Certes, il a gardé l’œil pétillant, le sourire facile et la capacité de nous embarquer dans ses aventures avec enthousiasme. Pourtant, Alan Roura a grandi depuis ses débuts au Vendée Globe, lui qui était le benjamin des deux dernières éditions, achevées respectivement en 105 jours (12e en 2016-2017) et en 95 jours (17e en 2020-2021). Pour continuer à progresser, il a décidé de racheter le dernier Hugo Boss d’Alex Thomson. Dans cette nouvelle aventure, Alan bénéficie du soutien de l’horloger Hublot qui renoue avec la mer (son design emblématique est inspiré d’un hublot de bateau, NDLR). Tout n’a pas été facile dans sa préparation tant le bateau du Britannique a été difficile à prendre en main. Mais Alan s’est accroché en mer et s’est employé à progresser pendant des mois entiers avec son équipe technique durant les phases de chantier. Il se présente au Vendée Globe riche de son expérience et avec la conviction, surtout, de faire encore mieux pour sa troisième fois.
Alan Roura : « le moral gonflé à bloc ! »
PAROLES DE SKIPPERS (6/40). Benjamin des deux dernières éditions, le Suisse retrouve le Vendée Globe avec un foiler et un sponsor prestigieux. S’il a dû redoubler d’effort pour façonner son nouvel IMOCA, sa dernière transatlantique démontre qu’il a toutes les qualités pour s’immiscer dans le ‘top 10’.
Vendée Globe :
Il s’agit de ta 3e participation au Vendée Globe. Quelle est l’importance de l’expérience dans cette course ?
Alan Roura
Ça offre la garantie de ne pas faire les mêmes erreurs ! On apprend toujours des éditions passées, de ce qu’on a traversé et enduré. Ça nous permet d’être toujours un peu mieux préparé. Cela ne veut pas dire que je me repose sur mes acquis et ce serait une erreur parce que c’est la meilleure façon d’aller dans le mur. Ça permet de savoir un peu plus vers quoi on va… Et d’y aller avec le moral gonflé à bloc !
Vendée Globe :
Qu’est-ce qui est essentiel à maîtriser au départ ?
Je pense que par-dessus tout, il faut parvenir à être dans le bon état d’esprit. Et pour ça, il convient de maîtriser tout ce qui peut l’être. Plus j’arrive à respecter le plan initial que je me suis fixé, plus je peux me concentrer sur la course et uniquement la course. Cela fonctionne pour la préparation, pour la période de village et tout ce qui précède le grand départ. De savoir à quelle heure tu quittes le chenal, à quelle heure les gars débarquent et se tenir à ce plan, ça participe à avoir l’esprit libre.
Vendée Globe :
En matière de gestion du rythme, qu’as-tu appris lors des deux Vendée Globe précédents ?
Contrairement à ce qu’on pense, je crois qu’il faut y aller fort d’entrée de jeu et bourriner dès le départ. On ne doit pas avoir peur de perdre en pourcentage au fil de la course. En revanche, on sait très bien que quand tu pars devant au début, tu es devant à la fin. Donc il faut être à fond, la poignée dans le coin et tout faire pour faire avancer le bateau au maximum et en permanence.
Vendée Globe :
Comment décris-tu ce qu’on ressent quand on traverse les mers du Sud ?
Si je retourne au Vendée Globe, c’est justement pour jouer dans le Sud ! C’est ça qui m’intéresse, j’ai envie d’être confronté à la houle, aux dépressions, à la solitude, à cet été où tu es en « mode survie ». On les traverse tellement peu qu’à chaque fois, c’est une expérience qui reste à vie. Ce que j’ai en tête, ce sont des images de gris, des sensations de froid et puis cette impression d’être si petit face à l’immensité. Il ne faut pas oublier que peu de marins ont traversé les mers du Sud dans toute l’histoire de la course au large.
Vendée Globe :
Parmi ceux qui t’ont inspiré quand tu étais jeune, il y a Ellen MacArthur…
Oui, elle m’a donné envie de faire de la course au large. J’ai un souvenir précis de ce petit bout de femme, une image d’elle en haut de son mât. Lors du Vendée Globe 2000-2001, on n’avait pas Internet pour suivre le Vendée Globe. Mais il y avait la presse et puis plus tard le film sur cette édition et son livre que j’ai lu quatre fois ! Même si ça fait des années que je n’ai pas revu d’images de cette édition, j’ai l’impression de m’en rappeler toujours avec précision.
Vendée Globe :
Qu’est-ce que tu ressens à l’idée d’être devenu toi-même un acteur du Vendée Globe ?
Je reste très humble à ce sujet. Quand je parle à Alain Gautier par exemple, il y a toujours un mélange de fierté et un petit blocage aussi. Même si je fais partie du milieu, je n’ai jamais eu la prétention d’être au niveau de ces grands de la course au large. Ils m’impressionnent tous. Je pense notamment à Kito de Pavant qui était venu boire un café sur mon bateau avant mon premier Vendée Globe. Je me sens privilégié d’être avec tous ces marins.
Vendée Globe :
Ton bateau, que tu as acquis en octobre 2021 a connu beaucoup de changements l’hiver dernier…
Oui, nous avons fait un chantier très conséquent en changeant l’étrave, en modifiant le poids, l’ergonomie, les ballasts… On a vraiment franchi un grand « gap » en matière de de performance et de puissance. En moyenne, depuis que nous avons le bateau, nous l’avons amélioré à toutes les allures de 10 à 15%. En plus du chantier pour le bateau, il y a aussi le chantier pour le bonhomme (rires), notamment en matière de préparation mentale. Et j’ai pu constater que lorsque je ne me mets pas la pression, ça fonctionne très bien.
Vendée Globe :
C’est ce qu’on a notamment constaté lors de The Transat CIC au printemps dernier où tu as terminé aux portes du ‘top 10’ (13e) …
Nous avions mis à l’eau une semaine plus tôt et l’équipe m’avait dit que je pouvais tirer sur le bateau. Je suis parti en étant hyper serein. C’était une transatlantique difficile dans du vent fort, une mer souvent formée. Je ne suis pas le plus grand régatier mais j’aime pousser mon bateau en bon marin quand le niveau de difficulté est élevé. Ça avait été le cas lors de la Vendée Arctique (7e en 2022). Ça tombe bien : le Vendée Globe est une course compliquée de trois mois ! Quoi qu’il en soit, The Transat CIC va me permettre de partir beaucoup plus serein au Vendée Globe, c’était une super course pour gagner en expérience avant la grande échéance qui nous attend.
Vendée Globe :
Qu’est-ce que ça change d’aborder la course non seulement comme skipper mais aussi comme chef d’entreprise ?
C’est vrai que j’ai cette double casquette. J’ai la chance d’être entouré de personnes de confiance qui me permettent de naviguer sereinement. L’état d’esprit n’est pas le même qu’un skipper qui est uniquement pilote. Dans mon cas, tu ne peux pas oublier que ton projet fait travailler des personnes, que c’est par ce biais là qu’ils peuvent gagner leur vie, faire vivre leurs familles… Cela implique forcément un sens un peu plus fort des responsabilités.