Maxime Sorel : « Réussir à être dans l’acceptation »
PAROLES DE SKIPPER (29/40). Aller toujours plus haut, toujours plus loin : tel est le crédo de Maxime Sorel. Le Bretillien, ingénieur en génie civil de formation, n’aime en effet rien de plus que défier ses limites. S’il l’a prouvé lors de son premier Vendée Globe il y a quatre ans en terminant à une belle 10e place, puis confirmé lors de son ascension de l’Everest en mai dernier ou lors de la CCC de l’Ultra Trail du Mont Blanc cet été, il compte bien le faire de nouveau lors de cette 10e édition. Reste que maintenant qu’il a déjà bouclé la boucle une fois, le skipper de V & B – Monbana – Mayenne affiche naturellement des ambitions plus grandes. Doté d’un plan Verdier mis à l’eau en 2022 avec lequel il s’est déjà illustré en terminant dans le Top 5 de la Route du Rhum – Destination Guadeloupe 2022, de la Rolex Fastnet Race 2023 ou de The Transat CIC 2024, le marin aspire cette fois à jouer aux avant-postes. Sûr que son mental fort, habitué à surmonter les obstacles, sera l’un de ses atouts !
Vendée Globe :
De quelle manière abordes-tu ce deuxième Vendée Globe ?
Je suis plus serein que lors de ma première participation puisque j’ai déjà atteint l’objectif de le finir, ce qui est déjà un gros cap quand on sait que près d’un bateau sur deux abandonne. Je vais, cette fois, pouvoir mettre le curseur de la performance plus haut. Ce qui m’inquiète quand même un peu, c’est quand je vois la cadence que l’on imprime en IMOCA sur les transats et que je réalise que ça risque d’être aussi élevé pendant 70 ou 75 jours ! (Rires) Il va falloir aller vite mais aussi que le bonhomme et la machine tiennent le rythme dans la durée ! D’une manière globale, il y a moins de questions et moins d’inconnues qu’il y a quatre ans même si je sais qu’il va forcément y en avoir de nouvelles. Côté objectif, quand on a lancé la construction du bateau, on a d’emblée annoncé nos ambitions de finir dans le Top 5. On a terminé à plusieurs reprises dans cette partie du classement mais on a bien conscience qu’aujourd’hui, près de vingt concurrents sont capables d’y arriver. En somme : on sait que c’est jouable mais que ça va être très compliqué.
Vendée Globe :
Qu’avais-tu vécu en 2020-2021 et que tu espères revivre de manière différente cette fois ?
Je n’ai pas un très bon souvenir des mers du Sud. Avant de prendre le départ de la course, j’avais parlé avec des gens autour de moi qui l’avaient déjà faite. J’avais vu dans leurs yeux que c’était un truc de dingue et qu’ils avaient aimé. Quand je m’y suis retrouvé, j’ai effectivement vu un truc de dingue mais un truc que je n’ai pas forcément trouvé cool ! (Rires) J’espère que cette fois-ci ce sera moins chaotique et que je pourrais apprécier !
Vendée Globe :
Préparation technique, préparation physique, nutrition, préparation mentale… tu sembles avoir poussé chaque spectre de la performance vraiment dans le détail…
Oui mais c’est aussi parce que je me passionne pour ça. J’ai fait le choix d’un programme très dense lors de ces trois dernières années. Cela m’a clairement obligé à bien me préparer. Je ne suis pas sûr que je serais allé dans le détail à ce point-là si je n’avais fait que de la course au large. J’ai poussé le truc à fond. J’adore essayer de trouver des choses différentes et utiles pour mon activité. Pour l’alimentation, c’est pareil. On a énormément bossé le sujet et il y a plein de trucs qu’on va tenter sur le Vendée Globe. Pour finir, j’ai peut-être plus creusé ma préparation que celle du bateau lui-même. Sur le plan technique, on a vraiment préféré travailler sur la partie fiabilisation plutôt que d’essayer de nouvelles choses, comme refaire une paire de foils. On a travaillé des dossiers, bien sûr, comme les voiles par exemple, mais on reste un petit projet financièrement parlant.
Vendée Globe :
Qu’est-ce qui, selon toi, fait ta force aujourd’hui ?
