« Je suis ce que je suis grâce à cette quête de Vendée Globe », dit Sam Goodchild qui a découvert l’épreuve en 2004 et qui n’a, depuis, jamais cessé d’orienter ses choix de carrière pour se rapprocher de son but. Le Britannique a, de fait, multiplié les expériences sur une multitude de supports (Figaro Beneteau, Class40, Ultim, Ocean Fifty…) et frayé son chemin sans jamais se détourner de son objectif jusqu’à ce qu’il trouve le cadre idéal pour mener son projet, début 2023, en rejoignant l’équipe de TR Racing, aux côtés de Thomas Ruyant. Dès lors, il termine sur le podium de l’ensemble des courses auxquelles il participe (Guyader - Bermudes 1000 Race, Rolex Fastnet Race, Transat Jacques Vabre et Retour à la Base), tant et si bien qu’il remporte le titre des IMOCA Globe Series la même année. Victime d’un démâtage dans la New York Vendée – Les Sables d’Olonne en juin dernier, le skipper de VULNERABLE accuse un peu le coup mais rebondi vite et bien et reprend le cours de sa préparation plus déterminé que jamais. Il est désormais fin prêt à réaliser son premier tour du monde en solitaire. Pragmatique, dur au mal et talentueux, il dispose indiscutablement de tous les atouts pour jouer dans le haut du tableau et bousculer les plus grands favoris.
Sam Goodchild : « mon rôle est de bousculer les favoris »
PAROLES DE SKIPPER (40/40). Touche-à-tout du large, le Britannique a multiplié les supports et les challenges avant de se lancer dans le grand bain de l'IMOCA. À bord de l'ancien bateau de Thomas Ruyant, il s'est affirmé comme un des hommes forts de cette édition. Au point de s'imposer dès sa première participation ? Affaire à suivre.
Vendée Globe :
Le Vendée Globe est un rêve de longue date pour toi. Un objectif pour lequel tu as véritablement toujours orienté tes choix de carrière. Que représente donc le fait d’être au départ aujourd’hui ?
C’est effectivement quelque chose que je vise depuis assez longtemps. Depuis que je l’ai découvert, en 2004. C’est génial d’y être aujourd'hui. J’ai envie d’en profiter à fond. Je suis très content d’être là. Ce qui me fait rêver, c’est l’aventure, le défi que ça représente de faire un tour du monde en solitaire sur un bateau. Il y a bien sûr également l’aspect compétition qui me plaît car essayer de le faire plus vite que les copains, c’est forcément stimulant. J’avoue que pour moi, tout ça est un peu fou, sûrement aussi parce que la première fois que j’ai émis l’idée de faire la course, on m’avait répondu que c’était trop grand, trop ambitieux et sans doute impossible. En même temps, je connais peu d’ados de 15 ans qui ont envie de faire ça et à qui les parents disent « Oui, vas-y, ça va se faire les doigts dans le nez ! » (Rires)
Vendée Globe :
La première fois que tu y as « gouté », c’était en 2008. Tu es alors préparateur de Mike Golding…
Ce qui est incroyable, c’est qu’en 2004, le Vendée Globe me semblait loin et improbable et que, quatre ans plus tard, je me retrouve effectivement sur le bateau de Mike, dans le chenal des Sables d’Olonne, pour l’accompagner jusqu’à la ligne de départ avec son équipe. Ça reste une expérience très forte. Cette fois-ci, c’est mon tour. Je savais que j’avais envie de faire le Vendée Globe, que j’allais tout donner pour y parvenir, mais je ne savais pas comment ni quand. Ça m’a pris un petit peu de temps mais j’y suis ! J’ai du mal à réaliser que, contrairement à il y a seize ans, ce n’est pas moi qui vais revenir au port le soir du jour J et que je vais enfin vivre cette expérience à laquelle j’aspire depuis si longtemps ! D’une manière générale, les départs de course ne sont jamais des moments faciles. Je sais que celui-ci va être intense ++.
Vendée Globe :
En terminant systématiquement sur le podium des courses que tu as terminé depuis deux ans, tu t’es clairement affirmé comme l’un des outsiders XXL de cette 10e édition. Quelles sont tes ambitions ?
J’ai envie d’être fier de ce que j’ai fait à l’arrivée. J’ai envie que les membres de l’équipe, qui ont bossé comme des fous depuis des années sur le bateau, soient fiers, eux aussi. Je suis effectivement un outsider et mon rôle est donc de bousculer les favoris. On verra ce que ça donne mais j’essaie de ne pas laisser mes ambitions de résultat prendre trop de place. En premier lieu, il va falloir finir et donc ne pas exploser en vol avant.
