Guirec Soudée : « Avec de la volonté et de la persévérance, on peut accomplir de grandes choses »
Guirec Soudée, aventurier devenu coureur au large, a bouclé ce Vendée Globe avec un état d’esprit exemplaire, mêlant audace, ténacité et plaisir de naviguer. Connu pour ses expéditions hors du commun, il a transformé cette première participation en une aventure humaine et sportive inoubliable. Face aux éléments déchaînés et aux nombreuses avaries techniques, il a su faire preuve d’ingéniosité et de résilience, passant d’un marin à un bricoleur de fortune, montant au mât, réparant dans son cockpit ou plongeant dans les eaux glacées de l’Atlantique Sud. Cette expérience ne marque cependant pas une pause, mais bien une étape dans son parcours. Avec son énergie débordante et son goût pour les défis, le Costarmoricain a déjà d’autres projets en tête, fidèle à cet esprit d’aventurier insatiable qui l’a mené jusqu’ici. Sa performance, alliant la liberté de l’explorateur à la rigueur du régatier, laisse entrevoir encore bien des exploits à venir. Ses premiers mots.
Vendée Globe :
Que ressens-tu après 89 jours passés en mer et cette arrivée ?
Je ressens une immense reconnaissance envers toutes les personnes qui sont venues. Franchement, je ne m’attendais pas à un tel accueil. Après tant de semaines de solitude, voir autant de monde d’un coup, c’est vraiment surprenant, presque déstabilisant. L’ambiance était incroyable, presque irréelle, et c’est un moment, tout comme le départ, que je n’oublierai jamais. On avait quelques craintes par rapport à la météo, mais au final, tout s’est parfaitement déroulé. Tout était réuni pour une arrivée magique, je suis vraiment comblé !
Vendée Globe :
Tu as passé beaucoup de temps tout seul. Comment as-tu vécu cela alors que tu venais aussi chercher la confrontation ?
C’est vrai, j’ai passé de longues périodes seul, parfois sans voir un bateau pendant un bon moment. Le dernier que j’ai aperçu, c’était juste après les Malouines, il y a environ trois semaines. Ce calme m’a enlevé un peu de pression et m’a permis de profiter d’autres aspects de l’aventure. Dans le Grand Sud, c’était différent : les bateaux étaient souvent côte à côte, et on était vraiment dans la compétition. C’était génial. Ensuite, j’ai eu quelques petits soucis qui m’ont fait prendre un peu de retard par moments, mais j’ai toujours réussi à revenir. Je suis surtout très fier de mon équipe et de l’incroyable travail qu’elle a accompli, ainsi que de la robustesse du bateau. C’est vraiment un coffre-fort ! J’ai traversé des moments difficiles, et apparemment, j’ai décroché le prix de la plus grosse tempête ! (Rires) J’ai essuyé 72 nœuds de vent après les Kerguelen, avec des vagues de 11 mètres. C’était du gros temps, mais j’avais déjà connu ce genre de conditions. Ce qui m’a impressionné, c’est la manière dont ce bateau continuait à avancer. Parfois, je voulais le ralentir, mais il s’emballait, il décollait, il était juste parfait ! Il y a eu des moments où j’étais un peu inquiet, notamment quand le bateau sautait et retombait brutalement. Je me demandais toujours comment cela allait se terminer. Mais au final, nous sommes là, et ce bateau est incroyable ! C’était une aventure extraordinaire. Mon seul regret ? Pépin (Benjamin Ferré, ndlr) était trop souvent devant et refusait de m’attendre ! (Rires)
Vendée Globe :
As-tu éprouvé beaucoup de plaisir lors de ce tour du monde ?
