Toutes les actualités

La chance au tirage

Il y a ceux qui doivent veiller aux icebergs (Antoine Cornic, HUMAN Immobilier, 31e et Jingkun Xu, Singchain Team Haikou, 32e), les six qui cravachent au cœur d’une dépression dans l’Atlantique Sud (de Tanguy Le Turquais, Lazare, 21e à Kojiro Shiraishi, DMG Mori Global One, 26e) et ceux qui n’en finissent plus de tricoter au large des côtes brésiliennes (de Jérémie Beyou, Charal, 4e à Samantha Davies, Initiatives Cœur, 13e). En somme, tous s’emploient et bataillent en repoussant constamment les limites de la fatigue et des possibles. Tous, sauf les trois leaders. Charlie Dalin (MACIF Santé Prévoyance, 1er), Yoann Richomme (PAPREC ARKÉA, 2e) et Sébastien Simon (Groupe Dubreuil, 3e) semblent en effet beaucoup plus chanceux. Même si les deux premiers abordent une dorsale anticyclonique, ils peuvent sereinement envisager les derniers jours de course.

À bord d'Hublot (Alan Roura).
© Alan Roura

Dalin – Richomme, une journée de plus au bureau

Les deux leaders poursuivent leur remontée de l’Atlantique Nord avec sérénité. Cette 60e jour de course ne devrait pas présenter de difficulté majeure alors qu’ils progressent dans les alizés. « Aujourd’hui, ils sont arrivés dans une dorsale anticyclonique, le vent est légèrement moins fort (7 à 10 nœuds plutôt que 15). Dès qu’ils l’auront passé demain, ils vont recommencer à toucher du vent de plus en plus fort », explique Basile Rochut, le consultant météo du Vendée Globe.

Les deux hommes devraient passer au Sud-Est des Açores mais tout l’enjeu réside surtout sur la fin de la course : une bulle anticyclonique se forme autour de la Bretagne et pourrait obliger à faire plusieurs contre bords jusqu’à l’arrivée aux Sables d’Olonne. Pour l’instant, l’arrivée de Charlie Dalin devrait probablement avoir lieu mardi, Yoann Richomme est attendu une poignée d’heures plus tard. À noter que l’avance de Charlie se creuse très légèrement et s’établit à 180 milles au classement de 15 heures. 

 

Charlie Dalin s'approche de la maison | Vendée Globe 2024

Chez les poursuivants, avantage à l’Ouest

Sébastien Simon (Groupe Dubreuil, 3e) progresse également dans les alizés. La dépression qui donnera du vent fort aux deux premiers l’obligera à un choix tactique : soit passer dans son Nord-Ouest, au risque d’être un peu ralenti, soit passer au Sud-Ouest et être confronté à du vent plus fort. 
À 2100 milles plus au Sud, ça bataille toujours aussi sec le long des côtes brésiliennes entre sept marins déterminés à s’offrir une belle place d’honneur. Les partisans de l’option Ouest, désormais menés par Jérémie Beyou (Charal, 4e) et Sam Goodchild (VULNERABLE, 5e) semblent avoir pris un léger avantage. Dans leur Est, Paul Meilhat (Biotherm, 8e) et Nicolas Lunven (Holcim-PRB, 9e) tentent de revenir en multipliant les contre bords. L’avantage, c’est qu’ils commencent à être sortis de la zone où les orages étaient le plus intenses, seule Justine Mettraux (Teamwork – TeamSnef, 10e) pourrait encore être concernée.

Derrière ce groupe, la situation est similaire pour Clarisse Crémer (L’Occitane en Provence, 11e), Samantha Davies (Initiative Cœur, 13e) et Benjamin Dutreux (Guyot Environnement - Water Family, 12e). Les deux navigatrices, plus à l’Ouest, devraient bénéficier d’une dépression qui va leur permettre de garder du vent fort. Benjamin, lui, s’efforce à trouver une rotation du vent lui permettant de remonter aussi vers le Nord.

