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Sur une ligne de crête

Ils avaient prévenu : une fois cueillis par la petite dépression secondaire en provenance de Rio de Janeiro, leurs compteurs allaient très probablement s’affoler. Ils n’ont, de fait, pas cessé de dynamiter le record des 24 heures en solitaire et en monocoque la nuit dernière. Tour à tour, Thomas Ruyant (VULNERABLE), Nicolas Lunven (Holcim – PRB), Charlie Dalin (MACIF Santé Prévoyance), Sébastien Simon (Groupe Dubreuil), Jérémie Beyou (Charal) et Yoann Richomme ont fait perdre la boule aux accros de la carto. Avec un total de 579,86 milles engloutis entre le pointage de 3 heures hier et celui de la même heure aujourd’hui, le skipper de PAPREC ARKÉA a finalement réalisé la plus belle performance, conservant ainsi son bien, mais comme les autres, ce qui l’intéresse plus que tout autre chose en ce moment, c’est de rester accroché le plus longtemps possible à la zone fermée de basses pressions atmosphériques qui l’accompagne actuellement. Une zone qui se fait de plus en plus étroite et qui oblige les marins du groupe de tête à marcher sur une ligne de crête avec la crainte, à tout moment, de tomber d’un côté ou de l’autre… et de dévisser.

25 NOVEMBRE 2024 : Photo envoyée depuis le bateau La Mie Caline lors de la course à la voile du Vendée Globe, le 25 novembre 2024. (Photo du skipper Arnaud Boissières)
25 NOVEMBRE 2024 : Photo envoyée depuis le bateau La Mie Caline lors de la course à la voile du Vendée Globe, le 25 novembre 2024. (Photo du skipper Arnaud Boissières)

« Ça s’étire par devant. Un peu comme dans la vie, les riches deviennent plus riches ! », a résumé Romain Attanasio (Fortinet – Best Western) lors de la vacation officielle. En tête de flotte Charlie Dalin et Thomas Ruyant creusent doucement mais sûrement l’écart sur leurs poursuivants, tant et si bien que le groupe des dix premiers qui se tenaient en une soixantaine de milles à hauteur de Fernando de Noronha s’étirent désormais sur près de cinq fois plus de distance. « Il faut réussir à accepter le fait que les premiers vont plus vite parce qu’ils ont de meilleures conditions, même si ça ne fait pas plaisir de les voir gagner un peu plus à chaque pointage », a relaté Damien Seguin (Groupe APICIL), aujourd’hui pointé à la 17e place, à 545 milles du leader. « Compte tenu de la situation météo, ce n’est pas une position facile à tenir. Il faut un peu serrer les fesses car on évolue dans un couloir de vent très étroit et c’est encore plus vrai pour les gens qui, comme moi, sont situés en queue de peloton. On est vraiment sur quelque chose d’assez fin. Il suffit que le scénario météo bouge un peu pour que l’on se retrouve piégés dans des vents beaucoup plus faibles. Il y a malgré tout une petite part de chance au milieu de tout ça », a commenté le double champion paralympique avec cette drôle d’impression d’évoluer sur une ligne de crête à la fois aérienne et exposée, sans aucun point d’ancrage. « J’essaie de m’accrocher, de bien faire marcher le bateau sans prendre trop de risques non plus », a ajouté le navigateur.

Un système peut en cacher un autre

Même stratégie pour Romain Attanasio. « Je fais en sorte de rester le plus longtemps possible dans cette dépression. Ce n’est pas évident de suivre sa trajectoire. Le jeu du moment, c’est de la « faufilade » ! Au vent, ça a l’air d’être de la molle et en dessous on ne sait pas trop, ce qui fait qu’on n’a pas trop envie d’y mettre les pieds », a précisé le skipper de Fortinet – Best Western pourtant un habitué de la montagne, mais pas tellement rassuré de progresser de la sorte. Il bénéficie toutefois d’un relais assez solide car s’il va, comme beaucoup, se faire lâcher petit à petit par la fameuse dépression, il va profiter d’un « plan B », en l’occurrence l’arrivée d’une autre petite dépression juste derrière. « L’anticyclone de Sainte-Hélène se reforme et va vite passer devant nous. On ne va donc pas se retrouver piégé au milieu », a détaillé Romain qui devrait, autrement dit, simplement faire une petite escale dans une zone de transition puis monter ensuite dans un nouveau train. Une situation, certes, moins parfaite que celle des premiers, mais tout de même assez favorable. Plus, en tous les cas, que celle de l’autre moitié du peloton emmenée par Jean Le Cam (Tout Commence en Finistère – Armor-lux) qui ne va, pour sa part, pas avoir d’autre choix que de faire le tour de la zone de hautes pressions.

« Comme un lionceau dans la savane »

« On se retrouve aujourd’hui dans une situation assez « classique ». Ces prochaines jours, on va évoluer au près dans du vent assez mou mais en fin de semaine il va y avoir une petite dépression un peu technique à choper. Je pense qu’à ce moment-là, on va pouvoir se refaire la fraise si on navigue bien », a promis Benjamin Ferré qui commence à sentir le temps long propre à la course. « A ce stade de la course, on devient un peu animal. Comme on commence à ne plus du tout savoir depuis combien de jours on est parti, on se cale sur le soleil. Pour ma part, je me sens comme un lionceau dans la savane : en journée, comme il fait chaud, je fais des siestes . La nuit, je vais chasser et je me nourris », a terminé le skipper de Monnoyeur – Duo for a Job). Preuve que cette fois, le rythme circadien a définitivement pris le pas sur le cycle nycthéméral chez les marins !


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