Après Dominique Wavre, Bernard Stamm et Alan Roura, Justine Mettraux est ainsi la quatrième Suisse – la première femme – à représenter son pays au Vendée Globe. Elle est aussi l’une des sérieuses outsiders de cette 10e édition. Deux fois vainqueur de The Ocean Race avec Dongfeng Race Team puis 11th Hour Racing Team, la skipper de TeamWork – Team Snef, par ailleurs ambassadrice du Magenta Project qui promeut la pratique de la voile auprès des filles et prône la parité, est en effet habituée à batailler aux avant-postes. Après l’avoir montré sur les circuits Mini 6.50 puis Figaro Beneteau, elle n’a de cesse de le confirmer en IMOCA. A bord de son foiler (ex-Charal), la navigatrice n’a en effet jamais terminé une course au-delà de la huitième place. Ses objectifs ? Bien naviguer et prendre soin d’elle et de son bateau car elle le dit elle-même, si elle y parvient, le résultat suivra.
Justine Mettraux : « J’ai essayé de cocher toutes les cases »
PAROLES DE SKIPPERS (9/40). Double vainqueur de The Ocean Race, Justine Mettraux qui dispose de l’ex-Charal ne manque pas d’atouts pour briller. Elle qui a toujours terminé ses courses dans le ‘top 10’ se présente au Vendée Globe avec ambition et sans rien s’interdire.
Vendée Globe :
Tu te prépares à prendre le départ de ton premier Vendée Globe. Que représente-t-il pour toi ?
Je suis super contente de pouvoir faire cette course. Pour l’instant, je l’aborde plutôt sereinement. Il s’agit de mon premier tour du monde en solitaire. Il y a donc une multitude d’inconnues même s’il est vrai que le fait d’avoir pu beaucoup naviguer en IMOCA ces dernières années, et notamment le fait d’avoir disputé The Ocean Race avec 11th Hour Racing Team sur un bateau similaire au mien, en enlève une certaine part. Je n’ai encore jamais passé autant de temps en mer. J’ai donc forcément quelques interrogations dans la tête. Comment je vais vivre pendant 80 jours toute seule ? C’est la principale question que je me pose.
Vendée Globe :
Depuis ta participation à la Mini Transat en 2013, tu as construit ta carrière sans chercher à brûler les étapes. Ton jeu est aujourd’hui solide et tu l’as d’ailleurs régulièrement prouvé depuis ton arrivée sur le circuit IMOCA en 2021…
Je fais partie de ceux qui n’ont pas eu un projet Vendée Globe très rapidement et c’est sûr que ça fait un moment que j’y pense, que je le prépare et que j’y travaille avec mes partenaires et toute l’équipe. Je mesure ma chance de pouvoir être au départ parce que ce n’était pas une chose facile. Une fois la qualification acquise, j'ai eu envie d’en profiter et de bien faire. Mes expériences de ces dernières années n’étaient pas forcément faites dans l’optique de ce tour du monde. Ça a beaucoup été un enchaînement d’opportunités et, bien sûr, la réponse à des envies que je pouvais avoir à certains moments. Le fait de pouvoir jongler entre le solo et l’équipage m’a permis d’acquérir une expérience assez complète. Quand j’ai récupéré l’ex-Charal, j’ai pu prendre le bateau en main sans que ce ne soit trop compliqué. Je savais où j’allais et j’avais une certaine légitimité. Tout ça m’a aidée à me sentir bien dans le projet, à pouvoir le mener sans doute mieux que si je l'avais eu plus tôt.
Vendée Globe :
Tu fais, de fait, partie des bizuths de cette 10e édition, mais tu fais aussi partie des rares de ceux-là à avoir déjà l’expérience des mers du Sud…
Oui, mais mon expérience de ces mers du Sud reste néanmoins très petite et ce que j’ai connu ne ressemblera certainement pas à ce que vais vivre cette fois-ci. Je ne peux toutefois pas nier que le fait d’avoir déjà navigué dans ces endroits-là me permet de relativiser a minima certaines choses.