Un nouveau regroupement en perspective

Il faut descendre 980 milles plus au Sud pour assister à une nouvelle bataille. Au fil de la semaine, le duo Damien Seguin (Groupe APICIL, 14e) - Romain Attanasio (Fortinet- Best Western, 15e)  est devenu un quatuor en étant rejoint par Jean Le Cam (Tout commence en Finistère – Armor Lux, 17e) puis Alan Roura (Hublot, 16ee). Ces quatre-là butent sur l’anticyclone en ce moment et seront, d’ici deux jours, également bloqués par le front froid permanent au large du Brésil. Conséquence : ils pourraient être rattrapés à moyen terme par Isabelle Joschke (MACSF, 18e), Giancarlo Pedote (Prysmian, 19e) et Yannick Bestaven (Maître CoQ V, hors course). Ces trois marins bénéficient en effet du vent de Sud en bordure du même anticyclone qui va leur permettre de revenir. Si ça n’enchante pas forcément Alan Roura, le Suisse est loin de se montrer abattu, déjà trop heureux d’avoir rejoint ses trois acolytes. Il répondait aux vacations ce matin :


Parfois, tu mets un mois à te décrocher d’un groupe et en l’espace de deux jours tu les vois revenir… C’est forcément frustrant mais ça fait partie du jeu et c’est pour tout le monde pareil ! Il va falloir être remonté à bloc mais je suis hyper motivé ! Je n’ai pas eu beaucoup de réussite depuis le début donc ça fait vraiment plaisir d’être revenu sur Romain, Damien et Jean. Et puis le groupe devant n’est pas si loin que ça, les écarts se compressent un peu… Le bateau est en bon état et ça fait du bien d’être en réussite. Je fais ce que j’aime et je suis heureux d’être là !

Alan Roura
HUBLOT

Au cœur de la dépression

Quoi qu’il en soit, Isabelle et Giancarlo ont évité la fameuse dépression qui s’est creusée et barre la route au Sud de l’Atlantique Sud. Des moyennes de vent allant de 35 à 45 nœuds, des rafales à plus de 50 nœuds et des creux de près de 5 mètres accaparent actuellement Conrad Colman (MS Amlin, 22e), Louis Duc (Fives Group - Lanta Environnement, 23e), Sébastien Marsset (FOUSSIER, 24e), Guirec Soudée (Freelance.com, 25e), Kojiro Shiraishi (DMG Mori Global One, 26e). « En passant entre les Malouines et la ZEA, le couloir de fuite est très étroit », précise Basile Rochut qui assure qu’ils « sortiront du vent fort demain matin ». Benjamin Ferré (Monnoyeur – DUO for a JOB, 20e) et Tanguy Le Turquais (Lazare, 21e), eux, sont parvenus à échapper aux conditions les plus virulentes. C’est en tout cas ce qu’expliquait Tanguy ce matin :

 


Ça fait plusieurs jours que cette dépression m’inquiète. J’avais tellement la boule au ventre de l’affronter que finalement elle n’est pas si violente. Il y a 40 nœuds de vent mais je suis sous le vent des Malouines donc la mer est plate. J’ai de l’appréhension bien sûr, ça reste violent mais on en devient coutumier de ces phénomènes. Et puis dans 24 heures, ce sera fini et je pourrai me mettre en tee-shirt !

Tanguy Le Turquais
Lazare

Tanguy Le Turquais : "La dernière dépression dans l’hémisphère sud" | Vendée Globe 2024

À l’arrière de la flotte, ça secoue aussi !

Ceux qui ont laissé passer la dépression – Arnaud Boissières (La Mie Câline, 27e), Violette Dorange (Devenir, 28e) et Éric Bellion (STAND AS ONE – Altavia, 29e) – sont en passe de franchir le cap Horn cet après-midi. Plus loin, à proximité de la longitude du point Nemo, une autre dépression monopolise Oliver Heer (Tut Gut., 30e), Antoine Cornic (HUMAN Immobilier, 31e) et Jingkun Xu (Singchain Team Haikou, 32e) avec plus de 35 nœuds, jusqu’à 6 mètres de mer et le froid toujours aussi tenace (autour de 3°C). « J’ai eu jusqu’à 66 nœuds cette nuit », confiait Antoine (Cornic) au Vendée Live.

Avec Jingkun Xu, il doit aussi veiller à la présence éventuelle d’icebergs, eux qui progressent sur la même route qu’Oliver Heer qui en a aperçu un mercredi. « La direction de course fait un travail remarquable en la matière. J’ai mes alarmes et j’ai renforcé ma vigilance. Après, on ne peut pas être 100% du temps dehors à surveiller et la nuit, on est bien obligé de faire confiance au matériel et à nos radars. »

Le skipper de Singchain Team Haikou reconnaît également « avoir été nerveux et stressé » et « surveiller encore plus ». Aux vacations, Jingkun racontait également prendre encore des antidouleurs pour soulager son épaule douloureuse. Mais pas question de se plaindre : lui aime rappeler qu’il « était préparé à endurer ça ». Et le bizuth de conclure pudiquement, à l’unisson des autres skippers : « après 60 jours en mer, je prends toujours autant de plaisir ». 


Partager cet article

Dernières actualités