Qui n’a jamais fui par l’esprit une réunion qui s’éternise, un dîner de famille sans surprise, ou une corvée de ménage rébarbative ? Si nos solitaires ne partagent pas franchement ces impératifs en mer, leur quotidien n’est pas non plus toujours extraordinaire, et il faut parfois avoir recours à quelques diversions pour aider à remettre du charbon !
Ces derniers jours, Arnaud Boissières (La Mie Câline, 27e) était loin d’être à la fête. Au près quasiment depuis le Cap Horn, celui qui dispute son cinquième Vendée Globe consécutif ne s’ennuie pas, loin de là, mais aimerait bien tout de même subir un peu moins les aléas ! « Le près c’est pas notre tasse de thé, ni à Cali, ni à Arnaud, ni à mon fin navire ! On se bat pour pas être trop lent mais c’est quand même pas évident ! Quand on va ouvrir les voiles ce sera plus sympa ! », nous disait-il cette nuit, alors qu’il tentait de progresser au large d’un Brésil qui, décidément, ne nous a jamais semblé aussi vaste que depuis qu’on suit de près (et au près, donc) le Vendée Globe !
« ce qui ne me manque pas c’est les emmerdes à terre ! »
Dans ces conditions, les distractions peuvent parfois paradoxalement aider à la concentration. Attention, pas n’importe lesquelles ! Hors de question pour « Cali » de commencer à trop penser à la Terre – « j’essaie de ne pas focaliser sur ce qui me manque, parce ce qui ne me manque pas c’est les emmerdes à terre ! Les factures, les impayés, les je sais pas quoi… » - en revanche, quelques petites récréations peuvent aider à retrouver la bonne respiration quand les journées commencent un peu trop à se ressembler : border, choquer, remplir le ballast, vider le ballast, border, choquer, etc…
Sa recette ? Une bonne dose de musique, quelques podcasts – son dernier fut sur l’épopée de Shackleton, l’Endurance – mais aussi quelques parties d’échecs. Enfin ça c’était avant de se retrouver bloqué à un niveau ! « Il échange les pièces en gros je lui mange sa dame, il mange ma dame, il joue à ça en fait. J’aime pas trop ça ! Je préfère arriver à bloquer l’adversaire, lui il joue à tout bouffer, ça m’énerve un peu, beaucoup même. Comme quand je vais pas assez vite en fait… » Et voilà finalement, on y revient toujours à cette course qui ne perd jamais ses droits, même quand on essaie de s’en éloigner un peu ! D’ici quatre jours normalement, si tant est que cet adverbe ait une quelconque valeur en mer, son petit groupe mené par Louis Duc (Fives Group – Lantana Environnment, 24e) devrait atteindre l’hémisphère Nord, si le Pot-au-Noir arrête de jouer les trouble-fêtes.