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Le calme après la tempête

LA PREMIÈRE NUIT. L’océan a-t-il compris qu’il fallait leur accorder un petit répit ? Que les vagues d’émotions qu’ils avaient essuyé en quittant les pontons des Sables d’Olonne étaient bien suffisantes pour ne pas y ajouter quelques rafales et déferlantes ? Qu’après la tempête populaire à terre, ces drôles de créatures que sont les marins en solitaire, plus familiers de la houle que de la foule, avaient besoin d’un petit sas de décompression, comme pour mieux digérer ce qu’ils venaient d’expérimenter...

COURSE, 10 NOVEMBRE 2024 : Photo envoyée depuis le bateau L'Occitane en Provence lors de la course à la voile du Vendée Globe le 10 novembre 2024. (Photo de la skipper Clarisse Crémer)
COURSE, 10 NOVEMBRE 2024 : Photo envoyée depuis le bateau L'Occitane en Provence lors de la course à la voile du Vendée Globe le 10 novembre 2024. (Photo de la skipper Clarisse Crémer)

Le premier coucher de soleil doré sur l’horizon, le premier crépuscule, la première nuit… Tout fut comme un cadeau inespéré de l’automne atlantique offert aux 40 marins officiellement lancés sur cette dixième édition du Vendée Globe. Après des premières heures de course au ralenti avec les voiles qui battent, le vent s’est progressivement levé sur la flotte, venant libérer un à un les concurrents et leur permettre, à une petite dizaine de nœuds de foulée moyenne, de faire disparaître dans leur sillage la côte vendéenne. Qui aurait parié sur cette parenthèse de douceur, sous un clair de lune bienveillant ?

« C’est tranquille, on est au portant, la nuit est belle… On ne peut pas demander beaucoup mieux que ça pour se mettre dans le bain et redescendre doucement après les émotions de ce matin, de ce midi », commentait ainsi Clarisse Crémer, visiblement soulagée de cette accalmie après avoir « pas mal pleuré aujourd’hui ». 


Ca prend pas mal d’énergie et jusqu’à tard cet après-midi il y avait encore beaucoup de bateaux sur l’eau à nous suivre donc mine de rien, c’est à la fois super chouette et à la fois c’est pas facile de se concentrer sur la course quand il y a tout ça autour de nous. Ça fait qu’on n’est pas toujours au top de sa lucidité !

Clarisse Crémer

L'OCCITANE en Provence

« Encore pas mal émue », la navigatrice de L'Occitane en Provence profitait de ces instants suspendus pour « retrouver ses marques ». Évoluant dans les quinze premières places au classement - « so far, so good, comme disent nos amis les Anglais » - la skipper expliquait vouloir « prendre les choses “step by step”, heure après heure, vague après vague… » 

“On peut avoir les bonnes et les mauvaises journées dans la même journée”

S’il en est un autre qui a dû prendre les choses avec philosophie en ce premier jour de course, c’est bien le Néo-Zélandais Conrad Colman ! Dans un changement de voile juste avant le départ, l’écoute de son grand gennaker file dans l’eau et s’enroule autour de l’hélice. « Ça a calé le moteur, ça bloquait l’écoute et ça empêchait le bateau d’être manœuvrable, résume encore navré de sa mésaventure le marin de 40 ans, qui rêvait d’autres retrouvailles avec le Vendée Globe. Donc j’ai gardé l’équipe à bord avec moi, ce qui fait que je n’ai pas respecté le délai pour débarquer mes équipiers, et donc je ne pouvais plus prendre le départ comme les autres, même un petit peu en retard ! Du coup j’ai demandé à bénéficier du protocole de départ décalé… »

Un peu plus d’une heure après ses petits camarades, le skipper de l’IMOCA MS Amlin s’est enfin élancé, depuis une ligne de départ plus proche de la côte déterminée par la Direction de Course. Résultat ? Si les premiers bords du “Crazy Kiwi” se font dans un calme plat, voilà vite le marin propulsé par un vent favorable… au point de prendre même brièvement, trois heures plus tard, les commandes de la flotte !


C’était un moment assez puissant, surtout après la déception d’avoir loupé le départ d’origine. Ça montre encore une fois qu’il ne faut jamais baisser les bras. On va avoir des très très bonnes journées comme des mauvaises, et même on peut avoir les bonnes et les mauvaises journées dans la même journée.

Conrad Colman

MS Amlin

Comme si la leçon inaugurale n’était d'ailleurs pas suffisante, Conrad Colman a subi en début de soirée un black-out électronique, lui faisant « louper l’empannage, et prendre quelques milles dans la vue ». « C’est ça le Vendée Globe ! Nos bateaux sont compliqués, on va avoir des moments de joie, de déception, de peur, de frustration : j’ai signé pour tout ! Je suis en train de polisher ma tête pour dégager les traces de rouille accumulées pendant les trois semaines de village, et maintenant je suis hyper ravi d’être bien parti ! »

LES SABLES D'OLONNE, FRANCE - 10 NOVEMBRE 2024 : Les 40 concurrents IMOCA sont photographiés sur la ligne de départ de la 10e édition du Vendée Globe, le 10 novembre 2024 aux Sables d'Olonne, France. (Photo par Jean-Louis Carli / Alea)
LES SABLES D'OLONNE, FRANCE - 10 NOVEMBRE 2024 : Les 40 concurrents IMOCA sont photographiés sur la ligne de départ de la 10e édition du Vendée Globe, le 10 novembre 2024 aux Sables d'Olonne, France. (Photo par Jean-Louis Carli / Alea)

empannages en pagaille

A la faveur de la nuit, les compétiteurs semblaient d'ailleurs avoir déjà bien vite retrouvé leurs esprits ! Profitant des bascules et des variations de vent, chaque marin lançait sa propre cadence d'empannages pour entamer sa descente vers l'Espagne, et quitter au plus vite le Golfe de Gascogne. Signe de cette intense activité, le canal 16 de la VHF déchirait régulièrement le calme de l'obscurité, les marins se prévenant mutuellement pour coordonner leurs mouvements par mesure de sécurité. « Tout se passe dans la bonne entente, les petits “bonne nuit, bonne chance” pimentent la conversation, je crois qu'on est tous contents d’être en mer », résumait Conrad Colman. 


Pensez à nous. Derrière chaque point sur la cartographie, c’est beaucoup de sueur et beaucoup d’efforts, mais c’est ça le jeu, c’est ça la course au large, et c’est ça qu’on aime.

Conrad Colman

MS Amlin

Aux premières lueurs de l'aube, c'est Sébastien Simon (Groupe Dubreuil), Charlie Dalin (MACIF Santé Prévoyance) et Justine Mettraux (Teamwork - Team SNEF) qui menaient la danse à l'Ouest, tandis que du côté des bateaux à dérives, Sébastien Marsset (FOUSSIER) pointait en 6e position, devançant d'une poussière de milles Louis Duc (Fives Group - Lantana Environnement) et Jean Le Cam (Tout commence en Finistère - Armor-lux). 

Mais encore bien groupée en 40 milles seulement, la flotte à l'unisson semblait pousser un soupir de soulagement de ce scénario providentiel, qui devrait se prolonger jusqu'au Cap Finisterre. Quelques heures encore grapillées pour continuer de s'amariner, et surtout réaliser : enfin, la bataille du 10e Vendée Globe est bel et bien lancée. 


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