Cette fois-ci, le Vendée Globe a quasiment fait le plein : vingt-neuf marins sont au départ dont près de la moitié s’avèrent être des récidivistes. Pour le départ, les solitaires vont bénéficier de conditions idéales qui leur permettront d’avaler goulument le golfe de Gascogne, toujours redouté des marins au départ d’un tour du monde. Seul l’Espagnol Didac Costa reviendra réparer aux Sables d’Olonne un tuyau de ballast défaillant.
La descente jusqu’à l’équateur se révèle clémente : vents portants et mer maniable, la course se résume à une bataille d’empannage où très rapidement les leaders prennent leurs marques.
Seul Tanguy de Lamotte doit renoncer aux bords des îles du Cap Vert : sa tête de mât s’est brisée et il n’a pas les moyens sur place pour réparer. Il reviendra aux Sables d’Olonne le 28 novembre.
Les leaders creusent l’écart
Au terme d’une option audacieuse, Alex Thomson fait la bonne affaire du jour. En optant pour une traversée du Pot-au-Noir décalée dans l’est du gros des troupes, il bénéficie d’un meilleur angle dans les alizés de l’hémisphère sud et commence à creuser l’écart. Dans son sillage, quelques solitaires s’accrochent : Armel Le Cléac’h emmène un peloton composé de valeurs confirmées comme Vincent Riou, Jérémie Beyou ou Sébastien Josse et de bizuths ambitieux tels Paul Meilhat ou Morgan Lagravière.
Derrière, les écarts se creusent. L’anticyclone de Sainte-Hélène se charge de faire le tri. Quand les premiers déboulent à plus de vingt nœuds, la deuxième partie de flotte se traîne dans les petits airs. A l’avant, on cravache, derrière on commence à se résigner.
L’Atlantique Sud fait aussi de nouvelles victimes. C’est tout d‘abord Bertrand de Broc qui jette l’éponge après avoir heurté un OFNI. Puis, successivement Vincent Riou et Morgan Lagravière décideront de faire route sur Capetown, palier de quille endommagé pour l’un, safran arraché pour l’autre. Au cap de Bonne Espérance, Alex Thomson et Armel Le Cléac’h se suivent à moins de cinq heures. Derrière les écarts sont énormes : Sébastien Josse, troisième pointe à plus d’une journée, Paul Meilhat et Jérémie Beyou à deux jours, Thomas Ruyant huitième et Jean Le Cam, neuvième, sont relégués à plus de cinq jours de mer de la tête de course.
Drôle d’endroit pour une rencontre
Le 28 novembre, Armel Le Cléac’h reprend la tête de course et ne la lâchera plus jusqu’à l’arrivée. Le 30, les deux leaders sont à la hauteur des îles Kerguelen où patrouille la frégate Nivôse. Le bâtiment détache un hélicoptère qui rapporte des images somptueuses des deux IMOCA fonçant dans la plume. Derrière, les abandons se succèdent en cascade. Kojiro Shiraishi casse son mât avant de doubler le cap de Bonne Espérance, Sébastien Josse brise un de ses foils et endommage gravement le puits de son appendice. Plus grave, Kito de Pavant heurte un objet immergé et menace de couler. Heureusement le Marion Dufresne qui ravitaille les terres australes est à proximité et peut sauver le navigateur qui devra néanmoins suivre toute la rotation du bateau vers Crozet, Kerguelen et Amsterdam avant de pouvoir débarquer à La Réunion.
Le Pacifique ne sera guère plus tendre avec les abandons de Thomas Ruyant, Stéphane Le Diraison, Paul Meilhat et enfin l’Irlandais Enda O’Coineen. Au fil des avaries de ses concurrents, Jean-Pierre Dick se retrouve quatrième du Vendée Globe, mais au cap Horn, il est à près d’une semaine du leader, Armel Le Cléac’h qui a fini par repousser Alex Thomson à près de deux jours de navigation. Le navigateur finistérien est dans une position autrement plus confortable que ne l’étaient ses prédécesseurs au cap Horn lors des dernières éditions. Le skipper de Banque Populairepeut commencer à envisager la victoire. A l’exception de l’édition de 2004-2005, celui qui a franchi le Horn en tête s’est vu couronné à l’arrivée aux Sables d’Olonne.