Franchement, j’ai pris du plaisir presque tout le temps. Les moments les plus compliqués ont sans doute été dans le golfe de Gascogne, à l’arrivée. J’avais une mer croisée avec des vents entre 30 et 40 nœuds. C’était difficile, surtout qu’à ce stade, tu sais que le bateau est fatigué. Ça tapait sans arrêt, et j’avais qu’une seule envie : arriver. Ce n’était vraiment pas confortable, mais à part ça, ça a été un vrai kiff. Me dire que j’ai fait un tour du monde en moins de trois mois, que j’ai réussi à maintenir de telles moyennes, c’est incroyable. J’ai déjà beaucoup navigué, passé du temps sur l’eau, mais sur des bateaux avec des allures beaucoup plus lentes. Là, c’était différent : on faisait des milles, on était dans la course, et c’était vraiment génial. Même si je n’ai pas autant d’expérience que certains, ça a fonctionné, et je suis trop content. Hier, j’ai même voulu faire un petit détour par la Bretagne. Je me suis dit : Les Sables d’Olonne, c’est sympa, mais moi, c’est la Bretagne ! J’ai aperçu l’île de Sein au loin avant de reprendre la route vers l’arrivée.
Vendée Globe :
Quelles leçons tires-tu de cette première expérience en régate au long cours ?
Ce n’était pas vraiment mon domaine de prédilection, mais je me suis rapidement pris au jeu. Même si mon objectif principal était de terminer la course et de boucler ce tour du monde, je n’avais pas envie de finir dernier ni de dire que j’avais fait le Vendée Globe juste pour le faire. Mon idée, c’était de donner tout ce que j’avais, et c’est ce que j’ai fait. Mon bateau, bien qu’étant d’une ancienne génération, s’en est très bien sorti. C’est vrai que je manque encore d’expérience par rapport à de nombreux marins, mais j’ai su être réactif, notamment en cas d’avaries. J’ai dû monter sept fois dans le mât et plonger sous la quille du bateau au cap Horn. Dans ce genre de situations, je ne me pose pas de questions : j’agis. J’aime quand ça bouge, et c’est un point sur lequel je me sens à l’aise.
Vendée Globe :
Est-ce que ce Vendée Globe a été plus difficile que ce que tu imaginais ?
Je m’étais bien préparé et j’étais vraiment à l’aise sur mon bateau. La chance que j’ai eue, c’est d’avoir été toujours très bien entouré, surtout depuis le début de ce projet IMOCA. Mon équipe technique est d’un très haut niveau, et j’ai aussi bénéficié de l’expertise de marins expérimentés comme Sébastien Audigane, Roland Jourdain et Corentin Douguet. Grâce à eux, j’ai pu absorber les savoirs et conseils essentiels. Même si je n’ai pas suivi le parcours classique — pas de Mini 6.50, de Figaro Beneteau, ni de Class40 comme la majorité des autres concurrents —, j’ai su faire marcher le bateau correctement. Je ne suis pas mécontent de ma performance : finir 23e, c’est bien, et être le 5e bateau à dérives est une belle satisfaction. J’ai même laissé derrière moi Violette (Dorange), Louis (Duc), Séb (Marsset) et certains foilers. C’est très positif.
Vendée Globe :
Si tu avais embarqué une poule, comme Monique lors de ton précédent tour du monde, aurait-elle pu survivre à ce Vendée Globe et ses conditions extrêmes ?
Pendant mon Vendée Globe, je me suis justement posé la question : qu’est-ce que ça aurait donné si Monique avait été là ? Et franchement, ça n’aurait pas été sympa pour elle. Même si le bateau est grand, ça tape beaucoup, ça gîte, ça s’arrête brutalement. Ce sont des conditions vraiment rudes. Elle n’aurait pas passé un bon moment, donc non, ce n’était pas envisageable !
Vendée Globe :
Que retiens-tu de ta participation à cette épreuve ?
Ce que je retiens de ce Vendée Globe, c’est que tout est possible. Avec de la volonté et de la persévérance, on peut accomplir de grandes choses. Je suis vraiment heureux d’avoir terminé cette aventure, mais je pense aussi que j’avais le bon bateau pour y parvenir, car il pardonnait certaines erreurs. J’ai encore des progrès à faire, notamment sur les empannages ! (Rires)
Vendée Globe :
Et la suite ?
L’idée, c’est d’être prêt à partir cette année, vers octobre ou novembre, de changer de support et d’acquérir un Ultim pour tenter de battre le record du tour du monde à l’envers, détenu par Jean-Luc Van Den Heede depuis plus de vingt ans (en monocoque). Ce qui m’intéresse et m’enthousiasme, c’est d’apprendre de nouvelles choses. C’est ça, le nouveau projet : partir à l’aventure pour relever ce défi. Je suis trop content !