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La détermination comme boussole

Après une journée inoubliable hier, marquée par l’arrivée de quatre marins aux Sables d’Olonne, huit navigateurs poursuivent encore leur route en mer, portés par la volonté de conclure leur périple. Ceux encore en course, bientôt tous dans l’Atlantique Nord avec le passage estimé de Denis Van Weynbergh (D’Ieteren Group) à l’équateur dans la nuit de mardi à mercredi, continuent de naviguer avec la même concentration. Éric Bellion (Stand as One – Altavia), attendu très tôt aux Sables d’Olonne le 12 février, et Arnaud Boissières (La Mie Câline), qui fait route vers Le Marin, en Martinique, où il espère arriver jeudi matin, poursuivent leur aventure, même s’ils sont désormais en dehors du classement officiel. Pour tous, voir les camarades déjà à terre suscite un mélange d’émotions, entre excitation et nostalgie. Chaque mille parcouru est un pas de plus vers la conclusion de cette expérience inoubliable. Que ce soit sur la ligne d’arrivée officielle ou ailleurs, ils savent qu’ils ramèneront avec eux des souvenirs gravés à vie. Cette ultime partie de l’Atlantique n’est pas seulement une transition vers la terre : c’est un temps de réflexion sur l’ensemble du chemin parcouru, les leçons apprises et les émotions traversées. Pour eux, il n’y a pas de "retard", seulement le rythme de leur propre aventure, qu’ils vivent jusqu’au bout avec la même intensité.

COURSE, 09 FEVRIER 2025 : Photo envoyée depuis le bateau D'Ieteren Group lors de la course à la voile du Vendée Globe le 09 février 2025. (Photo du skipper Denis Van Weynbergh)
COURSE, 09 FEVRIER 2025 : Photo envoyée depuis le bateau D'Ieteren Group lors de la course à la voile du Vendée Globe le 09 février 2025. (Photo du skipper Denis Van Weynbergh)

Pour les marins encore en mer, savoir qu’une grande partie de leurs concurrents ont déjà franchi la ligne d’arrivée et retrouvé la terre ferme suscite un tourbillon de sentiments complexes. D’un côté, il y a l’excitation de vivre enfin ce moment tant attendu : retrouver les proches, sentir sous leurs pieds la stabilité d’un sol immobile, et savourer les plaisirs simples d’une douche chaude ou d’un repas cuisiné. Ces pensées deviennent des ancrages mentaux qui les aident à avancer, mille après mille, jour après jour. Mais à côté de cette impatience, il y a aussi un sentiment plus subtil : la nostalgie de l’aventure qui touche à sa fin. Être encore en mer, c’est prolonger un peu plus ce voyage suspendu dans le temps, où chaque lever de soleil, chaque vague, chaque souffle de vent est une expérience unique. Imaginer les autres à terre, entourés de la foule et des applaudissements, peut même réveiller une certaine solitude. Mais paradoxalement, cette solitude est aussi ce qui donne à leur aventure toute sa richesse. Éric Bellion le décrit avec beaucoup de lucidité depuis le large du cap Finisterre : 


Je contemple pas mal la mer en me disant que j’ai de la chance d’être là, de faire la fin de ce tour du monde en solitaire. Je suis vraiment un privilégié de profiter de l’océan et de ces merveilleux paysages. Mais il y a une part de moi qui a envie d’arriver.

Éric Bellion
STAND AS ONE - ALTAVIA

Actuellement dans les petits airs, il doit toutefois faire preuve de vigilance : « Je fais attention à mon bout-dehors, abîmé aux Malouines. Cela m’oblige à adapter régulièrement mon plan de voilure et ça rend la navigation fatigante et stressante. » En somme, son aventure se termine comme un bon vieux roman d’action : de l’envie, un soupçon de tension et un final inattendu.

