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Boris Herrmann : « le Vendée Globe crée une dépendance »

PAROLES DE SKIPPER (8/40). Quatre ans après une première participation où il a tutoyé la victoire (5e), l’Allemand est de retour avec un nouveau bateau, fiabilisé et très performant. De quoi le hisser parmi les favoris de cette nouvelle édition.

LORIENT, FRANCE - 12 SEPTEMBRE 2024 : Le skipper de Malizia - Seaexplorer Boris Herrmann (GER) est photographié le 12 septembre 2024 à Lorient, France - Photo d'Antoine Auriol
LORIENT, FRANCE - 12 SEPTEMBRE 2024 : Le skipper de Malizia - Seaexplorer Boris Herrmann (GER) est photographié le 12 septembre 2024 à Lorient, France - Photo d'Antoine Auriol
© Antoine Auriol

En l’espace de quatre ans, il a changé de statut. Boris Herrmann (Malizia - Seaexplorer) fait désormais partie des favoris du Vendée globe. Il y a quatre ans, le skipper allemand de 43 ans a tutoyé la victoire grâce à une course particulièrement maîtrisée. Boris s’était attaché à préserver son bateau au maximum jusqu’au Cap Horn puis il avait attaqué de façon constante et méthodique en remontant l’Atlantique jusqu’à batailler pour la victoire finale. Une collision avec un bateau de pêche, quelques heures avant l’arrivée, l’avait alors privé d’un podium qui lui tendait les bras. Cinquième à l’arrivée, il est néanmoins devenu une star en Allemagne où le grand public a été marqué par ses récits inspirants et sa franchise. 

Surtout, Boris ne voulait pas s’arrêter là. Dès les semaines qui ont suivi son arrivée, il a lancé un nouveau programme avec le Vendée Globe 2024 dans le viseur. Son objectif ? Disposer d’un bateau robuste et puissant capable d’endurer la furia des mers du Sud. Après avoir mis à l’eau Malizia II en juillet 2022, il a multiplié les courses devenant l’un des skippers ayant parcouru le plus de milles durant ces quatre années. Il a d’ailleurs disputé en équipage The Ocean Race et a donc déjà confronté son bateau à tous les océans de la planète. Par ailleurs, lui qui vit à Hambourg est monté à deux reprises sur des podiums cette saison (2e à The Transat CIC et à New York Vendée – Les Sables d’Olonne). Passionné par les histoires de mer et par la destinée des premiers skippers, il sera à coup sûr un des acteurs majeurs de cette 10e édition. 

Vendée Globe :

Quel bilan tires-tu de ta première participation il y a quatre ans ?  

Boris Herrmann
Boris Herrmann
MALIZIA - SEAEXPLORER

Sur la ligne de départ, je me sentais prêt. On n’avait pas eu de grandes surprises techniques, j’étais très bien préparé et l’équipe était solide. Dès le début, il y a eu une grosse tempête et j’ai déchiré ma grand-voile. Je n’étais pas vraiment là où je voulais être dans la flotte. Sur la remontée de l’Atlantique, j’ai vite compris que j’étais le seul bateau à ne pas avoir de problème majeur. Alors je me suis dit « on y va » ! J’ai été le premier au passage de l’Équateur. Ensuite, une nouvelle course a débuté jusqu’à l’arrivée, comme un sprint de 500 milles. C’était fou, avec huit bateaux arrivés en 16 heures. Ça aurait pu être tellement différent. Une bascule de vent de dix degrés aurait pu changer mon heure d’arrivée et ma position sur la ligne d’arrivée ! 

Vendée Globe :

Qu’est-ce que tu retiens de cette mésaventure juste avant l’arrivée ? 

J’en ai un souvenir très précis, ça reste dans ma mémoire. À 90 milles avant l’arrivée, on s’écrivait avec mon équipe. Ils étaient déjà dans le semi-rigide avec le Prince Albert de Monaco, Giovanni Soldini, ma famille… Tout le monde était excité et je leur ai envoyé un SMS : « on se voit dans quatre heures ! » Je suis allé faire une dernière petite sieste et puis ‘bang’ (il a heurté un bateau de pêche NDRL). Je me suis demandé ce que je devais dire à tout le monde. J’ai fait une vidéo en disant « désolé, je vais avoir un peu de retard ». Tout le monde a fait demi-tour, a dormi un peu avant de revenir. Je n’étais pas sûr de la vitesse à laquelle j’arriverais et si le foil allait se briser complètement ou pas. Je suis arrivé à ma « vitesse limite » et j'ai pris la cinquième place. 

Vendée Globe :

Dès l’arrivée, tu as voulu te projeter vers le Vendée Globe 2024 ?

Je crois que le Vendée Globe crée une dépendance. C’est un paradoxe parce qu’il y a des moments où on se dit qu’on est vraiment stupide d’avoir décidé d’y participer. Mais il y a d’autres moments où on se sent un peu comme si on était sous l’effet de drogues ! Il y a une telle intensité et tout repose sur toi. Tu dois jouer en permanence, maîtriser cette machine fantastique, t’adapter aux vents, aux courants, bâtir une stratégie, faire face aux problèmes, les résoudre et les résoudre encore… Chaque semaine, tu remets toujours tout en question. Mais en même temps, ça n’empêche pas des moments très forts, des journées où tu te sens très efficace. C’est un mélange incroyable de sentiments entre la liberté d’être sur l’océan et l’adrénaline de la compétition. 