Vendée Globe :
Depuis ton arrivée sur le circuit IMOCA, tu as systématiquement terminé dans le Top 8 de toutes les courses auxquelles tu as participé, exception faite de la Transat Jacques Vabre en 2021 où tu as été contrainte à l’abandon. Tu as ainsi montré que tu pouvais nourrir de vraies ambitions pour ce Vendée Globe…
Pour prendre en main le bateau, j’ai eu la chance de pouvoir naviguer en équipage puis en double. Cela m’a beaucoup aidé pour pouvoir comprendre plus vite comment ces bateaux marchent, comment utiliser leur potentiel et comment les faire fonctionner. Les personnes de chez 11th Hour Racing Team m’ont clairement aidée à progresser plus vite. Sur le bateau, depuis qu’on l’a récupéré, on n’a pas fait de gros changements mais on a essayé d’améliorer l’ergonomie, puis on a essayé de rester compétitif en changeant les foils qui étaient encore ceux d’origine et qui dataient de décembre 2018. On a ainsi essayé de pallier le manque de performance qu’on pouvait avoir par rapport à certains bateaux neufs en mettant une nouvelle paire de foils cette année. Je ne me mets cependant pas d’objectif précis de résultat en tête. Mes buts sont de bien faire les choses et de prendre soin de moi et du bateau. Si j’y arrive, je suis assez certaine que le résultat suivra.
Vendée Globe :
Quels sont tes atouts aujourd’hui ?
J’ai essayé de me préparer sérieusement et de cocher toutes les cases. Je pense que mentalement je suis plutôt bien armée. En vue d’un Vendée Globe, il y a tellement de choses que l’on pourrait faire ! L’expérience permet d’aller toujours plus loin dans le détail dans certains aspects de la performance. Pour ma part, j’ai essayé d’identifier les points sur lesquels il fallait que je mette vraiment l’accent personnellement.
Vendée Globe :
Que redoutes-tu le plus ?
Principalement, l’aléa qui mettrait fin à ma course prématurément. Je ne le souhaite d’ailleurs à personne.
Vendée Globe :
Un mot sur le Magenta Project ?
C’est un projet qui me tient à cœur. Ce réseau sportif international, constitué de navigatrices professionnelles, est destiné à la fois à promouvoir la pratique de la voile auprès des femmes mais également la mixité dans le nautisme. C’est un sujet majeur. Il existe aujourd’hui bien plus d’opportunités pour les filles que dans le passé, avec certains projets ambitieux, mais il reste encore énormément de travail pour parvenir à plus d’équité. Il y a plein de signes positifs mais il ne faut clairement pas s’arrêter en chemin.
Vendée Globe :
Lorsque tu penses au Vendée Globe, quelle est la première image qui te vient en tête ?
Une image de bateau un peu au milieu de nulle-part, avec un marin à bord. Si je dois citer une image plus précise, c’est celle du finish de la dernière édition. C’était la première fois qu’autant de monde arrivait aussi groupé, et donc la preuve de l’intensité de la course aujourd’hui, même si celle-ci dure plusieurs mois.
Vendée Globe :
Ton plus beau souvenir de mer ?
En mer, quelle que soit la course, il y a toujours plein de moments chouettes comme un super lever ou coucher de soleil, une super manœuvre, une rencontre avec un mammifère marin...
Vendée Globe :
Ton rêve le plus fou sur ce Vendée Globe ?
Performer au-delà de mes attentes.
Vendée Globe :
Ce que tu fais quand tu ne fais pas bateau ?
Je fais pas mal de sport en extérieur et dès que je peux prendre un peu de repos, j’en profite pour rentrer au pays, en Suisse.
Vendée Globe :
La chose qui ne te quitte jamais lorsque tu es en mer ?
J’ai toujours dans mes affaires un petit porte-bonheur. Il s’agit d’un petit œuf en plastique.