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Ils ont vécu leur premier Vendée Globe : « Je me suis découvert accro »

Cette année, les « bizuths » du Vendée Globe n’étaient pas seulement les quinze navigateurs et navigatrices qui parcouraient les océans. Ils étaient aussi de l’autre côté de la cartographie. Avant le « top départ » du 10 novembre dernier, ils ne connaissaient rien ou si peu de la course au large. Au fil des semaines, partout dans le monde, ils se sont pris au jeu, et ont découvert la fièvre de cette compétition unique, aussi technique que profondément humaine.

LES SABLES D'OLONNE, FRANCE - 19 OCTOBRE 2024 : La tente du département dans le village est photographiée lors du pré-départ du Vendée Globe, le 19 octobre 2024 aux Sables d'Olonne, France - (Photo by Jean-Louis Carli / Alea)
LES SABLES D'OLONNE, FRANCE - 19 OCTOBRE 2024 : La tente du département dans le village est photographiée lors du pré-départ du Vendée Globe, le 19 octobre 2024 aux Sables d'Olonne, France - (Photo by Jean-Louis Carli / Alea)

Tout a commencé lors d’une énième nuit d’insomnie pour Agnès, 72 ans. Cette ancienne comptable à la retraite, qui vit désormais à Reims, lisait les actualités sur sa tablette quand elle a ouvert par erreur un article consacré à Louis Duc, skipper de Fives Group – Lantana Environnement. « J’allais refermer quand j’ai lu la première phrase, qui parlait de rêve et de voyage. Pour un sportif, ça m’a surpris, alors j’ai continué ma lecture. Ca m’a plu, j’ai trouvé ce mec super, il m’a fait penser à mon fils et j’ai eu envie de creuser… », explique cette mère de trois grands enfants, désormais « un peu isolée dans mes petites montagnes ».

A force de creuser, c’est peu dire qu’Agnès est tombée dedans ! Depuis le 10 novembre, la voilà qui s’est « découverte accro, tout simplement ». Consulter la cartographie est devenu « un réflexe », elle qui « connaissait de nom le Vendée Globe mais ne suit pas du tout le sport d’habitude, parce que le côté compétition bête et méchant m’ennuie ». Ce qui lui a plu alors, dans ce tour du monde sans escale et sans assistance ? « Tous ces personnages si différents, qui viennent tous chercher quelque chose et nous racontent un peu d’eux-mêmes au passage, ça m’a apporté une vraie bouffée d’oxygène », résume-t-elle.

« J’ai l’impression d’être un berger qui veille sur ses moutons »

Alors petit à petit, le Vendée Globe s’est invité dans son quotidien, et l’a accompagné jour et nuit. « A 3 heures du matin, je vais voir s’ils ont avancé, j’ai l’impression d’être un berger qui veille sur ses moutons… On s’y attache à force de partager des nuits avec eux ! », s’amuse la retraitée, dont la relation à l’océan était jusque-là « purement platonique, à peine deux ou trois semaines de vacances à la mer dans toute ma vie. Mais je crois que l’océan, finalement, c’est quelque chose qui habite notre imaginaire collectif ».

Axel, 5 ans, vit lui non loin de la mer, à Plouhinec (Morbihan). Mais s’il voit régulièrement des IMOCA dans le port voisin de Lorient, c’est par l’album Panini du Vendée Globe que sa passion a commencé. Dans la cour d’école, la folie des cartes s’est emparée de sa bande de copains, et a participé de sa nouvelle passion grandissante pour les skippers du Vendée Globe. Sa coqueluche ? « C’est un peu tous des super-héros, mais quand même il y en a une qui est encore plus forte » : Sam Davies, la navigatrice de Initiatives-Cœur, à qui il a adressé plusieurs courriers et dessins, et espère qu’elle lui répondra un jour. « Je la trouve trop géniale, son bateau est beau, et elle sauve les enfants qui ont un cœur malade, donc on a de la chance », raconte le nouveau fan, devenu incollable sur la course et la géographie du parcours emprunté par les solitaires.

