de monde, trop de pingouins et du coup, j’ai la crève ! J’ai été bien KO mais ça commence à aller mieux ! Le bateau et moi on va quand même plutôt bien, on fait toujours notre petit bonhomme de chemin et on essaie de prendre soin l’un de l’autre, et d’avancer le plus vite possible en direction du Cap Horn.

Benjamin Dutreux
GUYOT ENVIRONNEMENT - WATER FAMILY

Et ça paye, car le marin a sérieusement repris du terrain sur Samantha Davies (Initiatives-Cœur, 13e) et Clarisse Crémer (L’Occitane en Provence, 12e), qui n’avaient pourtant pas spécialement envie d’attendre en chemin le « branleur » de la dernière édition du Vendée Globe, comme l’avait affectueusement surnommé Jean Le Cam. Si le marin de Guyot Environnement – Water Family se réjouit de « se retrouver en groupe », il reste concentré sur la route vers le Cap Horn, qui s’annonce ventée.


J’espère que la deuxième dépression qu’on devrait avoir va pas trop se creuser pour pouvoir passer le Cap Horn. Un des plus beaux cadeaux ce serait quand même de pouvoir passer pas très loin, et si possible de jour, mais on ne choisit pas toujours… mais ça peut être cool de passer tous les trois !

Benjamin Dutreux
GUYOT ENVIRONNEMENT - WATER FAMILY

« Faire quelque chose de différent »

Entre la Tasmanie et la Nouvelle-Zélande, il y en a d’autres qui ont décidé que c’était quand même plus sympa de célébrer les festivités en étant bien accompagné. Il suffit de zoomer sur la cartographie pour voir surgir ce petit nid de bateaux à dérives, tous bien alignés comme s’ils venaient de quitter la Vendée ! Après plus de quarante jours de mer, voilà leur match bien relancé à la faveur d’une pétole qui a fait plus que redistribuer les cartes, elle a même renversé la table ! 

Seul dans son option très nordiste, le Kiwi Conrad Colman (MS Amlin, 28e) nous racontait son pari aussi osé que passionnant à suivre d'aller voir d'un peu plus près son pays natal :


Tout va bien, j'ai trouvé le vent que j'étais venu chercher, et même encore plus ! Je suis venu ici parce qu'il y avait un grand trou bleu de rien du tout dans le Sud et je me suis dit que si je faisais la même stratégie que les autres, alors je continuerais à faire la même chose, c'est-à-dire rester derrière eux ! J’ai vu une opportunité de faire quelque chose de différent. En tout cas, avec le routage que j'ai en ce moment, je suis soit à égalité avec eux, soit un peu en avance. J'espère donc vraiment que cela se produira !

Conrad Colman
MS Amlin

Voilà donc à quoi aura ressemblé ce Noël 2024 pour les marins du Vendée Globe, et toutes les équipes qui, à terre, veillent sur eux et se réjouissent peut-être tout autant que lui de voir Denis Van Weynbergh (D’Ieteren Group, 36e) franchir le Cap Leeuwin dans la journée ! 

Mais comme souvent aux tables de fêtes, on pense aussi à ceux qui n’ont pas pu être là, à commencer par Maxime Sorel (V and B - Monbana – Mayenne), Louis Burton (Bureau Vallée), Szabolcs Weöres (New Europe), et surtout à Pip Hare (Medallia) qui, depuis près de dix jours maintenant, bataille sous gréement de fortune pour rejoindre Melbourne, alors que des vents puissants rendent plus difficile encore sa progression. A l’image de Benjamin Dutreux (Guyot Environnement – Water Family) qui, dans son message nocturne, nous rappelait qu’on « ne dit jamais assez à nos proches qu’ils nous manquent », on a encore plus envie de le dire à notre Britannique préférée, qui n'aura pas démérité. Et Benjamin Dutreux ajoutait: « Et à tous ceux qui sont seuls, nous aussi on est avec eux ! Et tous ceux qui travaillent, ils vivent leur Vendée Globe aussi ! ». Pas mieux, c’est dit !

COURSE, 24 DÉCEMBRE 2024 : Photo envoyée depuis le bateau La Mie Caline lors de la course à la voile du Vendée Globe le 24 décembre 2024. (Photo du skipper Arnaud Boissières) Noël
COURSE, 24 DÉCEMBRE 2024 : Photo envoyée depuis le bateau La Mie Caline lors de la course à la voile du Vendée Globe le 24 décembre 2024. (Photo du skipper Arnaud Boissières) Noël

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