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Maxime Sorel, vendredi noir

« Je ne peux pas continuer, j’abandonne mon deuxième Vendée Globe » a déclaré Maxime Sorel en début d’après-midi depuis Madère. Le skipper de V and B - Monbana - Mayenne a renoncé, accablé par une blessure à la cheville tenace et des problèmes de voile en pagaille. Premier à abandonner dans ce Vendée Globe, le Malouin devrait rapidement passer des radios pour constater l’étendue de sa blessure. Dans le même temps, la tête de course bute sur d’importantes zones sans vent. Résultat : la flotte se resserre et les quinze premiers skippers se tiennent en un peu plus de soixante milles.

LORIENT, FRANCE - 16 AVRIL 2024 : Le skipper du VandB - Monbana - Mayenne Maxime Sorel (FRA) à l'entraînement, le 16 avril 2024 au large de Lorient, France - Photo Maxime Falcone
LORIENT, FRANCE - 16 AVRIL 2024 : Le skipper du VandB - Monbana - Mayenne Maxime Sorel (FRA) à l'entraînement, le 16 avril 2024 au large de Lorient, France - Photo Maxime Falcone

Adepte de trails et de grands défis, Maxime Sorel est habitué à repousser ses limites. Sa destinée de sportif en est la parfaite illustration. L’ingénieur de formation a gravi les échelons de la course au large, est allé au bout d’un premier Vendée Globe (10e en 2020) avant de gravir le plus haut sommet du monde (2023). L’homme qui a donc conquis les deux Everest a ensuite retrouvé la motivation et le goût de la mer à bord d’un bateau qu’il avait façonné avec son équipe. Mais dans la foulée du départ, tout déraille. Les marins aiment rappeler qu’il s’agit d’un sport mécanique, que la malchance et les coups du sort peuvent s’immiscer partout, surtout là où on ne les attend pas. En mer aussi, les ennuis volent toujours en escadrille.

Le skipper de V and B – Monbana – Mayenne faisait le point hier matin : « j’ai eu un problème de gennaker la première nuit et un souci de grand-voile survenu la deuxième. La troisième, j’avais mon hook cassé et le chariot bloqué ». En plus, il y avait sa blessure à la cheville. Son pied s’était en effet bloqué alors qu’il était dans la bôme afin de réparer sa grand-voile. S’il sait qu’on « peut avoir plein de soucis techniques », Maxime était plus inquiet à propos de l’état de sa cheville qui enfle de jour en jour et qui l’inquiète alors. « La douleur est permanente, surtout quand je pose le pied sur une surface courbée ».

La douleur était encore un peu plus tenace ce matin, « au point d’avoir des difficultés à se déplacer à bord » de son bateau. Surtout Maxime reconnaît qu’il « est impossible de changer des portions de ce rail de grand-voile à trois mètres de haut, c’est un travail de chantier ». La décision d’abandonner semblait inéluctable. « J’ai donné tout ce que je pouvais », assure-t-il. Je vous laisse imaginer ma souffrance physique et mentale » Et ‘Max’ d’ajouter, comme une promesse pour l’avenir : « le positif malgré la trop grande frustration, c’est que cela va me booster pour la suite ». 


« Il est impossible de changer des portions de ce rail de grand-voile à trois mètres de haut, c’est un travail de chantier. J’ai donné tout ce que je pouvais. Je vous laisse imaginer ma souffrance physique et mentale. Le positif malgré la trop grande frustration, c’est que cela va me booster pour la suite ».

Maxime Sorel

V AND B - MONBANA - MAYENNE

En course, l’instabilité devient la norme



Pour le reste de la flotte, un ralentissement s’opère, la conséquence de grandes zones sans vent. Les skippers doivent trouver leur chemin en composant avec une forte instabilité, des rafales de vent, des grains qui obligent à une vigilance permanente. « On a une instabilité du vent qui est incroyable, j’ai rarement navigué avec du vent aussi instable en force et direction, expliquait ainsi Paul Meilhat qui parlait de changements de vitesse brutaux passant de 10 à 25 nœuds. L’instabilité a failli coûter cher à Benjamin Ferré (Monnoyeur - DUO for a JOB) dont le bateau est parti à l’abattée. « Je n’avais pas sécurisé ma contre-écoute, le bateau s’est couché du mauvais côté et je me suis dit que c’était fini, a-t-il confié. Il m’a fallu beaucoup de temps pour que tout revienne dans l’ordre. C’est mon premier gros avertissement. »  

Dans de telles conditions, certains en ont profité pour se rapprocher des hommes de tête. C’est le cas de Justine Mettraux (TeamWork-Team Snef ) qui a passé la nuit « à 30 nœuds sur une mer d’huile », côte-à-côte avec Boris Herrmann (Malizia-Seaexplorer). « On a gardé un peu de vent, ce n’était pas vraiment prévu comme ça mais ça fait du bien au moral », confie la Suissesse. Mais elle tient à préciser dans la foulée : « on a recollé mais la route est encore longue ».

