La fête n’aurait pas été aussi belle s’il avait manqué à l’appel ! L’indéboulonnable Arnaud Boissières sera bien au départ de son cinquième Vendée Globe consécutif - un exploit inédit sur l’épreuve reine de la course au large en solitaire, avec lequel seul Jean Le Cam et sa sixième participation rivalise. Mais ce n’est pas pour ce seul fait d’armes que “Cali”, surnom d’adolescence hérité du petit poussin plaintif dont il avait un temps emprunté la coiffure autant qu’un certain manque de réussite, repart à l’assaut de la grande boucle... C’est tout simplement parce qu’il aime toujours autant ça ! Son plaisir inégalé d’être en mer, il le ressent depuis ses premiers bords dans son Arcachonnais natal, puis sur sa première Mini-Transat et ses saisons à batailler en Figaro, avant de découvrir la classe IMOCA et en devenir l’un des piliers. Symbole de son lien unique avec le Vendée Globe, le marin a même posé ses valises voilà vingt ans aux Sables d’Olonne, et conquis le cœur des locaux au point d’y devenir l’un des chouchous du public, qui suit avec passion cet endurant qui ne rechigne jamais à l’effort, même s’il grogne un peu parfois. Septième, huitième, dixième, quinzième : quel sera le prochain tirage de son grand chelem ? Une chose est sûre en tous cas, c’est qu’à 52 ans, Cali n’a renoncé à aucun de ses rêves, et n’a pas assagi ses élans de compétiteur, lui qui s’élancera pour la première fois sur un “foiler”. Terminer, c’est sûr, mais pas sans la manière.
Arnaud Boissières : « j'attends beaucoup de plaisir, je ne me lasse de rien »
PAROLES DE SKIPPER (22/40) : Cinq à la suite, excusez du peu ! Le Sablais d'adoption, dont la passion du large est aussi intacte que son feu sacré pour la compétition, espère bien célébrer à sa façon ses vingt ans d’histoire d’amour avec le Vendée Globe.
Vendée Globe :
Tu as eu une fin de préparation un peu bousculée par une collision en arrivant à Lorient pour le Défi Azimut, peux-tu nous raconter comment se sont passées ces dernières semaines pour toi ?
Effectivement, ça se passe un peu comme prévu sur une approche de Vendée Globe : c’est intense ! On a pu réparer le bateau comme on le souhaitait malgré tout, l’équipe a super bien bossé, grâce notamment à Benjamin Ferré qui nous a laissé mouler une partie de la coque de son bateau. C'était génial de pouvoir faire ça, même si ça nous a coûté quelques nuits blanches ! On a remis à l’eau relativement vite, et depuis on a essayé de naviguer autant que possible, dès qu’il y a un petit temps mort… ce qui se fait rare car il faut bien sûr jongler avec les contraintes partenaires, les demandes de visites, etc… Au final, je dirais que le rythme est aussi dense que tous les autres jours de l’année en fait !
Vendée Globe :
C’est ton cinquième Vendée Globe consécutif, beaucoup parlent de toi comme d’un vieux routier du Vendée Globe. Qu’est-ce que tu penses de cette image ?
Ça m'amuse cette étiquette ! En fait, les gens cherchent toujours à t’en coller, faut juste l’accepter. En 1998, quand j’ai fait la Mini-Transat, on me disait que j’étais trop régatier pour partir traverser l’Atlantique. Après j’ai fait du Figaro, et quand je me suis lancé en 2008 sur mon premier Vendée Globe, les figaristes disaient que c’était une épreuve pas assez sportive. Les discours changent en fonction des campagnes du Vendée Globe, de l’ambiance globale. Moi je sais au fond de moi que la performance compte toujours autant pour moi. Du coup, je me décrirais plutôt comme un coureur “4x4”, un peu comme mon bateau.
Vendée Globe :
Tu parles de l’évolution du Vendée Globe, comment tu la perçois justement avec ta longévité ?
