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Orages ô désespoir

“Allez viens, j’t’emmène au vent”, chantait Louise Attaque en 1997 avec force violons. Clairement, ce n’est pas la bande-son de cette cinquième nuit du Vendée Globe, qui a vu ses marins foncer tête baissée vers une vaste zone sans vent, ralentissant déjà les leaders, pendant que les grains orageux continuaient de jouer avec leurs nerfs.

14 NOVEMBRE 2024 : Photo envoyée depuis le bateau Medallia lors de la course à la voile du Vendée Globe le 14 novembre 2024. (Photo du skipper Pip Hare)
14 NOVEMBRE 2024 : Photo envoyée depuis le bateau Medallia lors de la course à la voile du Vendée Globe le 14 novembre 2024. (Photo du skipper Pip Hare)

Depuis plusieurs jours, ils le savent parfaitement : ils ont beau cavaler au-delà parfois du raisonnable, se bagarrer des heures durant pour gagner un quart de pouillème de mille sur leurs concurrents, battre même le record de vitesse sur 24 heures façon Nicolas Lunven (Holcim-PRB, 2e)... le résultat sera sans appel. Dans quelques heures tout au plus, ils n’auront plus de vent devant. Peu importe leur positionnement, ils vont tous s’arrêter, quasiment à égalité, comme si le premier départ n’avait pas été suffisant et qu’il fallait pimenter l’affrontement.

A quoi bon s’échiner, alors, nous direz-vous ? Et bien tous s’accrochent tout de même à cet espoir ténu que l’Atlantique, à défaut de leur ouvrir ses portes vers le Sud, respectera un tant soit peu l’ordre des choses, et des classements. Que les premiers à frapper de plein fouet ce mur sans vent seront aussi les premiers à le quitter. Que peut-être en se plaçant un peu plus à l’Ouest, ou à l’Est, ou en laissant la balle au centre tout en coupant la poire en deux, qui sait, on s’en sortira un peu mieux ?

C’est ce que doit espérer l’ancien leader Yoann Richomme (Paprec Arkea), désormais flashé à moins de 10 noeuds de moyenne sur les quatre dernières heures, et qui a vu revenir Louis Burton (Bureau Vallée, 8e) à 10 milles de son tableau arrière, et Justine Mettraux (Teamwork - Team SNEF, 7e) à 20 milles. L’avantage d’être deux, c’est que les VULNERABLE ont pour leur part pu encadrer le plan d’eau : à Sam Goodchild (1er) l’Est, à Thomas Ruyant (11e)  l’Ouest.

«  j’ai rarement navigué avec du vent aussi instable »

Un décalage occidental fait aussi par le skipper de Biotherm, Paul Meilhat, actuellement en 17e position, qui expliquait au petit matin :

 


La position plus à l’Ouest, j’ai l’impression que c’est là qu’il faut aller, mais je pensais qu’il y aurait beaucoup plus de bateaux à faire ce choix ! Je pense que la situation météo va être un peu plus favorable à l’Ouest, même si je pense en fait qu’il n’y a pas grand chose qui va être favorable… on est dans une situation météo qui est vraiment compliquée !

Paul Meilhat

Biotherm

Si l’ancien figariste habitué à l’exercice a conscience que beaucoup de choses vont se jouer « dans la capacité à aller vite dans le petit temps », il a aussi conscience qu’il y a dans ces conditions « toujours une petite part de réussite ! ». Son seul souhait ? « J’espère que ça ne va pas générer trop d’écarts si ça se passe pas très bien pour certains ! ».

En attendant cette épreuve de patience, les nerfs des marins sont déjà mis à rude épreuve par les conditions rencontrées dans la nuit. Car la dépression stationnaire, en plus de bloquer les alizés, génère des grains orageux particulièrement intenses. « On a quand même une instabilité du vent qui est incroyable, j’ai rarement navigué avec du vent aussi instable en force et direction », expliquait Paul Meilhat, qui en a pourtant vu passer. On a des grains et du coup on passe de 10 à 25 nœuds, donc on navigue très toilés mais c’est assez stressant. » Le marin de Biotherm, « très très fatigué », a d’ailleurs subi hier « un petit accident dans le cockpit, je suis tombé dans un départ au lof, j’ai pris un traversier de cockpit en latéral. Mais ça va, j’ai pas trop trop mal et surtout j’ai réussi à bien me reposer les dernières 24 heures. »

une emmerde par jour, moi j’ai bien attaqué le quota

Des grains qu'a rencontré à son tour cette nuit Louis Duc (Fives Group - Lanta Environnement), qui a connu ses premiers déboires dès le deuxième jour avec un de ses safrans. « Ce qu’on savait mais qu'on a oublié à un moment donné, et je suis pas le seul je crois,  c'est qu’il fallait faire un tour du monde ! On a continué d’attaquer et forcément quand t’attaques comme sur une transat, il y a des petits soucis qui peuvent arriver ! », s'amusait en fin de soirée le skipper normand, avant de reprendre le récit de ses misères.


