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Conrad Colman : « je crois toujours au pouvoir du Vendée Globe »

PAROLES DE SKIPPERS (11/40). Il y a huit ans, le public s’était entiché de ce Néo-Zélandais qui avait bouclé le tour du monde malgré un démâtage quinze jours avant l’arrivée. Courageux et téméraire, Conrad est parvenu à monter un nouveau projet et rêve de briller sur le ‘match dans le match’ des bateaux à dérives.

LORIENT, FRANCE - 12 SEPTEMBRE 2024 : Le skipper du MS Amlin, Conrad Colman (NZL), s'entraîne le 12 septembre 2024 au large de Lorient, France - Photo par Georgia Schofield
LORIENT, FRANCE - 12 SEPTEMBRE 2024 : Le skipper du MS Amlin, Conrad Colman (NZL), s'entraîne le 12 septembre 2024 au large de Lorient, France - Photo par Georgia Schofield
© Georgia Schofield

Il fait partie de la légende du Vendée Globe. En 2016, le ‘Crazy kiwi’, qui dispose de la double nationalité néo-zélandaise et américaine, est victime d’un démâtage à 740 milles de l’arrivée. Ses espoirs de boucler la boucle ne s’étaient pas envolés pour autant. Avec abnégation et patience, il avait mis en place un gréement de fortune et était parvenu malgré tout à finir son tour du monde, à la 16e place. Le skipper était également devenu le premier à terminer le Vendée Globe sans utiliser le moindre carburant fossile. 

Depuis, Conrad - qui est installé en France en 2009 - a eu envie d’y participer à nouveau, s’élançant dans un sacré parcours du combattant. En 2020, il échoue à réunir les fonds nécessaires. Mais ces dernières années, tout s’est accéléré. Il y a deux ans, il rachète l’ancien V and B - Monbana - Mayenne de Maxime Sorel (10e en 2021), qui a été mis à l’eau en 2007 sous les couleurs de Group Bel avec Kito de Pavant. Fort du soutien de nouveaux sponsors dont MS Amlin, Conrad peut enfin retrouver la fièvre du Vendée Globe et aspire à terminer sur le podium des bateaux à dérives droites. 

Vendée Globe :

Quelle différence existe-t-il entre ton projet actuel et celui d’il y a huit ans ? 

Conrad Colman

Conrad Colman

MS Amlin

J’ai l’impression de ressentir la même chose. La dernière fois, j’ai eu un peu de mal à me rendre sur la ligne de départ et là, ça me semble pareil. Mais même si ça n’a pas été facile et que je me sens fatigué, je suis en bien meilleure position que la dernière fois. Je navigue sur ce bateau depuis trois ans, il est extrêmement fiable et j'ai une grande confiance en lui. Cette fois, j'ai des partenaires formidables et j'ai vraiment un bon projet. Par contre, j’ai fait trop de travaux sur le bateau, j’ai reçu mes voiles tardivement et je n’ai pas réussi à boucler le budget que j’avais prévu. Ce n’est pas la première fois que je m’élance avec le plus petit budget, ça montre que je crois toujours au pouvoir du Vendée Globe ! 

Vendée Globe :

On dit que 80% d’un Vendée Globe se joue avant d’arriver sur la ligne de départ… Tu partages ce constat ? 

Oui totalement. Pour moi, il y a eu trop d'heures de travail sur le bateau, trop de stress, trop d'incertitudes... J'ai l’impression d’avoir trois emplois à temps plein en une journée ! Mais le travail technique ne me fait pas peur, d’autant que j’ai souvent été préparateur pour d’autres projets. Ces deux dernières années avec l’équipe, j’ai posé de nouvelles couches de fibre de carbone, été directeur technique, géré la commande du matériel, recâblé le bateau, cherché des sponsors tout en essayant d’être un père et un mari respectable. Après avoir couché les enfants, je travaille tous les soirs jusqu’à une ou deux heures du matin pour faire de l'administration et gérer le lien avec les sponsors en passant des appels en Nouvelle-Zélande et aux États-Unis. 

Vendée Globe :

Et malgré tous ces efforts, tu as quand même failli ne pas être au départ…

Oui, il s’en est fallu de peu ! Ce qui a été décisif, c’est l’engagement de MS Amlin. Ils ont ajusté le contrat de sorte que ce qui avait été prévu pour deux années a été combiné en une seule. Ils sont passés de sponsor mineur à sponsor-titre parce qu’ils croyaient en moi. Nous avions déjà réalisé ensemble la saison précédente avec la Transat Jacques Vabre, en 2023. J’étais déjà allé voir leurs employés et leurs partenaires dans plusieurs villes européennes. Des projets de sponsors sont tombés à l’eau au moment où ils se sont manifestés. C’est grâce à eux que je suis là. 

Vendée Globe :

Où est-ce que tu te situes parmi les bateaux à dérives droites ? 

J’ai l’un des bateaux les plus anciens mais il y a un certain nombre d’IMOCA du même âge qui sont très similaires. Nous les avons tous améliorés. Ceux de 2007-2008 ne ressemblent plus à leurs aînés, ils ont été bricolés et optimisés à l’extrême. On a beaucoup travaillé pour rendre le bateau plus rigide structurellement. Il a démâté en 2008, s’est écrasé contre un bateau de pêche en 2012, s’est cassé en 2016 et a terminé la course pour la première fois en 2021 avec une grosse fissure sur le pont… Mon ambition, c’est de terminer pour moi mais aussi de faire en sorte que le bateau reste le plus proche possible des 100% de son potentiel. 

Vendée Globe :

Est-ce que tu es quelqu'un de superstitieux ? 

Non, pas du tout ! Tu peux peindre un gros lapin vert sur mon bateau, je ne m'en soucierais pas le moins du monde. 

Vendée Globe :

Quelle sera ta stratégie globale sur cette course, toi qui es l’un des skippers les plus expérimentés de la flotte ? 

Y aller à fond et ne rien lâcher ! À l'exception de Jean Le Cam et d’Éric Bellion, je suis le seul dans la flotte des bateaux à dérives à avoir déjà fait cette course. J'ai déjà été trois fois dans le Grand Sud et, en tant que skipper, j'ai déjà fait quatre fois le tour du monde. Je suis ici pour régater !

Vendée Globe :

Qu’est-ce que tu attends le plus de cette course ? 

Le Pacifique et l’arrivée ! Il y a parfois des moments où j’ai envie que tout soit fini, cocher toutes les cases et passer à autre chose. C’est difficile d’expliquer à quel point c’est difficile en tant qu’entrepreneur, technicien, athlète, père, mari… On n’est pas très nombreux dans la flotte à faire tout ça. Après, ce que je trouve incroyable dans le Pacifique, c’est de se donner à fond dans le coin le plus reculé du monde, loin de tout.  Les gens ne sont pas faits pour être là. Je vis pour ces deux semaines là. C'est ce qui rend la course si spéciale et c’est un grand privilège. 

Rencontre avec Conrad Colman, MS Amlin | Vendée Globe 2024

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