Accordéon diabolique
Mais rien ne va se passer comme prévu. Englué dans des calmes sous le vent de la Terre de Feu, Armel Le Cléac’h voit son avance fondre comme neige au soleil. Au 29 décembre, soit six jours après avoir passé le Horn, l’écart avec Alex Thomson n’est plus que de 150 milles. Le 30 au matin, ce sont 30 petits milles qui séparent les deux concurrents. Mais c’est au tour d’Alex Thomson de subir les petits airs qui ont freiné le leader. Petit à petit, l’écart se creuse de nouveau, mais Armel Le Cléac’h va rester sous pression jusqu’à la ligne d’arrivée.
Derrière eux, Jérémie Beyou semble disposer d’un matelas confortable sur un trio de poursuivants constitué de Yann Eliès, Jean-Pierre Dick et Jean Le Cam qui vont remonter l’Atlantique sur un rythme de Solitaire du Figaro.
A vingt-quatre heures de l’arrivée, Armel Le Cléac’h peut enfin se dire que, sauf accident, cette édition 2016-2017 sera la sienne. Alex Thomson n’est pas en situation de revenir. Alors que les leaders s’apprêtent à en terminer, Louis Burton, septième franchit l’équateur, quand Nandor Fa, huitième, vient tout juste de passer le cap Horn.
Pour certains solitaires, la remontée de l’Atlantique s’apparentera à un chemin de croix : le 11 février, Éric Bellion est victime d’une avarie de rail de grand-voile qui va l’obliger à terminer sa course sous voile d’avant seule. Le même jour, Conrad Colman démâte au large du Portugal. Le navigateur néo-zélandais refusera d’abdiquer et réussira à bricoler un gréement de fortune pour rejoindre les Sables d’Olonne et passer la ligne d’arrivée.
Le 19 janvier, Armel le Cléac’h franchit la ligne d’arrivée devant la bouée Nouch Sud à 16h38 (heure locale) établissant un nouveau record en 74j 03h 36mn. Il faudra attendre 50 jours pour voir le dernier concurrent classé, Sébastien Destremau, franchir à son tour la ligne d’arrivée.
Le classement de l’édition
- Armel Le Cléac’h (Fra, Banque Populaire) – 74J 03h 35mn
- Alex Thomson (GB, Hugo Boss) 74j 19h 35mn
- Jérémie Beyou (Fra, Maître CoQ) 78j 06h 39mn
- Jean-Pierre Dick (Fra, St Michel – Virbac) 80j 01h 46mn
- Yann Eliès (Fra, Quéguiner – Leucémie Espoir) 80j 03h 11mn
- Jean Le Cam (Fra, Finistère Mer Vent) 80J 04h 42mn
- Louis Burton (Fra, Bureau Vallée), 87j 19h 46mn
- Nandor Fa (Hun, Spirit of Hungary), 93j 22h 52mn
- Éric Bellion (Fra, Comme un seul Homme), 99j 04h 56mn
- Arnaud Boissières (Fra, La Mie Câline) 102j 20h 24mn
- Fabrice Amedeo (Fra, Newrest – Matmut) 103j 21h 01mn
- Alan Roura (Sui, La Fabrique) 105j 20h 11mn
- Rich Wilson (USA, Great American IV) 107j 00h 48mn
- Didac Costa (Esp, One Planet One Ocean) 108j 19h 51mn
- Romain Attanasio (Fra - Famille Mary – Étamine du Lys) 109j 22h 04mn
- Conrad Colman (NZL, Foresight Natural Energy) 110j 01h 59mn
- Pieter Heerema (Ned, No Way Back) 116j 09h 24mn
- Sébastien Destremau (Fra, Technofirst – Faceocean) 124j 12h 38mn
Les abandons
- Enda O’Coineen (Irl, Kilcullen Voyager – Team Ireland), démâtage, le 1er janvier
- Paul Meilhat (Fra, SMA), avarie de vérin de quille, le 24 décembre
- Stéphane Le Diraison (Fra, La compagnie du Lit – Boulogne Billancourt), démâtage, le 23 décembre
- Thomas Ruyant (Fra, Le Souffle du Nord pour le Projet Imagine), collision avec OFNI, le 20 décembre
- Sébastien Josse (Fra, Edmond de Rothschild), avarie de foil, le 7 décembre
- Kito de Pavant (Fra, Bastide Otio), collision avec un cachalot, le 6 décembre
- Kojiro Shiraishi (JPA, Spirit of Yukoh), démâtage, le 4 décembre
- Tanguy de Lamotte (Fra, Initiatives-Cœur), avarie de mât, le 28 novembre
- Morgan Lagravière (Fra, Safran), avarie de safran, le 24 novembre
- Vincent Riou (Fra, PRB), avarie de quille, le 22 novembre
- Bertrand de Broc (Fra, MACSF), avarie de quille, le 20 novembre