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Les (autres) rois du suspense

Charlie Dalin (MACIF Santé Prévoyance, 1er) continue de filer en tête du Vendée Globe sous la menace de Yoann Richomme (PAPREC ARKEA, 2e). Alors que les deux évoluent toujours à vive-allure, l'écart est stable à 133,4 milles ce dimanche à 7 heures. Si Yoann continue d’espérer jusqu’au bout, il y a autant de suspense à plus de 2 900 milles plus au Sud. Là, un groupe de skippers particulièrement talentueux, de Sam Goodchild (VULNERABLE, 4e) à Justine Mettraux (Teamwork-Team Snef, 10e), bataillent dans une régate à haute intensité pour se départager les places d’honneur. Ils devraient franchir l'équateur ce dimanche et sont attendus à l'arrivée d'ici une dizaine de jours. En attendant, ils n'ont pas vraiment l'intention de relâcher la pression.

À bord de Charal (Jérémie Beyou)
© Jérémie Beyou

Il y aura un moment où on vous obligera forcément à faire un choix. Plutôt Brando ou Sinatra ? Delon ou Belmondo ? Blur ou Oasis ? Prost ou Senna ? Bip bip ou Coyote ? Rassurez-vous, ça marche pour les plus jeunes - Messi ou Ronaldo ? Nadal ou Federer ? – et même pour les passionnés de voile : Birch ou Malinowski ? Gabart ou Le Cléac’h ? Une certitude, ce genre de comparaison n’aurait pas amusé Charlie et Yoann, eux qui ne lâchent rien et sentent le suspense intenable avant l’arrivée. « Les superlatifs, c’est pour les terriens », répliquait hier Yoann Richomme et ça marche aussi pour les comparaisons.

Quoi qu’il en soit, il reste théoriquement 661 milles à parcourir. À 7 heures ce dimanche, l'écart est de 133,4 milles entre les deux skippers et d'ici deux nuits, le vainqueur du 10e Vendée Globe sera connu. Alors, Charlie Dalin (MACIF Santé Prévoyance) ou Yoann Richomme (PAPREC ARKÉA) ?  « Pour l’instant, les deux suivent les routages à peu près à la même vitesse, explique Hubert Lemonnier, le directeur de course. C’est un coup toi, un coup moi. Ils sont à 520 milles dans les dernières 24 heures avec 20 nœuds moyen. Yoann est peut-être sur une route un peu plus directe mais la différence est minime. Ce qu’on peut dire en revanche c’est que leur route semble vraiment optimale ! »

Des accélérations et des coups d’arrêt

Dans le reste de la flotte, Sébastien Simon (Groupe Dubreuil, 3e, 18,4 noeuds) fait des sacrées moyennes en étant derrière le même système que les leaders. Le duo Clarisse Crémer (L’Occitane en Provence, 11e) et Samantha Davies (Initiatives Cœur, 13e) devrait enfin pouvoir accélérer.  Jean Le Cam (Tout Commence en Finistère – Armor-lux, 14e) a toujours le contrôle du groupe suivant mais ces poursuivants ont de bonnes conditions pour revenir aujourd’hui. 

À l’arrière, Kojiro Shiraishi (DMG Mori Global One, 26e) a effectué sa pénalité (problème de plomb moteur). Louis Duc (Five Groupe Lanta Environnement, 25e)  et Sébastien Marsset (FOUSSIER, 24e) sont bloqués dans l’anticyclone alors que Conrad Colman (MS Amlin, 22e)  et Guirec Soudée (Freelance.com, 23e) sont parvenus à s’en échapper.  

Une incroyable régate

Le match pour la victoire qui concentre toute l’attention, ils seraient nombreux à avoir aimé le vivre. Surtout à plus de 2 900 milles plus au Sud. Là, il y a ceux qui composent le « groupe de poursuivants ». En son sein, certains avaient été catégorisés parmi les favoris (Thomas Ruyant, Jérémie Beyou), d’autres chez les outsiders (Sam Goodchild, Nicolas Lunven, Paul Meilhat, Boris Herrmann et Justine Mettraux). Tous pouvaient légitimement prétendre à une place d’honneur sauf que le scénario de course ne leur aura pas été favorable. 

