Sam Goodchild : « J’ai pris énormément de plaisir »
Sam Goodchild, skipper de VULNERABLE, a bouclé son premier Vendée Globe avec une intensité mêlant émotion et adrénaline. À peine la ligne d’arrivée franchie ce samedi, il s’est retrouvé entouré de son équipe et d’une foule enthousiaste aux Sables d’Olonne, une transition saisissante pour celui qui, quelques heures plus tôt, naviguait encore seul en pleine mer. Cette aventure hors norme a mis en lumière la résilience exceptionnelle du marin britannique, notamment lorsqu’il a dû faire face à l’explosion de sa grand-voile à moins de 1 000 milles de l’arrivée. Ce coup dur aurait pu ruiner sa course, mais grâce à une réparation d’urgence réalisée dans des conditions extrêmes, il a poursuivi avec détermination et courage. Malgré cette épreuve, Sam termine son tour du monde avec une immense fierté. Dans cette interview, il revient sur les moments forts de sa course : la complexité de naviguer sur un bateau exigeant, les nombreux défis techniques et la satisfaction d’avoir accompli un rêve de 20 ans. Avec lucidité et une touche d’humour, il partage les leçons tirées de cette expérience marquante qui constitue un véritable tournant dans sa carrière.
Vendée Globe :
Comment vis-tu ce retour à terre ?
Je n’ai pas eu le temps de décompresser. Dès mon passage de la ligne, l’équipe technique est montée à bord, on n’a même pas affalé les voiles et on a directement visé le chenal. Je suis arrivé dans la foule, sur le ponton, et me voilà en conférence de presse, alors qu’il y a trois minutes, j’étais encore tout seul ! (Rires) Je suis dans l’adrénaline à 100% ! Je pense que je suis bien bien cramé mais que je ne m’en rends pas encore compte ! (Rires)
Vendée Globe :
Ces réparations de grand-voile ?
J’ai cassé ma grand-voile il y a environ une semaine. Je me suis immédiatement attelé à la réparer : j’ai recollé les deux morceaux, fixé des plaques avec des vis pour sécuriser les zones sous tension. Le plus dur, c’était les conditions météo. Les vagues remplissaient le cockpit d’eau et, par moments, le bateau partait dans de gros surfs avec des paquets de mer passant par-dessus le pont. Avec de la persévérance, peu de sommeil et des conseils depuis la terre, j’ai réussi. Je suis fier de cette réparation, car elle a tenu dans des conditions extrêmes, comme le passage du cap Finisterre avec 50 nœuds de vent et des empannages violents. Ça a été un vrai crash-test, mais ça a tenu !
Vendée Globe :
Comment as-tu adapté ta course ensuite ?
Au début, j’hésitais à solliciter la voile réparée, mais petit à petit, j’ai repris confiance. Aujourd’hui encore, je savais que même si ça cassait à nouveau, je pouvais finir. Alors, j’ai donné tout ce que j’avais, et ça a tenu.
Vendée Globe :
Cette avarie t’a peut-être coûté la 4ᵉ place. Comment l’encaisses-tu ?
C’est sûr que cela s’est produit au moment où je jouais le Top 5, mais avec du recul, je suis satisfait. Mon objectif de faire ce Vendée Globe est largement atteint. Cela fait 20 ans que je rêve de cette course, elle a façonné ma vie. C’est pour elle que j’habite en France, que j’ai une famille française… Tout tourne autour du Vendée Globe, c’est le fil conducteur de mon parcours. Alors perdre une place, ce n’est pas si grave par rapport à ce que cette aventure représente pour moi.
Vendée Globe :
Tu parlais de plaisir, mais cette course est très difficile. As-tu eu des moments de doute ?
Bien sûr, il y a eu des moments difficiles, mais "craquer", ce n’est pas mon genre. Et je ne me permettrais pas de me plaindre. Faire le Vendée Globe est un privilège. Se plaindre de naviguer autour du monde sur ces bateaux incroyables, c’est inimaginable pour moi. Mon objectif n’était pas seulement de boucler la course, mais aussi de m’amuser, de profiter de chaque instant. Quand c’était dur, je me rappelais tout le travail accompli pour en arriver là, et ça me redonnait de l’énergie.
Vendée Globe :
Cette expérience était-elle conforme à tes attentes ?
D’une certaine manière, oui. J’ai eu la chance d’avoir une excellente préparation, notamment avec The Ocean Race sur Holcim – PRB et sur l’Ultim Sodebo de Thomas Coville. Beaucoup de choses n’étaient donc pas complètement inconnues. Par contre, je ne m’attendais pas à prendre autant de plaisir. Je pensais que ce serait plus dur, plus long, plus monotone. Finalement, ça s’est très bien passé, sauf les trois derniers jours, où j’ai trouvé le temps un peu interminable. Je pense que ma préparation et mon envie d’en profiter ont beaucoup contribué à rendre cette expérience positive.
Vendée Globe :
Ton bateau n’est pas de dernière génération, et il est réputé dur et inconfortable. Comment as-tu géré ça ?
Mon bateau est loin d’être simple ou confortable. Il y a peu d’endroits où on peut vraiment se poser. Jusqu’à la dernière semaine, avec la casse et les conditions météo, j’arrivais à tenir le coup, mais maintenant, je suis dans un drôle d’état. Je crois que j’ai besoin d’un ostéo… et de faire un peu de yoga ! (Rires)
Vendée Globe :
Tu avais démâté en juin dernier - pratiquement où ta grand-voile a cassé d’ailleurs. Quel rebond !
Ce que j’ai trouvé le plus dur, ce sont les sujets techniques. Ces bateaux sont tellement complexes qu’il y a toujours des soucis, petits ou grands. Il faut constamment arbitrer : jusqu’où peut-on pousser le bateau ? Quand faut-il s’arrêter pour réparer ? Cette gestion technique permanente a été un vrai casse-tête. Parfois, je montais dans le mât juste pour vérifier que tout allait bien. C’est clairement ce que j’ai trouvé le plus éprouvant dans ce Vendée Globe.
Vendée Globe :
Tu disais vouloir bousculer les favoris. L’objectif est clairement atteint !
Complètement ! On était une dizaine d’outsiders capables de secouer les leaders. J’ai bien embêté Jérémie Beyou, donc je peux dire que je suis content de moi ! (Rires)