Isabelle Joschke : « la joie à la hauteur des difficultés »
Elle est la première des quatre skippers attendus ce 4 février à avoir franchi la ligne d’arrivée dans la nuit et donc à s’offrir la remontée du chenal ce matin. Après avoir vogué avec le lever de soleil en fond puis savouré ses retrouvailles avec ses proches, Isabelle Joschke est revenue avec douceur et profondeur sur son tour du monde, son sacré combat de bout en bout.
Vendée Globe :
Comment as-tu vécu ce moment fort après ton tour du monde ?
C’est vraiment une journée de dingue. La météo est au rendez-vous avec un magnifique lever de soleil. C’est une belle journée qui commence. Il y a beaucoup de joie et de soulagement à l’idée d’avoir terminé ce Vendée Globe qui n’a pas été facile. Je crois que la joie est à la hauteur des difficultés de cette course.
Vendée Globe :
Raconte-nous ton Vendée Globe qui a été particulièrement sportif de bout en bout…
C’était sportif avant la casse du foil et encore plus après. Il a fallu se battre, s’accrocher davantage et les éléments n’ont pas toujours été là pour me propulser là où j’aurais voulu. Jusqu’au franchissement de la ligne, je n’ai jamais rien lâché en essayant toujours de garder ma place. Je suis vraiment fière et contente de ce parcours.
Vendée Globe :
As-tu trouvé ce que tu étais venu chercher ?
Oui, j’ai trouvé plein de choses que je n’avais pas vues lors de ma première participation. J’ai vécu une course totalement différente avec un engagement encore plus fort que ce que je pensais. J’ai ressenti beaucoup plus de plaisir malgré la difficulté. C’est une autre étape de franchie dans mon parcours.
Vendée Globe :
Tu as vécu une sacrée régate, notamment avec Jean Le Cam...
Nous avons des bateaux très différents et on s’est beaucoup retrouvés au fil de ce tour du monde. Il y avait quelque chose de complice. Je ne pensais pas que j’allais retrouver Jean (Le Cam). Terminer et me retrouver juste devant lui, c’est cool. Mais c’est sympa d’avoir terminé ensemble parce qu’on a fait un bout de chemin ensemble.
Vendée Globe :
Tu as échangé avec d’autres skippers ?
Quand on navigue proche les uns avec les autres, on échange parce qu’on vit les mêmes galères. J’étais beaucoup en contact avec Alan (Roura), on s’est serré les coudes quand c’était dur. J’ai échangé avec Giancarlo (Pedote) face à des tempêtes mais aussi avec Damien Seguin. Une fois passé le pot-au-noir, il y a eu deux jours de navigation très dures dans les alizés où on a cru qu’on allait casser nos bateaux. Ce sont des petites choses qui redonnent du baume au cœur. Quand on partage, on comprend qu’on vit ensemble les mêmes réalités et ça fait du bien. On est concurrent, on fait tout pour terminer devant mais on s’épaule beaucoup. C’est la magie du Vendée Globe sans que ce soit en contradiction.
Vendée Globe :
Qu’as-tu appris sur toi ?
J’ai appris que je pouvais compter sur mon équipe. Il y a eu des moments de grandes solitudes comme lorsque mon moteur est tombé en vrille. C’était un moment de flottement. Mais quand j’ai vu leur réactivité dès qu’il y a quelque chose qui n’allait pas, je voyais bien qu’à chaque instant ils étaient là. Surtout que le moteur est tombé en panne au moment du repas de Noel ! Le soutien de l’équipe on le sent toujours. C’est ça qui m’a permis de retrouver de la confiance.
Vendée Globe :
As-tu eu la sensation d’avoir puisé loin dans tes ressources et comment espères-tu récupérer ?
Il y a quatre ans, j’ai eu l’impression d’avoir puisé toutes mes ressources et de plus en avoir. Là, même quand j’étais fatiguée, je sentais que j’en avais encore sous le pied. Pourtant, ce Vendée Globe était beaucoup plus engagé. Dans les moments de grand doute, à ne plus savoir ce que je fais là et à être paumée, j’ai senti qu’une partie de moi était partie en sucette. Et j’ai laissé le temps, j’ai accepté et j’ai retrouvé la forme. J’ai l’impression de m’être respectée davantage. Il y a quatre ans j’ai mis un an pour me remettre psychologiquement et physiquement. Là, ce sera la surprise !