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Guirec Soudée : « partir en mer, c’est inné, c’est en moi »

PAROLES DE SKIPPERS (12/40) Autodidacte, Guirec (32 ans) a déjà connu la rudesse d’un tour du monde. Il y retourne à bord d’un bateau plus performant et en course, lui qui a appris les rudiments de l’IMOCA en l’espace de trois ans. Confidences d’un aventurier que rien n’arrête.

LORIENT, FRANCE - 1ER JANVIER 2020 : Le skipper de Freelance.com, Guirec Soudée (FRA), s'entraîne le 1er janvier 2020 au large de Lorient, France - Photo Adrien Cordier
LORIENT, FRANCE - 1ER JANVIER 2020 : Le skipper de Freelance.com, Guirec Soudée (FRA), s'entraîne le 1er janvier 2020 au large de Lorient, France - Photo Adrien Cordier
© Adrien Cordier

Il est l’aventurier du Vendée Globe, celui qui s’est forgé au large tout seul. La vie de Guirec Soudée est un roman : une enfance sur une petite île bretonne balayée par les flots, ses petits bonheurs à partir pêcher seul, ses difficultés à rester en place à l’école et puis les rêves de voyage plein la tête. À 18 ans, il part en Australie pour enchaîner les petits boulots, mettre de l’argent de côté et apprendre l’anglais. Guirec revient deux ans plus tard et achète un vieux bateau afin de partir autour du monde. 

S’en suit un voyage de quatre ans dont une grande partie avec sa poule Monique, marqué par un hivernage de 130 jours dans les glaces, le passage du Nord-Ouest par le Grand Nord et le franchissement du Cap Horn. À son retour, Guirec se lance un autre défi et réalise deux transatlantiques à la rame. Il cultive alors un autre rêve : participer au Vendée Globe. En moins de quatre ans, il monte un projet, trouve le financement, constitue une équipe et participe pour la première fois à des courses au large. Et le voici près à se jeter dans le grand bain. 

Vendée Globe :

Comment décris-tu ton état d’esprit alors que le grand départ aura lieu dans une poignée de jours ?

Guirec Soudée

Guirec Soudée

FREELANCE.COM

Je me sens bien, je suis content que l’échéance se rapproche. Jusqu’à l’ouverture du village, on a essayé de naviguer au maximum pour peaufiner les réglages et passer en revue tous les aspects techniques qui peuvent l’être. Nous avons d’ailleurs reçu il y a quelques jours une nouvelle voile et un nouveau spi. Et puis j’ai essayé de profiter de ma famille et de mes amis. J’explique à mon aînée qui n’a pas encore trois ans où je vais aller. Ces dernières semaines aussi, des amis sont venus à la maison pour qu’on prenne le temps de bien manger (rire) ! 

Vendée Globe :

Qu’est-ce qui t’a motivé à participer au Vendée Globe ? 

Je m’étais promis de revenir un jour dans les mers du Sud avec un bateau digne de ce nom et pourquoi pas avec un IMOCA. J’ai hâte de pouvoir jouer avec les systèmes météos, être malin dans les réglages et dans la façon d’appréhender ces mers-là… Les 40èmes rugissants, c’est comme un péage : tu commences à sentir la grosse houle rentrer et tu arrives enfin dans le vif du sujet. J’ai hâte d’y être !

Vendée Globe :

Quels sont les marins du Vendée Globe qui t’ont inspiré ?

 

J’ai eu la chance de beaucoup échanger dans les Caraïbes avec Éric Dumont (participation en 1996 et en 2000). Il m’avait dit mot pour mot : «  « Guirec, le Vendée Globe, c’est une course qui est faite pour toi. Le Vendée, c’est une aventure, pas une régate. Et tu es un aventurier ». À ce moment-là, j’étais sur mon vieux bateau, je n’avais jamais fait de course de ma vie mais c’est resté dans ma tête, même si ça me paraissait impossible. Il y a tant de marins que j’admire : Alex Thomson qui a fait quelques galipettes avec mon bateau, Armel Le Cléac’h, Jean Le Cam, Benjamin Dutreux…C’est génial de partir en course comme ces grands marins !

Vendée Globe :

Le Vendée Globe est un long marathon de trois mois… Comment comptes-tu faire pour « tenir » jusqu’au bout ? 
 

Un bon copain m’a répété ce qu’avait dit Francis Chichester, premier vainqueur de la Transat anglaise en 1960. Il assurait qu’un «  bon marin qui fait le tour du monde doit pousser son bateau à 70% ». 70% de la polaire, ce n’est pas terrible. Mais je crois qu’il ne faut jamais être à 100%, tout le temps rester dans le bon dosage et naviguer en bon marin. 

Vendée Globe :

Michel Desjoyeaux disait qu’un Vendée Globe,  « c'est une emmerde par jour ». Tu te sens prêt à ça ? 

Si ce n’est qu’une par jour, ça va ! (rires). Ce qui compte, c’est de les prendre une par une, dans l’ordre, et de ne pas attendre pour les résoudre. En fait sur un bateau, tu n’as pas le droit d’être feignant. Si tu as un souci, tu ne peux pas attendre, il faut le réparer tout de suite. Sinon, ça s’accumule, tu es vite dépassé et ce n’est vraiment pas agréable à vivre. 

Vendée Globe :

Tu es papa d’une petite fille, Maé (née en novembre 2021) et d’un petit garçon Manec (né en septembre 2023). Être papa, ça change quelque chose justement ? 

Ce sera la première fois que je partirai aussi longtemps sans les voir. Ma petite Maé qui a 3 ans commence à bien parler, elle comprend tout donc c’est vraiment chouette. Au-delà du fait de se sentir plus responsable, je me dis que ma place est plus à terre qu’en mer. Mais apprécier aller en mer, partir, c’est inné, c’est quelque chose qui est en moi. 

Vendée Globe :

Tu aimes bien manger, ce sera le cas à bord aussi ? 
 

Oui mais je ne suis pas difficile. S’il faut se contenter de plats lyophilisés pendant plusieurs semaines, ça ne me pose pas de problème ! Après, je vais embarquer du « frais », des fruits au départ, un peu de charcuterie et du fromage. Nous avons une maison de famille dans les Alpes depuis 30 ans et je ramènerai du bon Beaufort de là-bas. 

Vendée Globe :

Tu n'auras pas d’œuf par contre…

Non, ça c’est le gros bémol ! Monique n’est plus là et puis les instructions de course sont claires : l’aide extérieure est strictement interdite donc on n’a pas le droit d’embarquer des animaux (rires) !

LORIENT, FRANCE - 10 SEPTEMBRE 2024 : Le skipper de Freelance.com, Guirec Soudée (FRA), s'entraîne pour le Vendée Globe, le 10 septembre 2024, au large de Lorient, France - Photo Jean-Marie Liot / Alea
LORIENT, FRANCE - 10 SEPTEMBRE 2024 : Le skipper de Freelance.com, Guirec Soudée (FRA), s'entraîne pour le Vendée Globe, le 10 septembre 2024, au large de Lorient, France - Photo Jean-Marie Liot / Alea
© Jean-Marie Liot / Alea
Rencontre avec Guirec Soudée, Freelance.com | Vendée Globe

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