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Tanguy de Lamotte : « Comme sur un tapis volant »

  Après deux semaines de vacances bien méritées, Tanguy de Lamotte est de retour aux affaires. Un mois après avoir bouclé son premier Vendée Globe, le skipper d’Initiatives-cœur livre son ressenti et évoque son programme à moyen et long terme.

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© JEAN MARIE LIOT / DPPI

Tanguy de Lamotte, un peu plus d’un mois après avoir bouclé le Vendée Globe, comment vous sentez-vous ?
Je suis parti deux semaines en vacances au Sri Lanka donc je me sens bien. J’ai eu le temps de me reposer et de penser à autre chose que le Vendée Globe parce qu’on ne pense qu’à ça depuis un an ! C’est une course qui prend beaucoup d’énergie, qui occupe beaucoup la tête et qui demande beaucoup. Ça m’a fait du bien de penser à autre chose. Je suis rentré de vacances lundi, je suis retourné un peu à Lorient, j’ai pu poser les pieds chez moi rapidement parce que là, je suis de nouveau parti. J’ai passé deux jours à Lorient et puis je repars en vadrouille au Mans, à Paris, puis Belfort. Ensuite je vais à Hendaye puis de nouveau au Mans, je repasse à Paris… Pendant quinze jours, je vais être un peu nulle part mais après, j’espère quand même pouvoir me poser un peu chez moi. Un projet comme ça, il faut le boucler aussi donc là je vais voir mes partenaires. On va faire des bilans, mais aussi des plans.

Arrivez-vous à réaliser ce que vous avez fait ?
Je réalise un petit peu plus que j’ai fait le Vendée Globe, celui qui se termine par la ligne d’arrivée et le chenal… Mais ça ne se termine pas vraiment là ; il y a toute la suite à gérer, sur un rythme assez intense. On reste dans le côté extrême de la course, il n’y a pas eu de transition, les sollicitations se sont enchaînées. C’est un autre marathon auquel je n’étais pas forcément préparé. Ce n’est pas désagréable mais c’est quand même fatigant.

© OLIVIER BLANCHET / DPPI / Vendée Globe

Toutes ces sollicitations médiatiques vous ont-elles surpris ?
Je ne pensais pas que ça prendrait autant de temps, que je ferais autant de plateaux télé.

Y a-t-il une émission qui vous a plus spécialement marqué ?
La première que j’ai faite était « Le Petit Journal » (Canal+) donc ça m’a forcément marqué. Le lendemain de mon arrivée, j’étais dans la voiture pour aller à Paris et le soir j’étais dans les studios de Canal. En plus c’est une émission qui est très regardée. J’avais encore la barbe, j’avais vraiment l’impression de descendre du bateau.

L’après course est-il délicat à gérer ?
Dès que j’ai passé la ligne d’arrivée, je ne me suis presque plus occupé du bateau et ça fait bizarre. Ça faisait 100 jours que je ne pensais qu’au bateau et d’une seconde à l’autre, j’ai lâché la barre, les gars ont pris le bateau en mains et moi je me suis laissé faire. A l’arrivée, on se laisse guider, on est un peu comme sur un tapis volant.

 

« Nao aussi avait besoin de recharger les batteries »

 

© Tanguy de Lamotte / Initiatives-Coeur

Arrivez-vous à bien vous remémorer votre parcours ?
A l’arrivée, tous les souvenirs sont des souvenirs de surface. Mais là, depuis quinze jours, j’ai eu le temps de penser à d’autres petits détails. Puis avec les bonus avec Nao, il y a des images que je n’ai pas forcément revues qui ressortent donc on creuse les souvenirs de la course et c’est plus sympa. Ça fait du bien d’avoir fait une coupure et de sortir un peu la tête du Vendée Globe pour en parler différemment.

Avez-vous retrouvé un rythme de vie normal ?
Au niveau du sommeil, il n’y a que la première nuit où je me suis retourné dans mon lit mais je ne sais pas si c’était à cause du fait d’avoir dormi longtemps ou d’avoir fait la fête (rires). Après, j’ai très bien dormi et j’ai bien récupéré pendant les vacances. J’ai recommencé à faire un peu de sport, j’ai commencé à courir un petit peu. J’étais au Sri Lanka donc il faisait assez chaud, ce n’était pas possible de courir très longtemps et il y a plein de chiens sauvages. J’ai même hésité à aller courir la nuit (rires).

Et Nao, comment va-t-il ?
Ça va, ça va. Là, j’en ai un avec moi justement ! Il y en avait plusieurs (sourire). Je ne l’ai pas ressorti de la boîte depuis mon passage au « Petit Journal ». On l’a rendu, ils ont regardé un petit peu comment il avait vieilli. Ils l’ont un peu utilisé chez Initiatives pour faire deux ou trois images et puis on va voir les gens de chez Nao à Paris bientôt. Je ne me trimballe pas avec parce que c’est encombrant mais je pense qu’il va bien. Lui aussi avait besoin de recharger les batteries (rires).

Où en est le bateau ?
Il est en chantier à Lorient. On a analysé les dégâts sur la dérive et le safran, on a démonté tout ça, on a démâté et déquillé le bateau. On commence à le réparer. Il n’y a pas grand-chose à faire mais il faut quand même s’occuper de la dérive et du safran. Et puis sur le mât il y a deux ou trois petites bricoles à faire. Ce sont des pièces d’usure qu’il va falloir vérifier. Normalement, le bateau devrait être remis à l’eau en début de saison pour le Grand Prix Guyader à Douarnenez (ndlr : 3-12 mai). On attend encore des réponses des usineurs qui vont faire des pièces et ça va prendre un peu de temps. Une fois qu’on en saura plus on verra si on peut ou non participer à cette course-là mais l’idée c’est d’y être pour naviguer avec des invités du groupe Initiatives. Ensuite, on va décider dans les jours à venir si je fais la Transat Jacques Vabre (ndlr : départ le 3 novembre) ou non, et avec qui je la fais. A priori, ça en prend le chemin et derrière on verra l’énergie et l’envie dont chacun dispose pour se relancer dans un projet sur plusieurs années.