Si son grand frère Paul pratique déjà la voile régulièrement, Axel était plutôt tourné vers le rugby et l’équitation, mais n’exclue pas de s’essayer bientôt à l’Optimist. Humblement, il reconnaît « qu’il ne pense pas être un jour au Vendée Globe », mais « aimerait bien que ce soit plus souvent que tous les quatre ans, parce que le prochain j’aurai 9 ans et c’est vieux ».

LES SABLES D'OLONNE, FRANCE - 1ER NOVEMBRE 2024 : Les enfants jouent avec l'album Panini et les autocollants lors du pré-départ du Vendée Globe, le 1er novembre 2024 aux Sables d'Olonne, France - (Photo by Vincent Curutchet / Alea)
LES SABLES D'OLONNE, FRANCE - 1ER NOVEMBRE 2024 : Les enfants jouent avec l'album Panini et les autocollants lors du pré-départ du Vendée Globe, le 1er novembre 2024 aux Sables d'Olonne, France - (Photo by Vincent Curutchet / Alea)
© Vincent Curutchet / Alea

Un « hiver un peu moins long que d’habitude »

Pas sûr que dans cet open-space de Montreuil (Seine-Saint-Denis), on ait le même souhait, tant le Vendée Globe a occupé l’espace et consumé leur temps ces derniers mois ! Entre collègues de cette entreprise de services à la personne, ils ont suivi pour la première fois ensemble, et sur Virtual Regatta, cette épique tour du monde 2024. C’est Antoine, 36 ans, qui a « semé la graine », lui qui avait suivi la dernière édition en pleine pandémie de Covid-19. « J’en ai parlé assez classiquement à la machine à café et je me suis rendu compte qu’aucun de mes collègues ne suivait la course, et je me suis dit que c’était mon petit challenge de les contaminer. » Un écran détourné pour afficher la cartographie, quelques vidéos à la pause déjeuner, et la magie du Vendée Globe a fait le reste…

Chaque matin, la conversation commence désormais par un point météo, et un bilan des différentes options virtuelles prises par les bateaux. « C’est devenu une obsession ! Qui est dans le Pot-au-Noir ? Qui va tenter une option audacieuse ? », plaisante Romain, 32 ans, « passionné de sport » mais qui n’avait jamais suivi la course au large. « J’avoue que j’ai découvert tout un univers dingue, avec des grands champions qui performent dans la durée, c’est vraiment impressionnant. Voir Charlie Dalin si tranquille, avec cette guéguerre psychologique pourtant dingue, c’est complètement bluffant », raconte l’ingénieur.

« C'est un peu comme suivre une grande saga, sauf qu'elle se joue en direct sur l'océan », complète Sandra, sa collègue et partenaire de footing, qui l’a finalement emporté sur Virtual Regatta. « Ma nouvelle addiction m’a coûté deux bouteilles de champagne, et surtout de très bons moments avec mes collègues, et j’ai trouvé que l’hiver était un peu moins long que d’habitude », raconte cette native de Marseille, d’ordinaire plutôt branchée natation que navigation. « Mais ça m’a donné envie de me mettre au bateau, mais juste pour la croisière »…


C'est un peu comme suivre une grande saga, sauf qu'elle se joue en direct sur l'océan

Sandra

Une course en famille pour parler « respect de la nature »

