Il a connu le train-train boulot-dodo, le travail et l’existence rythmés comme « Monsieur tout-le-monde ». Pendant plus de 30 ans, Manuel Cousin a travaillé dans l’industrie automobile. En parallèle, il a cultivé son désir de marin professionnel et a franchi les étapes avant de disputer un premier Vendée Globe en 2020-2021. Lors de cette édition si suivie, les suiveurs ont découvert un sourire et un concentré d’enthousiasme même dans les « jours sans ». Chez ‘Manu’, l’envie de revenir à très vite germé à nouveau. L’amateur éclairé est un compétiteur avant tout alors, avec le soutien de son équipe, il transforme son bateau, l’allège d’une tonne, persévère, progresse. Si Groupe Sétin n’est plus sponsor-titre (l’entreprise continue d’assurer un soutien technique), Manuel a décidé de mettre à l’honneur l’association ‘Coup de pouce’ où il est investi depuis des années. Il y a chez lui l’idée d’une continuité heureuse, le petit bonheur de poursuivre une aventure incroyable au cœur de ce qui se fait de mieux en course au large.
Manuel Cousin : « être plus performant et faire mieux »
PAROLES DE SKIPPERS (24/40). Après une carrière professionnelle dans l’industrie automobile, il a su bâtir un projet, progresser et s’ouvrir les portes du plus connu des tours du monde. Quatre ans après une 1ère participation réussie (23e), ‘Manu’ est de retour avec le même bateau qu’il a profondément remanié et qui est devenu ‘Coup de pouce’. Il aspire à progresser encore et rêve de jouer les trouble-fêtes dans le « match dans le match » entre bateaux à dérives.
Vendée Globe :
Tu repars pour un 2e Vendée Globe… Quand as-tu eu l’idée d’y participer à nouveau ?
C’est venu dès que j’ai passé le Cap Horn en 2021. Il n’était pas visible du bord et je me suis dit qu’il fallait que je refasse le Vendée Globe pour le revoir… C’est une excuse bidon mais dès ce moment-là j’y ai pensé. Et puis après l’arrivée et toutes les émotions ressenties, j’avais vraiment envie de repartir pour un tour.
Vendée Globe :
Le fait d’avoir déjà fait le Vendée Globe, ce n’est qu’un avantage ou au contraire une pression supplémentaire ?
Je crois qu’il y a un peu des deux. C’est un peu comme un saut en parachute : la première fois tu sautes sans attendre, la 2e fois tu sais à quoi t’attendre donc tu as peur… Je ne vais pas vers l’inconnu, je sais ce qui m’attend et comment je vais réagir. Tant que tu n’as pas fait le Vendée Globe, tu ne sais pas comment tu vas réagir à passer plus de 80 jours tout seul. En matière d’inconnus, j’ai coché quelques cases. Mais après, tout sera différent : le scénario, la météo et sans doute mon état d’esprit aussi.
Vendée Globe :
Tes objectifs sont différents d’il y a quatre ans ?
Oui bien sûr. Lors de la dernière édition, l’objectif numéro 1 était de finir la course. Ça reste le cas et on ajoute aussi un challenge sportif. J’ai envie de faire mieux. Et puis il y aura 17 bateaux à dérive droite. J’espère faire un top 5 parmi eux et pourquoi pas un podium. En tout cas nous avons beaucoup travailler à améliorer le bateau pour y parvenir !
Vendée Globe :
Justement, pourquoi avoir décidé de repartir avec le même bateau qu’en 2020-2021 ?
Je n’avais pas envie de refaire le Vendée Globe pour le refaire. Il y avait une réelle volonté d’y participer à nouveau pour faire mieux et être plus performant. La question de revendre le bateau s’est posée mais avec mon partenaire de l’époque, on a estimé que le bateau pouvait être amélioré en faisant des travaux très conséquents. C’est ce que nous avons fait. Je repars donc avec le même bateau mais il est complètement différent !
Vendée Globe :
Justement, qu’est-ce qui a changé ?
Lors des trois hivers suivants le Vendée Globe, nous avons donc eu des phases de chantier très denses. La dérive et le gréement ont été changés de position la 1ère année, puis nous l’avons allégé et refait l’arrière du bateau avant d’améliorer la partie safran et le bout dehors notamment l’hiver dernier. Au total, le bateau a été considérablement allégé puisqu’il a perdu plus d’une tonne ! On s’est aussi attaché à gagner en fiabilité parce que j’avais eu pas mal d’ennuis lors du dernier Vendée Globe. Le but ce n’est pas d’aller le plus vite mais c’est d’être le plus régulier tout au long de la course.
Vendée Globe :
Lors de ces quatre ans, tu as dû composer avec le départ de ton sponsor-titre, Groupe Setin… Comment t’es-tu adapté ?
C’est toujours compliqué de perdre un sponsor surtout quand il t’a accompagné pendant dix ans. Il ne m’a pas quitté complètement : le Groupe Sétin continue d’être un partenaire technique en mettant à disposition de l’outillage – ce qui n’est pas négligeable - et Éric Sétin, le patron de la société, a des parts dans le bateau. Quand on a appris la nouvelle, il a fallu rebondir vite. Il s’avère que je suis engagé avec l’association Coup de Pouce, qui vient en aide aux élèves en décrochage scolaire depuis plusieurs années. J’en suis le parrain depuis 1998, je porte les couleurs de l’association depuis 2014. Ça faisait sens que ce soit le naming du bateau et qu’on puisse avoir en parallèle un collectif de partenaires.
Vendée Globe :
Tu vas retrouver les mers du Sud… Comment décris-tu l’atmosphère là-bas ?
C’est très difficile de l’expliquer parce que ça mêle beaucoup de ressenti et d’émotion. Il y a de la peur bien sûr parce qu’on est loin de tout. Et dans le même temps, c’est merveilleux avec des couleurs dingues, la houle, le vent fort... Tu ressens avec une intensité incroyable la force de la nature. On a également de la fierté d’y être arrivé, de mener son bateau là-bas. Parfois on s’y sent bien, parfois on se rend compte qu’on n’a rien à faire là. Quand on en sort, c’est un soulagement et pourtant on a envie d’y retourner. Les mers du Sud, c’est tout ça à la fois !
Vendée Globe :
Tu as un profil atypique par rapport à la majorité de la flotte, tu as eu une vie professionnelle avant… C’est un motif de fierté d’être reconnu dans ce monde-là ?
Oui bien sûr. Je mesure la chance que j’ai de vivre de ma passion. Je côtoie des skippers qui me font rêver, que je voyais dans les magazines ou à la télévision. Même s’il y a toujours beaucoup de travail et que c’est très chronophage, je n’ai jamais l’impression d’aller au travail le matin. J’ai fait un « boulot normal » pendant trente ans. Le fait d’avoir travaillé dans un univers technique m’aide au quotidien avec ma petite équipe.
Vendée Globe :
Même quand il y a des galères, tu arrives à garder le sourire, à être toujours souriant… D’où vient cet enthousiasme ?
Je ne sais pas, j’ai toujours été comme ça. C’était aussi le cas quand je pratiquais le cyclisme ou le taekwondo. Bien sûr, tu souffres parfois mais je prends plaisir dans l’effort. Vu la chance que j’ai d’être en bonne santé, de savoir que mes proches vont bien et de participer à cet incroyable challenge, je n’ai pas le droit de me plaindre !