Rester concentré malgré l’envie d’accélérer

Pour certains, cette dernière ligne droite est un défi mental : savoir rester patient et ne pas courir plus vite que le temps. Quand on sait que les autres savourent déjà leur succès, l’envie est forte de vouloir accélérer pour en finir. Denis Van Weynbergh, qui devrait remonter dans l’hémisphère Nord demain soir ou mercredi, reste ainsi très concentré sur chaque étape. Actuellement, il doit faire face à un problème de dessalinisateur et s’organise pour y remédier : « Je récolte de l’eau avec un système de bidon étanche pour constituer une quarantaine de litres ». Pour lui, la gestion de cette contrainte est aussi un rappel des défis constants du Vendée Globe : « Chaque jour, il y a une nouvelle tâche à accomplir. Maintenant, il reste trois gros défis : bien passer les alizés de nord-est, gérer les dépressions et l’anticyclone des Açores, puis traverser le golfe de Gascogne. » Ces derniers jours en mer ne sont pas une simple transition, mais une période où chaque manœuvre compte. Le Belge garde à l’esprit que tout peut basculer à tout moment, mais avance avec méthode et détermination : « On prend les étapes une par une, avec toujours le même objectif : donner le maximum. »

Un dernier chapitre à savourer

Pour Arnaud Boissières, ne pas boucler son tour du monde laisse un goût d’inachevé, mais cela nourrit sa détermination à revenir plus fort. En route vers Le Marin, il savoure tout de même les derniers moments à bord, malgré la déception : 


J’appréhendais l’arrivée des copains, ceux avec lesquels j’ai partagé une grande partie de ce tour du monde, mais finalement je suis tellement content pour eux ! Je me projette sur la suite, j’essaie de profiter. Je rêve de transat en famille, mais dès que j’ouvre les yeux, je vois mon bateau meurtri, et ça me fait mal. Mais il faut se nourrir des échecs pour préparer des jours meilleurs.

Arnaud Boissières
LA MIE CÂLINE

Ces derniers milles, bien que compliqués, sont aussi un adieu progressif à l’aventure, une transition entre le monde de la mer et celui de la terre. Et Arnaud n’est pas le seul à jongler entre mélancolie et excitation. Pour Antoine Cornic (Human Immobilier), qui vient de passer sous la barre symbolique des 1 000 milles restants, le sentiment est partagé : « J’ai hâte de retrouver la terre, les copains, de boire un coup et manger autre chose que ce qu’on a à bord. Mais je suis tellement bien en mer ! Je profite vraiment de ces derniers instants. » Là où Arnaud ressent le besoin de puiser dans ses échecs pour se projeter vers un futur plus fort, le Rétais vit pleinement cette fin de parcours en savourant chaque mille restant. Ensemble, ils illustrent bien la dualité de ce dernier chapitre : une période de réflexion personnelle, mais aussi un moment précieux pour savourer les derniers instants avant de retourner à une vie sur terre qu’ils savent déjà différente.

Des leçons de vie

Et pour cause, les souvenirs des tempêtes, des nuits étoilées, des moments de doute et de dépassement de soi resteront gravés comme des chapitres d’un livre que l’on ne se lasse jamais de relire. Pour ces marins, terminer un Vendée Globe, peu importe la date ou le classement, c’est bien plus qu’un accomplissement sportif : c’est une preuve qu’ils ont su résister, s’adapter et continuer d’avancer, même lorsque tout semblait contre eux. Chaque journée passée à bord est un témoignage de leur résilience et de leur capacité à affronter l’inconnu. La mer les a testés à tous les niveaux — physique, mental, et technique — et ils s’en sortent grandis, riches d’expériences qu’ils ne vivront probablement jamais de la même manière ailleurs. Ce n’est pas seulement un voyage autour du monde, mais un voyage intérieur, une introspection sur leurs limites, leurs rêves, et ce qu’ils sont prêts à endurer pour les atteindre. Une fois à terre, les difficultés leur sembleront peut-être lointaines, mais les leçons qu’ils ont tirées de chaque vague affrontée, de chaque nuit sans sommeil, resteront ancrées en eux. Comme le résume le skipper de D’Ieteren Group :


C’est ça, le Vendée Globe : étape après étape, on se dépasse chaque jour et, à la fin, on sait qu’on a fait quelque chose d’exceptionnel.

Denis Van Weynbergh
D'IETEREN GROUP

Ce sentiment d’avoir accompli l’impossible est la plus grande victoire : celle qui ne se mesure pas en milles ou en heures, mais en fierté, en souvenirs et en la certitude qu’ils ont, à chaque instant, donné le meilleur d’eux-mêmes.


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