Vendée Globe :

Tu n'as jamais caché avoir souffert de la solitude. Comment y fais-tu face ?

J'aimerais être philosophe pour pouvoir expliquer ce paradoxe. D’un côté, on choisit d’être au départ, on rêve pendant des années d’y participer. Et d’un autre côté, quand tu y es, tu te retrouves à souffrir. C’est étrange de mettre autant d’énergie dans une activité dans laquelle tu n’es pas à l’aise. Cette angoisse de solitude se manifeste à la fin de la première semaine. Il y a une transition à trouver, tu te retrouves dans ta capsule, déconnecté des gens, tu acceptes d’être autonome, de te détacher de la terre. Tu as passé l’adrénaline des deux premiers jours, tes muscles te font mal, tu as survécu au premier front…  Et puis tu te rends compte que tu n’as fait que trois jours et qu’il reste trois mois à faire. C’est une montagne mentale qui semble impossible à surmonter.

Vendée Globe :

Avec ta préparation, tes résultats, tu fais partie des grands favoris… 

Oui, nous avons le bateau qui a parcouru le plus de milles pendant la période de préparation. Nous avons été les premiers à recevoir le nouveau bateau (en juillet 2022), nous avons déjà fait un tour du monde (The Ocean Race en 2023) et disputé le plus de courses, ce qui nous place naturellement en position de favori. Mais pour moi, ça ne change rien, je ne me sens pas sous pression. Le Vendée Globe est bien plus qu’une course et je suis conscient de la part de risque et de déception que la course peut impliquer. La notion de compétition est motivante, c’est un beau prétexte pour faire un voyage extraordinaire. Mais ça ne me dérange pas qu’on parle de moi comme d’un favori !

Vendée Globe :

On sent l’importance pour toi et ton équipe de raconter ton histoire tout au long de la course…

Partager l'aventure du Vendée Globe, ça fait partie de ma mission. J’ai aussi commencé pour ça. Des skippers comme Loïck Peyron filmaient leurs aventures et ce sont ces histoires qui m’ont amené là où je suis maintenant. C’est donc naturel de raconter ce que je vis en mer. Lors du dernier Vendée Globe, raconter ma journée m’aidait beaucoup. C’était une façon de me sentir moins seul, de rester motivé et connecté avec le monde. Et je vais continuer pendant cette nouvelle édition ! 

Vendée Globe :

Tu étais en confiance lors des courses cette saison, ce qui t’as permis à faire des choix audacieux. On peut s’attendre à ce que ça soit le cas aussi lors du Vendée Globe ? 

J’ai fait des choix stratégiques originaux, surtout à la New York Vendée – Les Sables d’Olonne où j’ai réalisé un énorme détour par le Nord. Tout le monde se disait « qu’est-ce qu’il fait ? » alors qu’il y a eu jusqu’à 2500 km entre le vainqueur (Charlie Dalin) et moi qui ai terminé 2e ! Mais il est peu probable que nous voyions des options stratégiques aussi différentes sur un Vendée Globe, surtout avec la zone d’exclusion des glaces. L’endroit le plus critique, c’est au niveau du Brésil où certains pourraient prendre une route vers le Sud autour de l’anticyclone de Sainte-Hélène. Pour moi, ce sera le moment le plus critique de la course. 

Vendée Globe :

Les chocs sont particulièrement violents à bord des foilers… Comment s’adapter à cette exigence là ? 

Il n'y a que deux autres bateaux qui coupent passent aussi bien les vagues que le mien, ce sont ceux de Thomas Ruyant (VULNERABLE) et Yoann Richomme (Paprec Arkéa). Par rapport au précédent, mon bateau a une forme plus ronde, il est plus doux. Nous ne voulions pas avoir un bateau qui s’arrête à chaque vague, il fallait qu’il puisse traverser la mer et s’adapter à son état. C’est le grand succès de notre préparation : quand le bateau file à 30 nœuds, je peux rester à l’intérieur avec une tasse de thé sans être projeté comme sur d’autres bateaux. En revanche, nous sommes peut-être un peu plus lents sur une mer plate dans l’Atlantique. 

Vendée Globe :

Qu’est-ce qui serait pour toi un Vendée Globe réussi ?

Ce serait d’arriver au bout, d’avoir su partager mon histoire et d’être dans les dix premiers. J’espère que j’aurais pris du plaisir à l’avoir fait, que je serais capable de le refaire et que j’aurais réussi à collecter les données scientifiques comme prévu. Et puis j’espère aussi pouvoir inspirer quelques personnes en chemin. 

LORIENT, FRANCE - 26 SEPTEMBRE 2024 : Le skipper de Malizia - Seaexplorer Boris Herrmann (GER) s'entraîne le 26 septembre 2024 à Lorient, France - Photo by Jean-Marie Liot / Malizia - Seaexplorer
LORIENT, FRANCE - 26 SEPTEMBRE 2024 : Le skipper de Malizia - Seaexplorer Boris Herrmann (GER) s'entraîne le 26 septembre 2024 à Lorient, France - Photo by Jean-Marie Liot / Malizia - Seaexplorer
© Jean-Marie Liot / Malizia - Seaexplorer
Rencontre avec Boris Hermann, Malizia - Seaexplorer | Vendée Globe 2024

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