Chez les Michaud, la course s’est aussi vécue pour la première fois en équipage. C’est par la petite dernière de la famille, Louise, que cette famille de Grenoble (Isère) a « lancé son Vendée Globe familial ». Sa classe suivant l’aventure, la benjamine a commencé à parler « embruns et carbone » à table, ce qui a piqué les deux autres enfants de la famille de curiosité… Les parents ont bien été obligés d’embarquer pour ne pas rester à quai ! « On s’est fait notre propre petit challenge familial », confie Laure Gillain, 42 ans. « Chacun a choisi un skipper, Louise a pris Violette (Dorange, ndlr) forcément, et on s’est amusés à suivre chacun son parcours avec une carte aimantée sur le frigo. » Eux qui sont passionnés de montagne, mais surtout de voyage, en ont profité pour peaufiner « quelques notions de géographie, mais aussi d’environnement de respect de la nature. » « Franchement, avec des enfants, c’est génial à suivre, parce qu’on peut parler de compétition comme de solidarité, de persévérance, de courage », s’enthousiasme Philippe, mécanicien dans un garage automobile, bien loin des pontons des Sables d’Olonne…

LES SABLES D'OLONNE, FRANCE - 23 OCTOBRE 2024 : Spectateurs au Village du Vendée Globe lors du pré-départ du Vendée Globe, le 23 octobre 2024 aux Sables d'Olonne, France. (Photo by Jean-Louis Carli / Alea)
LES SABLES D'OLONNE, FRANCE - 23 OCTOBRE 2024 : Spectateurs au Village du Vendée Globe lors du pré-départ du Vendée Globe, le 23 octobre 2024 aux Sables d'Olonne, France. (Photo by Jean-Louis Carli / Alea)

Maxime, 23 ans, est lui encore plus loin, expatrié pour une année d’étude en Australie ! C’est justement alors qu’il préparait ses partiels qu’il a découvert la course. « Je cherchais une vidéo pour faire une pause, et comme je suis sportif, Youtube m’a suggéré une vidéo où un skipper racontait comment il gérait son sommeil et sa concentration en pleine mer. Je me suis dit : « Si lui peut affronter l'océan en dormant par tranches de vingt minutes, je peux bien réviser mes cours sans me plaindre ! » Bien loin de son pays natal, le jeune étudiant en agronomie a commencé à suivre la course avec passion. « J'ai même essayé leur technique de micro-siestes pour mes nuits de révisions ! », et son admiration pour ces marins infatigables l'a aidé à garder sa motivation. « Leur détermination est inspirante. Maintenant, quand j'ai un coup de mou, je pense à eux, à Violette Dorange qui a mon âge et qui a fait le tour du monde seule face aux éléments, et ça me motive à bloc ! » Et pas question de lâcher la cartographie avant l’arrivée du dernier. « Je me dis que c’est quand même lui qui a le plus de mérite, il aura passé le plus de temps en mer… »

 « Je me suis tellement attachée aux skippers ! » 

Non loin de Maxime mais toujours au bout du monde, Hayley Redpath , mère de famille de 51 ans, élève des moutons et des bovins dans une ferme isolée au cœur de la campagne néo-zélandaise. Elle qui s’amuse de « vivre au milieu de nulle part » a également été emportée par la vague Vendée Globe. Pourtant, elle reconnaît que son seul rapport à la mer « se limite à la natation » et qu’elle n’a jamais navigué. Mais un reportage sur Conrad Colman a tout changé. Depuis, Hayley est devenue addict au site internet, aux réseaux sociaux dédiés et au Vendée Live. La Néo-zélandaise confie « avoir pleuré quatre ou cinq fois » et s’endormait « en s’inquiétant pour les skippers ». « Je me suis tellement attachée à eux ! » Désormais, Hayley a un nouveau rêve : « Cette course m’a donné envie de visiter la France et de me rendre aux Sables d’Olonne ».

Hayley, qui a suivi toutes les arrivées, aurait aimé pouvoir les vivre « en vrai ». C’est d’ailleurs le seul regret de Maxime : « dans quatre ans, je ne sais pas où je serai, mais si je ne suis pas à l’autre bout du monde, j’essaierai de venir aux Sables d’Olonne, ça a l’air magique ! » On se permet de confirmer, en espérant vous voir toujours plus nombreux découvrir ce spectacle unique…


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