Je pense que c’est mon mental. Le fait de m’être mis dans le dur dans diverses activités, comme l’ascension de l’Everest, m’a naturellement renforcé. J’espère que cette expérience me servira lors de ce tour du monde. C’est très important d’être dans l’acceptation de ce qui se passe quand c’est dur. Arriver à placer le curseur au bon endroit pour ne pas être dans la grosse souffrance lors des passages un peu délicats permet de repartir plus frais ensuite.
Vendée Globe :
Que redoutes-tu le plus ?
Je dirais la casse parce qu’un Vendée Globe, c’est très long. C’est finalement un peu comme en ultra-trail : on n’a pas besoin d’être devant dès le début pour gagner à la fin. Il ne faut pas prendre trop de risques ou faire des conneries au début. Si certains lâchent les chevaux à certains moments où moi je ne me sens pas de le faire, c’est n’est pas grave. On l’a d’ailleurs vu sur pas mal de courses. Parfois, le schéma météo fait que ça ne revient jamais mais la plupart du temps tout reste possible tant que la ligne n’est pas franchie.
Vendée Globe :
« No stress, no limit » : est-ce toujours ton leitmotiv ?
Ce n’est plus écrit en gros sur mon bateau comme il y a quatre ans mais ça fait effectivement partie de moi. Plus c’est dur, plus c’est facile !
Vendée Globe :
Qu’avais-tu trouvé le plus fort en émotions lors de ton premier Vendée Globe ?
Le départ. Ce moment m’avait vraiment mis les watts parce que je ne savais pas où je mettais les pieds. Je ne savais pas quand j’allais revenir, ni même si j’allais revenir. Ça m’avait un peu marqué, surtout qu’avec le Covid-19, ça avait été un peu particulier. Il n’y avait personne sur les pontons et sur le coup je m’étais dit que ce n’était pas plus mal en termes d’émotions. Partir pour un tour du monde à la voile en solitaire, ce n’est vraiment pas rien !
Vendée Globe :
Lorsque tu penses au Vendée Globe, quelles sont les premières images qui te viennent en tête ?
Des images de départs mais aussi et surtout d’arrivées. Celles d’Ellen MacArthur, en 2001, et de François Gabart, en 2013, m’ont spécialement marqué. Ceux qui terminent le tour du monde sont quand même des gens transformés car ils ont vécu un truc de dingue, complètement à part. C’est impossible à imaginer tant qu’on ne l’a pas fait.
Vendée Globe :
Ton plus beau souvenir de mer ?
L’arrivée de ma première transatlantique en solitaire : la Route du Rhum en 2014. Avant ça, je n’avais jamais fait de solo de ma vie. Pour moi, c’est vraiment un truc qui restera marqué.
Vendée Globe :
Ton meilleur moment sur ce bateau ?
La Route du Rhum 2022. Dès que l’on a touché les alizés et que l’on s’est retrouvé au portant, j’ai découvert que mon bateau pouvait voler des heures, quasiment sans se poser. J’ai alors vraiment pris conscience que les IMOCA à foils étaient des bateaux complètement fous !
Vendée Globe :
Quel est ton rêve le plus fou sur ce Vendée Globe ?
Le gagner. C’est sans doute trop ambitieux mais il n’y a pas de limite aux rêves !
Vendée Globe :
Le marin qui t’inspire le plus ?
Franck Cammas. C’est un marin touche-à-tout. A chaque fois qu’il change de support, il arrive à le faire fonctionner. Le travail qu’il a fait avec Jérémie Beyou sur Charal, est assez incroyable. Il est à l’aise dans tout ce qu’il fait. A chaque fois qu’on lui confie un bateau, ça marche. Il a, de plus, un palmarès extraordinaire.
Vendée Globe :
Ce que tu fais quand tu ne fais pas de bateau ?
J’essaie de mettre mon corps en difficulté. J’aime me lancer des défis et faire des trucs où je me dis « bah là, ce n’est pas sûr que ça le fasse » ! (Rires). Je ne fais cependant rien tête baissée, sans bien me préparer.
Vendée Globe :
Le truc qui ne te quitte jamais ?
Mon téléphone. Je suis un vrai geek ! (Rires)