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Jérémie Beyou : « l’envie de faire encore mieux »

PAROLES DE SKIPPERS (28/40). Quatre ans après une édition délicate (13e), le skipper de Charal se présente avec la même ambition : la victoire. Aux manettes d’un nouvel IMOCA qu’il peaufine et fiabilise depuis trois ans, Jérémie ne manque pas d’atouts avant d’aborder son 5e Vendée Globe.

LORIENT, FRANCE - 17 AVRIL 2024 : Jérémie Beyou (FRA), skipper de Charal, à l'entraînement, le 17 avril 2024 à Lorient, France. (Photo par Marin Le Roux / Polaryse)
LORIENT, FRANCE - 17 AVRIL 2024 : Jérémie Beyou (FRA), skipper de Charal, à l'entraînement, le 17 avril 2024 à Lorient, France. (Photo par Marin Le Roux / Polaryse)
© © Marin Le Roux / Polaryse

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Le temps passe et sa motivation est toujours intacte. Cela fait 14 ans que Jérémie Beyou poursuit le même rêve : remporter le Vendée Globe. La course autour du monde est devenue l’objectif d’une vie et illustre à merveille sa ténacité et sa capacité à ne jamais renoncer. Au fil de ses quatre participations, il y a eu les joies d’un podium (2016-2017), la déception de deux abandons (2008-2009, 2012-2013) et l’amertume d’une course passée à l’arrière de la flotte après un demi-tour (2020-2021). 

Au fil de son dernier tour du monde, son regard était déjà porté sur la nouvelle édition. En mer, il participait ainsi à des réunions avec son bureau d’étude pour façonner son nouveau bateau, Charal2. Après sa mise à l’eau en juillet 2022, Jérémie est monté en puissance et a quasiment toujours été dans le coup (2e de Retour à la Base, 3e à la Route du Rhum et à New York Vendée – Les Sables d’Olonne). Reste que pour ce perfectionniste et jusqu’au-boutiste de l’effort, seule la victoire est belle.

Vendée Globe :

Tu vas disputer ton 5e Vendée Globe…. Comment décris-tu le lien qui te lie avec cette course ? 

Thomas Ruyant

Jérémie Beyou

CHARAL

J’ai du mal à expliquer comment je me suis retrouvé à la faire. J’avais 13 ans lors de la première édition, en 1989. Ça me paraissait dingue que des marins partent autour du monde, sans escale, sur ses machines. Même si j’étais passionné de course, de bateau, le Vendée Globe me paraissait impossible, si loin de mes compétences de jeune navigateur. 

Vendée Globe :

À partir de quand as-tu compris que tu en étais capable ?  

Je venais de faire une saison en double avec Vincent Riou en IMOCA. C’est là que je me suis dit : « techniquement, ce n’est pas très loin de ce que je sais faire, ça devient possible ». C’était une époque où lorsque tu brillais à la Solitaire du Figaro, les skippers privilégiaient davantage le circuit Orma avec l’envie de faire la Route du Rhum. Pour moi, la question ne s’est jamais posée. Je voulais faire le Vendée Globe dès ma victoire à la Solitaire du Figaro (2005). 

Vendée Globe :

Et depuis ta première participation, ça fait quatorze ans que ça dure !

Je suis quelqu’un qui aime bien faire les choses, ça ne me correspond pas vraiment de passer d’un circuit à l’autre. J’aime bien finir les histoires que je commence et mon histoire avec le Vendée Globe n’est pas encore terminée, elle n’est pas pleinement réussie et il reste un petit goût d’inachevé. Il y a eu mes deux abandons (2008-2009, 2012-2013), ma 3e place en 2016-2017, mon aller-retour lors de la dernière édition… J’ai l’impression d’avoir tout vécu sur cette course sauf la victoire.

Vendée Globe :

Ce que tu as vécu, justement, ne t’a jamais donné envie de renoncer au Vendée Globe ? 