Vendée Globe :
Figaro, Ultim, Class40, Ocean Fifty… tu as touché un peu à tout ces dernières années et sur une multitude de formats. On imagine que ces différentes expériences te seront précieuses pour ce premier tour du monde en solitaire…
C’est sûr que depuis vingt ans, même si je n’ai encore jamais fait le Vendée Globe et que je n’ai pas forcément énormément navigué en solitaire et en IMOCA, j’ai eu de nombreuses opportunités pour régater sur différents bateaux et avec différentes personnes. J’ai appris plein de choses et cela a contribué à ma préparation. Je ne minimise cependant pas ce qui m’attend. Faire le tour de la planète tout seul, ce n’est pas rien. J’ai essayé de me préparer à cette échéance au mieux. J’ai glané des conseils auprès de gens qui l’ont déjà fait. Maintenant, à moi de faire ma petite sauce et de voir comment je vais vivre ça.
Vendée Globe :
Qu’appréhendes-tu le plus ?
La première chose, c’est la solitude. Que-ce que ça veut dire être tout seul pendant trois mois ? Aujourd’hui, je ne sais pas. La seconde, c’est de ne pas réussir à placer le curseur au bon endroit pour être performant mais aussi pour être capable de finir. On a fait des sprints, comme des transats, qui m’ont permis de voir que j’étais capable de faire avancer vite le bateau. Là, il va falloir que je sois capable de le faire dans une durée nettement plus importante. On dit qu’un tour du monde, c’est une emmerde par jour mais quelle sorte d’emmerde ? Il y a beaucoup d’inconnues et d’incertitudes même si j’ai eu la chance, quand même, d’avoir fait quasiment toutes les étapes de The Ocean Race (en 2014-2015 à bord de Mapfre puis en 2021-2022 à bord de Holcim - PRB, ndlr). Une chose est sûre en tous les cas : ce qui m’excite et me motive, c’est la régate.
Vendée Globe :
Ton bateau est l’ex LinkedOut de Thomas Ruyant. Qu’as-tu fait pour le mettre à « ta patte » ?
Depuis que je l’ai récupéré, il n’a pas subi de grosses évolutions. Avec l’équipe, on a cherché avant tout à le fiabiliser pour faire les choses correctement et maximiser l’outil. On a aussi fait en sorte de l’améliorer sur le plan ergonomique et en termes de confort. Au final, on a bossé sur une foule de détails qui font qu’aujourd’hui à bord c’est plus chez moi que chez quelqu’un d’autre.
Vendée Globe :
Certains évoquent ton pragmatisme. Selon toi, qu’est-ce qui fait ta force ?
C’est précisément de ne pas avoir une force en particulier mais d’être assez polyvalent. Je sais un peu tout faire sans être spécialiste nulle-part même si, avec l’accumulation des années, j’ai un peu l’expérience sur pas mal de dossiers. J’aime aussi être en mer. Il y a forcément des moments durs et des situations compliquées mais j’essaie toujours de profiter de tous les moments que je passe en mer et qui sont quand même assez exceptionnels.
Vendée Globe :
Quelle est la première image qui te vient à l’esprit à l’évocation du Vendée Globe ?
C’est une image des mers du Sud, avec des vagues sans fin et des albatros. Pour moi, c’est ce type d’image qui définit le Vendée Globe car c’est la partie la plus longue et la plus dure. Si je dois citer une image plus précise, c’est celle de Jean Le Cam, dont le bateau est à l’envers, qui se fait secourir par Vincent Riou au large du cap Horn, lors de l’édition 2008-2009. J’espère évidemment ne pas vivre ce type de situation !
Vendée Globe :
Ton plus beau souvenir de mer ?
C’est dur d’en choisir un plutôt qu’un autre mais si je ne dois en retenir qu’un, c’est un souvenir que j’ai à bord de Spindrift 2, lors d’un Trophée Jules Verne. Alors que l’on passait l’équateur, on a assisté à une éclipse de lune à laquelle on ne s’attendait pas. C’était assez impressionnant.
Vendée Globe :
Ton meilleur souvenir sur ce bateau ?
J’ai fait trois transats et plein d’autres courses avec lui. A bord, j’ai vécu plein de moments sympas avec plein de monde.
Vendée Globe :
Ton rêve le plus fou sur ce Vendée Globe ?
Le finir et être fier de ce que j’ai fait.
Vendée Globe :
Le marin qui t’inspire le plus ?
Loïck Peyron. Il dégage une énergie positive, à la fois forte et professionnelle. J’adore sa manière de voir et de faire les choses.
Vendée Globe :
Ce que tu fais quand tu ne fais pas de bateau ?
Du bateau, du kite… Je suis sur l’eau dans tous les cas ! Pour moi, naviguer, ce n’est pas juste un travail.
Vendée Globe :
L’objet qui t’accompagne toujours lorsque tu pars en mer ?
Un petit poney en plastique tout bête. Il appartient à ma fille et il ne me quitte pas depuis six ans.