Après l’histoire de mon safran, j’avais dans l’intention d’être très raisonnable mais j’avais perdu des milles sur tout le monde alors ça m’énervait donc j’ai attaqué un peu sous petit spi et il a dégagé par le bas. Bon, celui-là c’est réparable, donc je vais avoir un petit chantier couture d’ici quelques jours. Mais comme le petit était cassé, qu’est ce que j’ai fait ? Bah j’ai mis le grand ! Ca allait bien, j’allais plus vite encore ! Sauf qu’à un moment, les conditions c’était entre 18 et 32 nœuds, il y a eu une sortie de piste, et là le spi a explosé, je me suis retrouvé avec des morceaux dans tous les sens, ça m’a pris deux heures à larguer complet. J’ai la petite satisfaction de n’avoir rien laissé à la mer et d’avoir tout récupéré, ça je suis assez content !

Louis Duc

Fives Group - Lantana Environnement

D'ailleurs, hors de question pour le skipper de Fives Group - Lanta Environnement, actuellement 30e au classement, de se miner le moral, lui qui a  « pris un énorme plaisir aujourd'hui, avec le bateau qui glisse, des couleurs magnifiques, un coucher de soleil avec une pleine lune, et ça c’est des moments qu’on aime. » Serait-ce d'accomplir son rêve de Vendée Globe qui le rend aussi épicurien et sage ? 


Ce début du tour du monde, il est hyper intéressant parce que ça permet de voir tous les petits défauts pour avoir un bateau opérationnel pour les mers du Sud, c’est pas si mal que ça ! On dit une emmerde par jour, moi j’ai bien attaqué le quota ! Je pense que j’ai un peu de rab maintenant !

Louis Duc

Fives Group - Lantana Environnement

14 NOVEMBRE 2024 : Photo envoyée depuis le bateau Coup de Pouce lors de la course à la voile du Vendée Globe le 14 novembre 2024. (Photo du skipper Manuel Cousin)
14 NOVEMBRE 2024 : Photo envoyée depuis le bateau Coup de Pouce lors de la course à la voile du Vendée Globe le 14 novembre 2024. (Photo du skipper Manuel Cousin)

 « Je ne veux pas me brûler les ailes »

Mais si les premiers ont déjà commencé à ralentir, la queue de flotte, elle, est toujours sous l'effet du gros de la dépression. Après avoir passé l'île de Madère, où Maxime Sorel ( (VandB – Monbana – Mayenne) a pu se mettre en sécurité dans la soirée, Manu Cousin (Coup de Pouce) faisait part de conditions « très instables, avec du vent qui oscille entre 20 et 40 nœuds, il faut être dessus tout le temps, c’est assez fatiguant et on n’a pas beaucoup dormi depuis le départ ! » 

Lui qui a déjà un Vendée Globe d'expérience a préféré pour l'heure « faire le gros dos » pour préserver son bateau : 


La route est longue et je voulais vraiment pas prendre de risques ! Ma stratégie, c’est d’essayer d’y aller step by step, me donner des objectifs. Pas voir le Vendée Globe dans sa globalité parce que c’est assez abyssal, mais prendre les choses étape par étape et avancer tranquillement comme ça. Je ne veux pas me brûler les ailes, ça avait bien marché il y a quatre ans, donc il n’y a pas de raison que ça marche pas là ! En tous cas au niveau de la santé mentale ça va bien, il faut juste que je gère la fatigue.


Et la météo devrait pouvoir aider Manu Cousin à remonter au classement. « On devrait pouvoir échapper aux tentacules de cette dépression demain, le but pour moi c’est de recoller au petit peloton devant, et on donne tout en ce moment pour arriver à ça ! », se réjouissait le marin sablais. Premiers éléments de réponse sur l'ampleur de ce tassement de la flotte dans la journée ! 
 


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