Depuis le début de l’année, Louis Duc et Marie Tabarly découvrent ensemble la vie d’un projet dans la reine des classes monocoques avec, pour le skipper, l’ambition d’être au départ du Vendée Globe 2024 et, pour la coskipper, l’intime volonté de prendre le départ de l’Ocean Globe Race en 2023 à bord du mythique Pen Duick VI de son père. La route du Vendée Globe 2024 est semée de marqueurs, à commencer par la Transat Jacques Vabre, dont le départ sera donné le 7 novembre prochain. Mais d’ici là, Marie et Louis font encore face à une foule de découvertes. Sorti du chantier où il sommeillait, en pièces détachées, depuis l’incendie qui avait privé Clément Giraud de prendre le départ de la course en double il y a deux ans, le bateau, rebaptisé Kostum Lantana Paysage, reprend vie. Du coup, on a papoté avec les deux marins.
La somme de choses que vous avez apprises et qu’il vous reste à apprendre est incroyable !
Louis Duc : « Quand on a commencé à écrire cette histoire, en octobre, rien n’était gagné. On était loin de pouvoir naviguer cette année, pas plus que d’être au départ de la Transat Jacques Vabre. On a franchi énormément d’étapes, c’est très jouissif de réussir tout ça. Marie, qui a rejoint le projet début mars, après qu’on a échangé quelques discussions et autant de rêves, nous a bien aidés à trouver le budget de fonctionnement pour cette année.
Marie Tabarly : « En écoutant Louis, j’ai un énorme sourire, parce que ce n’était vraiment pas gagné. Nous avons mis toute notre énergie, tout notre engouement pour faire renaître ce bateau qui voulait naviguer. Sans doute parce que le projet est super cohérent, les planètes se sont alignées et ont chassé les problèmes : nos rencontres ont été bonnes, le budget a été réuni, et les matières composites du bateau sont de qualité. On a déjà navigué sur le bateau : il est au taquet !
Louis Duc : Dès le début, on a senti de bonnes ondes : en 48 heures, 170 personnes avaient rejoint le projet obligataire qui était le premier axe de financement du bateau. Comme nous ne pouvions pas emprunter puisque nous n’avions pas de sponsors, nous avons lancé cette forme d’investissement fréquente dans l’immobilier, avec un retour sur investissement de 2%, autour du projet « Votre épargne autour du monde ». Ce n’est pas de l’argent perdu pour les gens, mais c’est un soutien de cœur. Puis Lantana Paysage, qui me suit depuis un moment, s’est engagé, et Kostum Cadiou nous a rejoints cet été.
Comment est née l’histoire ?
Louis Duc : Avec mes deux associés (Marc Dewavrin et Jérôme Lepoutre), après des aventures en Class40, on a donc racheté cette épave, un plan Farr de 2007 qui avait pris feu dans le port du Havre il y a deux ans. Il était passé dans différentes mains (PRB, Akena Vérandas, Initiatives-Coeur, Bastide - Otio, Maître-CoQ, Fortil) et il avait donc beaucoup évolué. Dans le même temps, on a vu son sistership prendre la tête du Vendée Globe : c’est Yes We Cam ! de Jean le Cam. C’est dire son potentiel. On a ensuite réuni une équipe de techniciens expérimentés et que nous connaissons bien, des gens très pros et très bienveillants, qui ont compris notre problématique : faire un meilleur bateau avec pas beaucoup d’argent.
Qu’est-ce qui plaît, dans votre aventure ?
Marie Tabarly : L’idée d’un bateau qu’on sauve touche énormément les gens. Ce bateau est un phénix. On le sauve de la casse, ça colle à nos valeurs. Puis les gens savent que Louis et moi sommes un peu fous, très concernés par l’environnement et qu’on préfère bien faire les choses plutôt que blablater. Ils savent qu’avec nous, ils auront de l’authenticité. Il en est né un trio (avec le bateau, ndlr) très cohérent.
Louis Duc : La notoriété de Marie est largement supérieure à la mienne, et cela nous a bien soutenus, mais c’est l’histoire qui a plu. C’est ce qui nous a permis de réaliser le tour de force de pouvoir s’aligner sur un départ de course aussi vite.
Qu’est-ce qui va vous unir sur l’eau ?
Louis Duc : Notre expérience commune en mer est incroyable : on a fait du Zodiac ensemble en 2003 ! (il rit) On se connaît depuis quelques années. On ne s’est pas vu tout le temps, mais on est resté en contact. Et tout se fait naturellement : on a le même amour de la mer et des bateaux. C’est essentiel.
Marie Tabarly : Louis a une grosse culture du monde maritime, et c’est effectivement l’essentiel pour moi. S’il n’y avait eu ça, je n’aurais pas embarqué.
Que venez-vous chercher dans ce projet Imoca ?
Marie Tabarly : C’est une chance incroyable pour moi qui ne sors pas du cursus Mini-Figaro-Class40. J’ai navigué sur plein de bateaux différents, donc Pen Duick VI, que je vais mener sur l’Ocean Globe Race 2023, une course emprunte de l’esprit Whitbread, sur le même parcours qu’en 1973. Louis sait où sont mes lacunes, mais il sait aussi que je n’ai pas peur de l’engagement, de l’effort physique et de la puissance. Et moi, je peux emmener mon sextant ! Au fond, je viens chercher une énorme expérience sur un bateau qui représente le très haut niveau du monocoque, et j’ai plein de choses à apprendre. En étant capitaine de bateau, ce que je suis dans mes projets propres, on ne cherche pas forcément à progresser dans tous les domaines. Là, je vais avoir cette occasion de progresser sur les routages, la météo, la gestion des réglages, du stress… Et puis je ne sais pas combien de fois une telle opportunité va se présenter dans ma vie, il fallait que je la saisisse ! »
Le compte à rebours est lancé et le temps s’égrène vite…
Louis Duc : On a deux mois pour être prêts. On ne sera pas les plus performants, mais le but de la Transat Jacques Vabre sera de découvrir le bateau, de l’optimiser, de faire de la performance. On a beaucoup à faire sur ce point-là, mais on le sait déjà fiable et sécurisant. Je suis convaincu qu’on s’en sortira correctement. Et pour mes objectifs de Vendée Globe, c’est un bon galop d’essai ! »