Je trouve que la physionomie évolue, mais pas la philosophie. On est plus nombreux certes, mais il y a toujours autant de solidarité. Et si c’est vrai qu’il y a parfois des tensions car les enjeux sont de plus en plus forts derrière chaque projet, je trouve que la bonne ambiance reste de mise. Il y a des gros projets qui tirent la flotte vers le haut, des petits qui rappellent que c’est aussi possible, The Ocean Race en équipage a permis de rendre la flotte plus internationale. Tout ça ouvre les perspectives, et globalement, je trouve que ça se renouvelle positivement.
Vendée Globe :
Qu’est-ce que tu attends de ce nouveau Vendée Globe ?
J’attends beaucoup d’intensité, de la tension liée à la compétition, de l’adrénaline forcément. Beaucoup de fun aussi car le bateau est vraiment plaisant et puissant. En fait, j’attends surtout beaucoup de plaisir, c’est pour ça que je fais des tours du monde, et j’essaie de ne jamais l’oublier. Et surtout, je ne me lasse de rien. Il y a beaucoup de choses qui m’amusent encore, moi qui suis aux Sables d’Olonne toute l’année, j’aime toujours autant toute cette émulation. Et puis je ne me lasse pas de naviguer, quel que soit le support.
Vendée Globe :
Un objectif chiffré ?
Je ne m’en donne pas, ce que je veux surtout c’est me battre. Il y a quatre ans, j’avais eu beaucoup de problèmes techniques d’entrée de jeu et j’aurais pu être frustré, mais on s’est retrouvé avec un super groupe de six à la fin, et on s’est tirés la bourre comme des dingues, notamment avec Kojiro (Shiraishi, ndlr). J’étais super content de gagner ce petit match dans le match, et au final, même si le résultat pur était moins bon que mes précédents Vendée Globe, le scénario était super. On a déjà une chance immense de faire ce qu’on fait, il faut se réjouir !
Vendée Globe :
Tu penses que c’est dans ta nature cet optimisme qu’on sent souvent dans tes communications même quand c’est dur, ou c’est de la préparation mentale que tu travailles ?
Je suis assez paradoxal, parce que c’est vrai que je peux souvent être un peu râleur et exigeant. Mais en même temps je pense que c’est mon caractère d’être positif. J’ai été éduqué comme ça, et mon histoire de vie, avec la maladie aussi (Arnaud Boissières a eu une leucémie étant jeune, ndlr), fait que j’ai toujours privilégié le verre à moitié plein qu’à moitié vide !
Vendée Globe :
Ce sera ton premier Vendée Globe sur un bateau à foils, c’est un choix que tu as fait très tôt en rachetant l’ancien bateau de Samantha Davies. Tu peux nous expliquer comment ça s’est passé ?
Oui, c’était vraiment un choix dans mon projet, je voulais avoir le temps de l’appréhender, de faire le lien, de le faire connaître à l’équipe. Et puis, plus tu navigues moins tu penses aux qualifications ! On a fait une super transmission au retour de la Route du Rhum avec Sam et Nico Lunven, c’était la meilleure façon de prendre en mains le bateau. Après on a démonté le bateau collectivement avec les deux équipes, on a progressivement fait évoluer le bateau, sur les conseils de Sam et David Sineau d’ailleurs, on a modifié l’étrave, les foils, on a aussi adapté des choses à mon gabarit. Ce n’est plus le même bateau qu’il y a quatre ans, et je n’en changerais pour rien au monde ! On connaît bien ses points forts et ses points faibles, un peu comme moi, je dirais qu’on est tous les deux à maturité (rires) !
Vendée Globe :
Est-ce que tu as des appréhensions ?
Dire que je n’ai pas peur des mers du sud, ce serait présomptueux, surtout dans un bateau extrême comme ça. Je me suis d’ailleurs préparé différemment que sur mes anciens bateaux. Mais cette peur, j’espère qu’elle sera atténuée par l’expérience. Je pense que j’ai une très grande conscience de ce qui m’attend, à moi de transformer ça en atout et de faire en sorte d’y répondre positivement.