À chacun sa façon d’aborder cette grande zone sans vent. Les skippers affûtent donc leurs armes et la bataille redouble d’intensité. Alors que les dix premiers se tenaient dans une soixantaine de milles ce matin, ils sont désormais quinze en ce milieu d’après-midi. Des marins ont réalisé une sacrée opération à l’instar de Giancarlo Pedote (Prysmian) qui fait une première apparition dans le ‘top 5’ ou de Clarisse Cremer (L’Occitane en Provence) pour la première fois dans le ‘top 10’. Cette bataille rangée se déroule dans un mouchoir de poche : près de 100 milles en latéral séparent ainsi les deux VULNERABLE, Thomas Ruyant à l’Ouest et Sam Goodchild à l’Est.


« Ça me fait plaisir de revenir, c’est bon pour le moral. Il va falloir être hyper opportunistes, abonde-t-elle. Finalement le plus reposant, c’est d’avancer dans du vent medium et stable à 15 nœuds. Quand il n’y a pas d’air, on doit être constamment sur les réglages et sur les voiles. »

Violette Dorange

DeVenir

L'option audacieuse de Jean Le Cam

Nombreux sont les marins à s’être ainsi rapprochés de la tête de course. Violette Dorange (Devenir) en fait partie. Elle était ce matin à la vacation : « ça me fait plaisir de revenir, c’est bon pour le moral, dit la benjamine de la course qui rivalise avec quelques foilers. Mais pour Violette et les autres, la suite est aussi un long chemin d’incertitude. « Il va falloir être hyper opportunistes, abonde-t-elle. Finalement le plus reposant, c’est d’avancer dans du vent medium et stable à 15 nœuds. Quand il n’y a pas d’air, on doit être constamment sur les réglages et sur les voiles. »

Jean Le Cam, lui, a choisi une option légèrement différente des autres en se rapprochant davantage des Canaries en tentant un coup. « Il essaie d’insister sur une route Est, ce qui est intéressant même s’il sera confronté à du vent faible aussi », précise Christian Dumard. Le principal intéressé, lui, précise : « ça devrait se calmer pour le groupe de l’Est, la situation n’est pas simple mais dans la vie, il faut oser, le doute doit faire partie de la performance ! »

La météo se stabilise pour  Szabolcs et Jingkun Xu

Chez ceux qui font face à quelques problèmes techniques, la situation est bien entendu à relativiser à l’heure où Maxime Sorel a dû abandonner. Conrad Colman (MS Amlin) fait ainsi route vers les Canaries, il aurait quelques réparations à faire après avoir affronté une ligne de grains la nuit dernière.  De son côté, Szabolcs Weöres (New Europe) continue à progresser et espère pouvoir réparer à proximité des Canaries. 

Le Hongrois sort progressivement de la dépression qui le concerne tout comme Jingkun Xu (Singchain Team Haikou) qui a expliqué à la vacation se réjouir que « la météo se stabilise ». Surtout, le skipper chinois s’est montré rassurant à propos de sa cheville, lui qui avait reçu un choc le premier jour. « Je continue à prendre un traitement mais ça va beaucoup mieux. J’ai l’impression que c’est derrière moi ! »

Des petits bonheurs partout, malgré tout 

Jingkun Xu ne cache pas son plaisir d’être en mer. « J’essaie de profiter de tout, confie-t-il. Chaque jour me rend heureux ! » Les skippers ont été nombreux à profiter de petits bonheurs à bord. Jean Le Cam, l’humeur rieur, parle de Jean, la peluche du film « La Vallée des fous* » qu’il a embarqué. « « Elle me parle, me dit ‘tu as bien mangé ?’ ‘Oh oui, j’ai bien mangé », confie-t-il hilare. Le bonheur se décline dans une manœuvre réussie chez Violette Dorange (Devenir), « une sieste et un rêve » chez Boris Herrmann (Malizia-Seaexplorer), une part de clafoutis « préparé par ma maman » pour Thomas Ruyant (VULNERABLE), un pamplemousse pour Tanguy Le Turquais (Lazare), un poisson-volant vu par Louis Burton (Bureau Vallée) ou encore un lever de soleil immortalisé par Éric Bellion (STAND AS ONE). Des moments de joie pour retrouver le sourire, un peu, alors que l’un des leurs a dû renoncer à cette aventure.

 

*Film, en salle depuis mercredi, qui raconte l’histoire d’un homme qui fait le Vendée Globe dans son jardin, sur Virtual Regatta et dans lequel Jean Le Cam fait une apparition.


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