Paul Meilhat : « J’ai adoré être en compétition directe tout le temps »
Paul Meilhat, 5e de cette 10e édition du Vendée Globe, a bouclé la boucle avec éclat, laissant une impression durable par sa résilience et sa capacité à surmonter les défis les plus extrêmes. Depuis son arrivée en IMOCA en 2015, il s’est forgé une place de choix dans le monde de la course au large, enchaînant les performances de haut niveau, comme sa victoire sur la Route du Rhum en 2018 et son titre de Champion IMOCA en 2021. Ce succès au Vendée Globe revêt une saveur particulière pour le skipper de Biotherm, huit ans après une première tentative marquée par un abandon douloureux en plein Pacifique alors qu’il naviguait dans le trio de tête. Cette fois, il a tenu bon jusqu’à l’arrivée, affrontant les éléments, les imprévus techniques et l’usure physique avec une détermination sans faille. Chargée d’émotion, son arrivée aux Sables d’Olonne symbolise bien plus qu’un résultat : c’est l’aboutissement d’un projet de quatre ans et une consécration personnelle, marquée par un esprit combatif et une passion intacte pour cette course légendaire. Voici ses premiers mots.
Vendée Globe :
Que ressens-tu après cette arrivée et ces 74 jours de mer ?
C’est du bonheur, de la joie… Ce matin, j’ai eu un moment de tranquillité pour repenser à toute la course. Quelle émotion de retrouver des visages, des sourires ! Cela fait deux mois et demi que je n’avais vu personne en dehors des appels sur Ektacom ou WhatsApp !
Vendée Globe :
La compétition a été rude dès le départ, comment as-tu vécu cette course ?
Le début a été un peu laborieux. J’ai mis du temps à intégrer le Top 10. Je m’y attendais, car je naviguais avec de nouveaux foils et je n’avais pas encore toutes les clés pour les exploiter. J’ai appris. Je savais aussi que, sur la durée, j’avais des ressources, et c’est l’un de mes points forts. J’ai adoré la remontée de l’Atlantique, mais aussi le Sud, même si c’était incroyablement intense. Ce que j’ai aimé dans ce Vendée Globe, par rapport à ma première participation, c’est d’avoir toujours été en compétition directe avec d’autres skippers. C’était génial, vraiment génial ! J’ai adoré cette régate. On ne voit pas le temps passer, et pourtant, à la fin, on est complètement épuisé. Mais à aucun moment je ne me suis ennuyé ou demandé ce que je faisais là. J’ai tout donné, tout le temps. Comme tous les autres, j’ai eu mon lot de problèmes, mais dans le sport, on pousse toujours plus loin, on dépasse ses limites. Et quand ça passe, c’est juste incroyable.
Vendée Globe :
Que représente cette cinquième place pour toi ?
Ce qui est génial avec ce projet, c’est que nous l’avons monté de zéro, en construisant le bateau et en restant fidèles à la philosophie que nous nous étions fixée dès le départ. Pendant quatre ans, nous n’avons jamais dérogé à nos principes, et ça a payé.
Vendée Globe :
Un moment qui t’a particulièrement marqué ?
Je ne suis pas du genre exclusif, je n’ai pas de plat, de livre ou de film préféré. Et pour cette course, c’est pareil : chaque moment était unique et souvent difficile. Mais si je devais choisir, je crois que c’est le Sud qui restera gravé dans ma mémoire, surtout le Pacifique. Naviguer à 60° Sud, où il ne fait jamais nuit, dans une bataille intense, c’était incroyable. J’ai des souvenirs géniaux juste avant le cap Horn, au portant. C’était vraiment magnifique. Il y a eu tellement de beaux moments, mais aussi des instants très durs. Heureusement, on se motivait entre nous, en s’envoyant des messages, avec Sam, Nico, Boris… Dès qu’il y avait une galère, on se soutenait. C’était vraiment sympa. Une course n’a de valeur que grâce aux adversaires, et là, j’ai eu les meilleurs qu’on puisse imaginer : des multiples vainqueurs de la Solitaire du Figaro devant et derrière moi. C’est hallucinant ! Le niveau du Vendée Globe est devenu incroyable. C’est une régate planétaire de très haut niveau.
Vendée Globe :
Est-ce l’une des plus grandes joies sportives de ta carrière ?
Je ne sais pas. Quand on gagne une course, c’est autre chose. Là, je finis 5e, mais c’est sans doute l’une des plus grandes réussites globales de ma carrière. C’est surtout la consécration de quatre ans de travail acharné avec toute une équipe. Ce qui rend cette arrivée encore plus spéciale, c’est que je connais la douleur de l’abandon, que j’avais vécue il y a huit ans. Finir cette fois-ci, c’est une immense fierté. Cinquième, c’est exceptionnel. Le Vendée Globe rythme nos vies, un peu comme les Jeux Olympiques pour certains athlètes. Pendant quatre ans, on ne pense qu’à ça, on fait énormément de sacrifices. Aujourd’hui, je veux juste rendre ce que j’ai reçu, remercier tous ceux qui m’ont soutenu.
Vendée Globe :
Est-ce une aventure chargée en émotions ?
Oui, c’est une expérience pleine d’émotions. Sur nos bateaux, nous avons une liberté incroyable malgré un espace de vie réduit à 6 m². Pourtant, cette liberté s’accompagne d’une coupure totale avec le monde. Pour ma part, je m’étais volontairement isolé : pas de Starlink, pas de portable. Je ne communiquais qu’avec ma femme, mes enfants et mon équipe, rien de plus. C’était une manière pour moi de rester concentré sur ma course, car je savais que c’était ma force. Je m’autorisais juste à suivre un peu l’actualité sportive avec L’Équipe : j’ai regardé les résultats du rugby et appris que Donald Trump avait été élu, et c’est tout.
Vendée Globe :
Quelle sensation as-tu en retrouvant la terre ferme ?
Ça bouge autant que le bateau ! (Rires)