Pip Hare : « j'étais au plus bas et j'ai lutté »
Combative, la navigatrice de Medallia s’efforce de s’occuper l’esprit pour ne pas ressasser son démâtage survenu il y a trois jours. La Britannique cherche notamment à améliorer son gréement de fortune et s’attache à préparer son arrivée à Melbourne. Avec franchise et parfois un brin d’humour, elle revient sur cette épreuve.

Vendée Globe :
Avec un peu de recul, comment te sens-tu maintenant ?

Je vais très bien. Tout s'est passé en une fraction de seconde, juste une fraction de seconde. Le bateau a décollé, il a atterri et le bruit était différent. J’ai levé les yeux et j’ai vu que le mât était tombé. Tout a été si rapide ! Pendant les trois heures qui ont suivi, j'étais en mode automatique. Je me suis affairé à tout nettoyer, à mettre en place le gréement de fortune. J’ai navigué pendant trois heures et puis à un moment donné, j’ai réalisé ce qui s’était passé. Je n’étais pas bien, définitivement.
Vendée Globe :
Comment est-ce qu’on gère mentalement et physiquement une telle nouvelle ?
C’est forcément progressif. Toute la journée, j’ai été très occupée à essayer d’améliorer mon gréement. Mon petit frère m'a mis au défi de faire 10 nœuds avec un gréement de fortune, ce que je ne pense pas pouvoir faire. J’ai configuré mon tourmentin, j’ai tenté de bricoler pour avoir une autre voile… J’essaie de me tenir occupée. Et puis il y a beaucoup de choses à organiser pour l’arrivée en Australie. Là-bas, tant de gens m'ont offert leur aide et leur soutien et je vais être incroyablement accueillie. Par moment, je me sens vraiment abattue, je dois alors faire le point mais une partie de moi n’accepte pas. J’ai encore deux semaines pour réaliser.
Vendée Globe :
Il devrait y avoir beaucoup de personnes pour t’accueillir…
J’espère vraiment arriver entre Noël et le Nouvel An. Le pire serait d’arriver le 1er janvier quand tout le monde aura fait la fête !
Vendée Globe :
Comment se présente la météo dans les prochains jours ?
Hier (mardi), j’ai parcouru 130 milles en une journée et grâce aux réparations que j’ai faites, j’espère mettre le turbo. Le problème, c'est qu'un front va passer dans deux jours et qu'il y aura des vents de nord de 35 nœuds. J'espère que cela ne me ramènera pas à mon point de départ. Je veux absolument éviter d'être repoussée vers le Sud-Ouest. Normalement, à part un jour, je devrais avoir de la brise jusqu’au bout.
Vendée Globe :
Tu sembles toujours très motivée malgré les circonstances…
Oui, j’utilise toujours mon logiciel de routage. Je progresse à 12% de la polaire alors que le premier jour, j’en faisais 20%. Ma sélection de voile est assez facile pour l’instant ! Mais je serai complètement équipée quand j’arriverai à Melbourne !
Vendée Globe :
As-tu réfléchi à la manière de revenir en 2025 ?
Dans les 24 heures qui ont suivi le démâtage, j'étais au plus bas et j'ai lutté. J'ai eu du mal à penser à un retour, tout me semblait si difficile. Mais après ce que nous avons accompli ces six dernières années avec mon équipe, je ne suis pas prête à ce que ça s’arrête. J’ai une telle motivation et une telle passion pour ce sport ! Je veux être meilleure et faire mieux donc nous reviendrons en 2025 !
Vendée Globe :
À son arrivée au Cap, Szabolcs Weöres (New Europe) a déclaré que l’échec était le premier pas sur le chemin du retour...
Le mot échec est horrible et si je parle à un autre marin, je ne lui dirai jamais que c’est un échec. Mais par rapport à ce que j’espérais, par rapport à la façon dont la course se déroulait, c’est forcément très dur à vivre.
Vendée Globe :
Tu as reçu beaucoup de messages de solidarité de la part d'autres skippers ?
Oui, je suis toujours en contact avec un certain nombre d’entre eux. Je leur souhaite le meilleur, vraiment. J'espère qu’ils iront au bout. Benjamin et Romain m'ont envoyé des messages très gentils. Ensemble, nous faisions une course vraiment géniale. Ce sont des grands marins, j’étais très fière d’être à leurs côtés.