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Éric Bellion : « Créer la première équipe du Vendée Globe »

À 46 ans, le bizuth de l’édition 2016-2017 repart pour un tour. Mais son aventure se veut plus collective que jamais avec l’idée d’associer plusieurs skippers, de mutualiser les moyens d’une équipe pour « disputer la plus solitaire des épreuves sportives » avec un collectif et présenter plusieurs marins sur la ligne de départ.

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Éric Bellion fait partie de ceux qui savent mettre des mots sur tout. Sur ses aventures, sur ses doutes, sur son enthousiasme, sur « le sentiment d’harmonie » qui l’a animé durant 99 jours pendant son Vendée Globe en 2016-2017. Il y a aussi toujours eu, affleurant chacun de ses défis, une idée de partage, de ‘donner à voir’ son histoire, lui qui se décrit comme « un mec lambda » capable de se surpasser et d’interroger sur les montagnes que chacun peut gravir au cours de son existence.

Certes, son projet s’appelait ‘CommeUnSeulHomme’ mais le marin, lui, ne s’est jamais défini comme un solitaire. Il le prouve plus que jamais en ce printemps 2022 en mettant en place avec son sponsor, Altavia, « la première équipe du Vendée Globe », une même structure pour accueillir plusieurs skippers – au maximum quatre selon les indiscrétions - et se battre ensemble afin de gravir chaque marche qui mène à la plus prestigieuse compétition de course au large. Un bateau loué à Jean Le Cam cette année, un autre en construction avec le ‘Roi Jean’, une équipe qui se met en place… Éric Bellion évoque sa feuille de route et le lien viscéral et affectif avec une course dont l’esprit ne l’a jamais quitté.

Pourquoi avoir décidé de s’engager à nouveau au Vendée Globe ?
Éric Bellion : « J’ai eu la chance incroyable de finir cette aventure sans aucune frustration, en ressentant un bonheur incroyable. Je voulais raconter une belle histoire et ça a été au-delà de mes attentes en terminant 9e, 1er bizuth avec le 2e projet le plus cité dans les médias. Je m’étais promis de ne jamais le refaire, je voulais que ça soit une aventure unique. Mais ce que je n’avais pas anticipé, c’est que le Vendée Globe m’habite, que cela puisse provoquer une telle nostalgie en moi.

« Comme si je n’arrivais pas à faire le deuil »

Quand est-ce que cela a émergé à nouveau ? 
E. B. : Lors de la dernière édition, j’avais inconsciemment tout préparé pour être à des milliers de kilomètres de là. Je devais être dans l’océan Pacifique sur ma goélette, loin des réseaux, loin de tout. Mais le Covid a changé la donne et m’a obligé à rester en France. France Télévisions m’a proposé de faire une chronique pendant le Vendée Globe et je me suis retrouvé au village. C’était d’une ironie dingue. Et là, j’ai pris en pleine face toutes mes émotions refoulées, c’était assez violent.

Comment décrivez-vous ce moment si particulier ?
E. B. : J’avais pris ma voiture pour être au village, dès le jour de l’ouverture, à 7 heures du matin. Je me suis avancé sur le ponton des IMOCA et j’ai fondu en larme. C’était comme si je n’arrivais pas à faire le deuil, comme si le Vendée Globe était plus fort que moi. J’avais envie de repartir. J’en ai parlé à ma compagne et elle m’a dit : ‘Je sais que c’est le cas depuis 2017’.

Pourtant, vous vous étiez attaché à raconter votre aventure, à l’image du film qui la retraçait…
E. B. : Il y a toujours ce qu’on fait sur le moment et ce que l’on découvre après. Toutes les aventures de ma vie, j’ai pris plaisir à les raconter, à les expliquer. Mon histoire, c’était celle d’un mec lambda qui va plus loin que ses peurs. Il y avait un aspect très universel. Bien entendu, il s’agissait aussi de replonger dans mon cheminement émotionnel, de continuer à vivre la magie du Vendée Globe et l’état de grâce, le sentiment d’harmonie que j’avais vécu.

