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Zen, restons zen

Quand les motifs d’hyperventilation sont légion, nos protagonistes aimeraient se muer en moines bouddhistes, et troqueraient volontiers leur ciré pour une kesa orangée. « Du sang froid dans les veines, soyons Zen », chantait Zazie, mais avant d’atteindre le nirvana de Port Olonna, il faudra encore travailler un peu son karma !

COURSE, 29 JANVIER 2025 : Photo envoyée depuis le bateau Tout Commence en Finistère - Armor Lux lors de la course à la voile du Vendée Globe le 29 janvier 2025. (Photo du skipper Jean Le Cam) Atlantique Nord
COURSE, 29 JANVIER 2025 : Photo envoyée depuis le bateau Tout Commence en Finistère - Armor Lux lors de la course à la voile du Vendée Globe le 29 janvier 2025. (Photo du skipper Jean Le Cam) Atlantique Nord

Rassurez-vous d’abord, si vous êtes obligés de zoomer autant sur la cartographie, ce n’est nullement un symptôme de presbytie. C’est en revanche le signe qu’aux Sables d’Olonne, on se prépare à des arrivées en série ! D’abord, c’est Romain Attanasio (Fortinet-Best Western, 14e) qui est attendu ce dimanche 2 février pour un atelier dégustation de côte de bœuf, arrosé, nous ne sommes pas sommeliers mais on l’imagine volontiers, d’un soupçon de champagne pour l’occasion. Ensuite, dans la foulée, ce sera au tour de Yannick Bestaven (Maître CoQ V) de remonter le mythique chenal. Hors course depuis son abandon début janvier, le vainqueur de l’édition 2020 n’en est pas pour autant resté hors du combat, lui qui a préféré retrouver seul son IMOCA pour rallier Port Olonna. 

« ça met une intensité de malade ! »

Mais derrière, le jeu reste encore très ouvert ! Quatre bateaux semblent s’être donnés rendez-vous pour un golf (de Gascogne), et essaient tous de rester pleine balle. Si Damien Seguin (Groupe APICIL, 15e) est en position favorable, les autres n’ont pas dit leurs derniers mots, à commencer par Alan Roura sur Hublot (16e) : 


Ce finish, il est à la hauteur de ce Vendée Globe, un tour du monde intense et passionnant. On ferait un tour de Belle-île en IMOCA qu’on n’arriverait peut-être même pas aussi groupés, c’est juste dingue, ça met une intensité de malade ! J’ai envie de bien faire, et ça demande d’être dessus tout le temps. Il peut se passer encore plein de choses, et la différence c’est l’amour qu’on y met !

Alan Roura
HUBLOT

Lui en a à revendre, le petit Suisse au grand cœur en passe de boucler son troisième tour du monde d’affilée. Privé de système de détection des autres bateaux, il devra toutefois rester extrêmement vigilant dans les prochaines heures pour éviter le trafic qui va se renforcer à mesure que les côtes vont se rapprocher. Une veille visuelle permanente qui l’empêche d’envisager de vraies phases de sommeil, mais l’expérimenté marin ne s’en plaint même pas !


L’intensité, elle fait oublier la fatigue. Ce qui me fait tenir c’est vraiment de mettre en sécurité mon bateau. Des fois, j’ai des petits moments de faiblesse comme là tout à l’heure j’étais en train d’écouter de la musique, je me suis endormi 5 minutes, mais c’était 5 minutes de trop. Mon réveil ne sert plus à rien, son bruit est tellement intégré dans ma tête que je ne l’entends plus, donc je fais sans réveil et ça depuis un bout de temps ! Mais j’en ai encore sous le capot !

Alan Roura
HUBLOT

Il faudra en effet lâcher les chevaux pour tenir dans son tableau arrière le binôme d’énervés composé par Benjamin Ferré (Monnoyeur – Duo For a Job, 17e) et Tanguy Le Turquais (Lazare, 18e), dont les bateaux à dérives droites pourraient se retrouver avantagés si le vent venait à tomber. Et un retour de la cavalerie, menée par Isabelle Joschke (MACSF, 19e), ne serait pas non plus à exclure alors… 

« La mer m’a bien embrassé aujourd’hui »

Plus au Sud, Antoine Cornic a atteint lui les alizés, à défaut de la paix intérieure. Dans un bref message nocturne, il racontait en baver dans une « mer démontée » et du vent établi à 34 nœuds :


Tout souffre. Le bonhomme, le bateau, c’est pas simple, et c’est rempli de sargasses, et mes safrans ne sont pas relevables donc j’en traîne un max, ça force sur le pilote. Cette entrée en Atlantique Nord, elle n’est pas si simple que ça ! La mer m’a bien embrassé aujourd’hui, alors je vous embrasse aussi.

Antoine Cornic
HUMAN IMMOBILIER

De l’amour, ils en ont décidément à revendre, nos marins au cœur tendre. Sauf dans la pétole. Là, on n’a plus franchement d’humour, même quand on est belge et qu’on s’appelle Denis Van Weynbergh (D’Ieteren Group, 34e). Ce fut un sale samedi pour l’amateur très éclairé, surpris par tant d’imprévisibilité dans le fameux front froid du cabo Frio, qui oblige à « remettre tout le temps l’ouvrage sur le métier » : 


Cet après-midi j’ai eu des grains jusqu’à 45 nœuds, puis j’ai eu de la pétole, puis là maintenant j’ai du vent qui vient du Sud alors que je devrais en avoir du Nord, alors j’essaie de faire de l’Est… C’est très usant, très compliqué. Ma vie à bord pendant la pétole c’est beaucoup de réglages, prendre la barre parfois, quelques pétages de plomb aussi parce que ça t’énerve ! Ca c’est la vie à bord quand il y a de la pétole… On a eu une phase avant-hier, une hier, une aujourd’hui, j’imagine qu’il y en aura une demain voire après-demain. En fait quand il n’y a pas de vent c’est là où on bosse le plus !

Denis Van Weynbergh
D'IETEREN GROUP

Alors voilà, « il faut vraiment y aller à la sueur du front et des tripes et des larmes, c’est parfois un peu compliqué ! », nous avoue Denis Van Weynbergh dans son message vespéral. S'il dit ne pas regarder ses camarades de devant mais essayer de « faire son petit bonhomme de chemin »,, il y trouverait tout de même peut-être une petite consolation. Car ces derniers jours, la lanterne rouge n'a cessé de grappiller les milles sur Manuel Cousin (Coup de Pouce, 32e) et Fabrice Amédéo (Nexans-Wewise, 33e). 

Pas une victoire en soi quand le principal combat est mené contre soi, mais cela permet au moins de réaliser que la galère dans laquelle il vogue, au moins, avance en équipage. Et que chacun y fait du mieux qu'il peut, en attendant de nouveaux cieux. « J'suis pas dans l'vent des guignols, De ces joueurs en fond de court, De ceux qui, pour un p'tit bout d'atoll, Sont prêts à larguer les amours, chantait Zazie. L'erreur est humaine. Soyons Zen. »


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