Donc il n’est pas question de revendre le bateau à l’heure actuelle ?
Non. Pour ce qui est de la Jacques Vabre, c’est avec ce bateau-là et après c’est assez ouvert. On réfléchit à la façon dont on pourrait procéder pour être sur le prochain Vendée Globe.

 

« Quand on vient de terminer le Vendée Globe, on ne pense plus qu’à ça »

 

© JEAN MARIE LIOT / DPPI

Le Vendée Globe 2016 est donc un objectif ?
J’ai besoin de reprendre un peu d’énergie avant de me dire que je suis capable de repartir. Mais je me dis que dans quelques mois j’aurai de nouveau l’envie de le faire. C’est quelque chose dont on parle avec mon partenaire mais j’ai quelques trucs à caler dans ma vie privée, dans ma maison et j’ai surtout besoin de récupérer de l’énergie avant de repartir là dedans. Pour l’instant je n’en ai pas la force mais je sais que c’est un truc qui va revenir. Ce sont des choses qui usent et pour bien les faire, il faut être sûr de vouloir les faire, pas simplement d’en être capable.

Envisagez-vous de faire construire un bateau afin d’être plus compétitif en 2016 ?
On en discute mais il y a plusieurs solutions. Je peux garder le même bateau et refaire la même chose ; ça ne m’intéresse pas forcément. L’autre extrême est de construire un bateau neuf. Je discute avec Franck Vallée, le directeur d’Initiatives, et il a certaines limites. Il a la possibilité, a priori, de mettre en place un nouveau projet pour faire le Vendée Globe mais peut-être pas au niveau de celui de Macif. Pour l’instant, on est encore en train d’écrire les bilans et de voir combien celui-ci a réellement coûté mais forcément, quand on vient de terminer le Vendée Globe, on ne pense plus qu’à ça.

Est-il possible que vous participiez à la Transat Jacques Vabre avec Alessandro Di Benedetto ?
C’est une idée qui est sortie lors de la soirée de son arrivée. Pour l’instant, on n’a pas encore trop avancé mais on n’a pas pris cette direction-là. Ce n’est pas exclu mais ce n’est pas l’option numéro 1.

Quel bilan tirez-vous de ce Vendée Globe pour la classe IMOCA ?
Le Vendée Globe est une course dans laquelle il y a beaucoup d’abandons. Il y aura toujours des casses matérielles, on ne pourra pas faire des bateaux incassables. Ce Vendée Globe a démontré une chose, c’est que des projets comme celui d’Alessandro ou le mien font tout autant rêver le public qu’un duel entre François Gabart et Armel Le Cléac’h. La diversité est importante. Il faut rester sur une classe diversifiée avec des gens qui viennent d’horizons différents et qui racontent des choses différentes. Les gens qui sont intéressés par l’aspect stratégique de la course seront satisfaits, tout comme ceux qui veulent suivre une aventure, rigoler avec Jean Le Cam ou philosopher avec Dominique Wavre. Il y en a pour tout le monde et je pense que c’est bien.

 

« Perdre des quilles et des mâts c’est très embêtant, mais c’est inévitable »

 

© Tanguy de Lamotte / Initiatives-Coeur

La monotypie ne serait donc pas une bonne idée selon vous ?
Je suis contre la monotypie, c’est évident. Sur des projets monotypes, mon projet, comme ceux d’Alessandro et de Bertrand de Broc, ne pourraient pas exister. Il y aurait moins de diversité sur le Vendée Globe donc ce serait moins intéressant pour le public. Et si tout le monde termine le Vendée Globe, ça deviendra une course comme les autres. Il n’y aura plus que les skippers qui feront la différence et je ne pense pas que ce soit le plus intéressant pour le public. Le Vendée Globe perdra de sa valeur si tout le monde arrive au bout. Malheureusement c’est comme ça. En plus, la monotypie ne serait pas intéressante techniquement pour les gens comme moi (ndlr : Tanguy de Lamotte est architecte naval) ou comme ceux qui font de l’accastillage, qui font des voiles, etc.

Sans aller jusqu’à la monotypie, pensez-vous qu’il serait nécessaire d’avoir une jauge plus restrictive sur certains points de sécurité par exemple ?
Oui, il faut toujours continuer à progresser. Sur les pompes d’assèchement, sur les moyens de détecter des objets flottants, il y a plein de choses qui peuvent évoluer et sur lesquelles chaque Vendée Globe apporte de nouveaux enseignements. Il faut à chaque fois les intégrer dans la jauge, ce que l’IMOCA fait depuis des années. Après 1996, il y a eu un gros travail de sécurité et il faut continuer à le faire. De ce côté-là, je pense qu’il y a des gens très compétents à la classe qui donnent du temps, qui font les choses bien afin que les bateaux soient de plus en plus « safe » (ndlr : sécurisés, sûrs). C’est certain que perdre des quilles et des mâts c’est très embêtant, mais c’est inévitable. On peut éventuellement standardiser les quilles mais ce n’est pas évident sur les bateaux qui existent à l’heure actuelle. L’idée est de faire des bateaux plus fiables mais si la fiabilité va à l’encontre de la performance, certains ne voudront pas le faire donc ça risque d’être compliqué à mettre en place.

Grégoire Duhourcau


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