Il n’empêche, ils ont bataillé comme jamais lors de la remontée de l’Atlantique Sud, tentant de résister dans une mer croisée et un vent instable à en perdre les nerfs. Les organismes ont souffert, les bateaux aussi : aucun d’entre eux n’y est passés sans déplorer des pépins techniques plus ou moins grands. Avarie de J2 pour Thomas Ruyant (VULNERABLE, actuellement 8e), problème d’aérien pour Nicolas Lunven (Holcim-PRB, 7e), vérin de foil cassé chez Jérémie Beyou (Charal, 5e), casse du hook de J2 chez Boris Herrmann (Malizia Seaexplorer, 9e)… 

Heureusement, les alizés permettent enfin de souffler un peu et de faire le point sur le groupe. Les premiers vont franchir l’équateur et retrouver l’Atlantique Nord, un soulagement après ce qu’ils ont vécu. « On a eu une dizaine de jours vraiment très éprouvants », souffle Justine Mettraux (Teamwork-Team Snef, 10e). Ceux qui s’en sortent le mieux, ce sont Sam Goodchild (VULNERABLE, 4e) et Jérémie Beyou (Charal, 5e) qui ont pris les commandes du groupe. Le skipper de Charal, pas vraiment gâté par les situations météo, est forcément plus enjoué :  


Même si on a eu de la mer croisée hier et que le vent a bien faibli quelques heures, les conditions sont bien plus stables que ce qu’on a connu. On a quand même réussi à bien progresser. Le fait d’être deux (en étant au coude-à-coude avec Sam Goodchild), ça permet de maintenir de bonne cadence et d’être bien boosté. Dès que tu n’es pas bien réglé et que tu n’as plus le bon angle, ça se paie tout de suite, donc ça te pousse à être hyper réactif sur les réglages. J’ai l’impression que c’est un peu mieux d’être devant (à l’avant du groupe) mais je me méfie de ce genre de remarques !

Jérémie Beyou
CHARAL

Ceux qui sont partis le plus au large – situation qui est généralement plus payante que de tricoter près des côtes – n’ont en revanche pas été récompensés. Ça a été le cas de Paul Meilhat (Biotherm, 6e) qui s’est néanmoins recalé derrière le duo Goochild-Beyou mais aussi pour Nicolas Lunven. Lucide, le skipper d’Holcim-PRB raconte : 


Mon option Ouest n’était pas terrible, je suis bien déçu du résultat, je n’ai pas eu le vent prévu et je ne l’ai toujours pas. Normalement, j’aurais dû avoir du vent plus adonnant, ce qui m’aurait permis d’aller plus vite. Jérémie, Sam et Paul en ont profité pour prendre une belle avance sur moi… C’est un peu dommage parce que j’étais devant eux avant. Mais c’est comme ça, ça arrive. J’espère qu’il y aura d’autres coups à jouer d’ici l’arrivée !

Nicolas Lunven
HOLCIM - PRB

Les écarts encore loin d’être figés 

Il y a Boris Herrmann (Malizia Seaexplorer) et Thomas Ruyant (VULNERABLE) un peu moins avantagés par leur position plus Ouest. « S’ils veulent revenir dans l’Est, ils vont devoir lofer et donc ralentir légèrement », précise Basile Rochut, le consultant météo du Vendée Globe. En revanche, les écarts du moment sont loin d’être figés. « Je ne pense pas que ça soit rédhibitoire, précise-t-il. En latitude, il n’y a pas vraiment de position favorable, il pourrait y avoir un petit effet élastique quand les premiers rentreront dans le Pot-au-Noir ». Chez tous ces marins, les routages mènent jusqu’à l’arrivée, ce qui peut renforcer la motivation. Mais les dés sont encore loin d’être jetés comme l’explique Nicolas Lunven :


Bientôt, il y aura le Pot-au-Noir. On va être pratiquement alignés dans le même axe. On ne va pas trop rêver mais il ne faut rien s’interdire non plus. Après il y aura les alizés de l’Atlantique Nord au près rapide. Puis, des Canaries jusqu’à l’arrivée, la météo n’est pas du tout calée. C’est la grande incertitude !

Nicolas Lunven
HOLCIM - PRB

« Ce n’est pas facile de faire des pronostics pour savoir comment ça va se finir », estime de son côté Justine Mettraux qui s’accroche pour rattraper Thomas Ruyant et Paul Meilhat. Néanmoins, toutes les batailles de ce groupe ont une sacrée vertu : s’assurer de prolonger encore un peu le suspense, même après l’arrivée des premiers… 


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