« Contribuer à augmenter les capacités de chacun » 

Cinq ans plus tard, vous êtes donc de retour avec une idée particulièrement innovante que vous avez dévoilée il y a quelques jours…
E. B. : L’idée, c’est de créer la première équipe, le premier collectif du Vendée Globe. Tout en respectant les règles du Vendée Globe, le calendrier et l’exigence de l’IMOCA, nous souhaitons compter plusieurs bateaux et plusieurs skippers, tous très compétiteurs, afin de pouvoir y participer dans trois ans. Le but, ce serait de tout partager : le développement et la fiabilisation des bateaux, les entraînements, la préparation physique, la recherche de sponsor. Un collectif permet de s’épauler lors des moments durs, de travailler nos faiblesses, de contribuer à augmenter les capacités de chacun et, in fine, de rehausser ses objectifs. Par ailleurs, cela va réduire les coûts ; mais cela nous permettra aussi de disposer d’un des projets de bateaux neufs qui auront émis le moins d’émissions carbone. C’est assez extraordinaire de disputer l’épreuve la plus solitaire tout en faisant la démonstration de la puissance du collectif. 

Pour lancer le projet, vous avez loué le bateau de Jean Le Cam et lancé la construction d’un nouvel IMOCA…
E. B. : Oui, Jean nous l’a loué pour l’année 2022 afin de faire toute la saison, de retrouver des automatismes, cumuler des miles et engranger de l’expérience. Dans le même temps, nous allons lancer la construction d’un bateau, co-conçu avec Jean et avec le soutien intégral d’Altavia. Ce monocoque à foils droits, qui sera mis à l’eau au printemps 2023, est issu de nos réflexions communes. Il sera sobre, performant et durable. Nous communiquerons dans un second temps l’architecte et le chantier qui travaillent à nos côtés.

« Tout faire pour réaliser le meilleur résultat possible »

Il s’agit d’un projet ‘aventure’ ou il y a une volonté d’être compétitif ?
E. B. : Non, il n’est pas question de faire un bateau neuf pour l’aventure. D’ailleurs, je ne me suis jamais positionné comme un aventurier, même en 2016-2017. On va préparer le bateau comme les équipes de renom, en faisant tout pour réaliser le meilleur résultat possible.

Pouvez-vous en dire plus sur le profil des skippers qui vous accompagneront ?
E. B. : Déjà, il y a aura autant de skippers que de bateaux, nous ne souhaitons pas de compétition en interne. Nous en avons sélectionné plusieurs ; on va les rencontrer, prendre le temps. L’idée, pour favoriser le collectif, c’est que chacun des membres puisse avoir son mot à dire afin que cela contribue déjà à consolider et conforter le collectif.

Vous allez donc retrouver les courses avec la Route du Rhum en ligne de mire. Dans quel état d’esprit êtes-vous à l’idée de retrouver la compétition ?
E. B. : Il y a un sentiment très étrange qui mêle à la fois l’appréhension et l’excitation. La dernière fois, je découvrais tout, tout me faisait peur. C’était un saut vers l’inconnu au sein d’un milieu que je connaissais peu. Là, je sais que la barre est plus haute, mais j’ai davantage d’expérience et c’est une sensation nouvelle à apprivoiser. Je m’engage à nouveau en étant plus posé, plus réfléchi. Ce n’est pas pour rien que j’ai fêté mes 46 ans cette semaine ! (rires) » 

Les prochaines dates du projet : 
7 avril : Annonce commune avec Jean Le Cam à propos de l’architecte et du chantier qui travaillent sur ce projet
8 mai : Participation à la Guyader Bermudes 1000 Race
12 juin 2022 : Participation à la Vendée Arctique
13 septembre 2022 : Participation au Défi Azimut
6 novembre 2022 : Participation à la Route du Rhum — Destination Guadeloupe
Printemps 2023 : Mis à l’eau du nouveau bateau


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