Non, aucune avarie, aucun moment dur ne m’a traumatisé et m’a dégouté de cette course. Bien sûr, il y a des moments de découragement, des coups durs mais ils ne sont jamais plus forts que l’envie de bien faire et la volonté de donner le maximum afin d’être le plus fort possible. Tout n’est pas maîtrisable, tu dois travailler dur en acceptant que des aléas qui ne sont pas de ta responsabilité viennent te déstabiliser. Mais ça fait partie du sport. De mon côté, je reviens à chaque édition encore plus motivée avec l’envie de faire encore mieux. 

Vendée Globe :

Dans le cadre de ta préparation à cette édition, tu as gravi le Pic de l’Aiguille du midi, dans le Massif du Mont Blanc, avec l’alpiniste Charles Dubouloz. Que gardes-tu de cette expérience ?

Pour lui, c’était une randonnée mais pour moi c’était l’Everest. Je ne suis pas vraiment à l’aise en montagne et j’ai vite été essoufflé et fatigué. Un moment, je me suis retrouvé bloqué sur une crête. Il y avait 500 mètres de vide et je n’avais aucune possibilité de faire demi-tour. Il m’a fallu du temps pour prendre sur moi et avancer à nouveau, petit à petit. Nous avons ensuite passé une nuit dans un refuge et on a échangé ensemble, parler de nos expériences et de ce type de situation. Tous les deux, nous évoluons dans un milieu hostile en autonomie totale. Et si je dois faire face à une situation similaire, ce sera précieux de s’en rappeler.

Vendée Globe :

En plus de tous tes indispensables, est-ce qu’il y a des objets atypiques que tu embarques à bord ? 

Non pas vraiment, j’essaie toujours d’embarquer le moins de choses possible. La grande nouveauté, c’est que je vais prendre un bon oreiller ! J’ai toujours l’habituel – un oreiller à billes – mais j’aurai en plus un oreiller en plume. Je sais que ça me permet de mieux dormir ! 

Vendée Globe :

Comment vis-tu l’éloignement avec tes proches ? 

J’ai la chance que ma femme et mes deux enfants soient impliqués dans le projet. Ils me comprennent, me soutiennent. Le Vendée Globe, on le prépare ensemble et c’est aussi leur aventure à eux. Je n’ai pas beaucoup de photos accrochées dans le bateau. Par contre, mon épouse me confectionne toujours un petit album plastifié avec des photos sympas de mes trois enfants… J’aime bien le regarder de temps en temps. 

Vendée Globe :

À propos de ton alimentation à bord, est-ce que tu as changé tes habitudes après quatre éditions ?

Avec le temps, tu finis forcément par te lasser de certains plats. Moi j’ai beaucoup de mal avec les plats en sauce par exemple. J’embarque un mix entre plats lyophilisés et plats sous-vide. Mais ce que j’aime surtout, c’est de les préparer moi-même : j’ouvre plusieurs sachets, je prépare des légumes, puis de la viande et j’ajoute un condiment ou de l’huile d’olive. Ça me prend un peu plus de temps mais ça me rapproche davantage d’un repas classique. 

Vendée Globe :

Est-ce qu’il t’arrive d’avoir peur à bord ? 

Le stress n’est pas permanent mais bien sûr, il est présent. En mer et en solitaire, la moindre erreur peut coûter cher. Ça implique une part de stress, des coups de chaud mais ce n’est pas négatif, ni bloquant. Au contraire, ça permet d’être toujours en alerte, de toujours se challenger pour trouver la bonne trajectoire et prendre de bonnes décisions. 

Vendée Globe :

Le doute est donc important pour appréhender un défi comme le Vendée Globe ? 

Oui, je pense que dans le sport tu ne progresses pas si tu ne doutes pas. Il faut se remettre en question en permanence dans les choix techniques, stratégiques, la météo… On doit douter mais de manière saine. En revanche, je ne doute pas de ceux qui m’entourent, du travail qui a été fait par l’équipe, de la confiance de mes proches, du soutien de mes sponsors. Ils contribuent tous à façonner un univers rassurant, ce qui est une clé essentielle pour la performance.  

Rencontre avec Jérémie Beyou, Charal | Vendée Globe 2024

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