Toutes les actualités

épreuve de patience

Cela fait maintenant plus de 100 jours que Manu Cousin (Coup de Pouce), Fabrice Amedeo (Nexans - Wewise) et Denis Van Weynbergh (D'Ieteren Group) sont en mer. Un cap symbolique et redoutable à franchir, tant physiquement que mentalement. Alors que la majorité de la flotte a déjà rejoint les pontons des Sables d’Olonne, ces trois derniers concurrents poursuivent leur périple, seuls au milieu de l’immensité, avec pour seule boussole leur détermination. Mais en ce moment, c’est une épreuve de patience qui s’impose à eux. La pétole les cloue sur place. Coincés dans une dorsale anticyclonique, ils avancent à la vitesse d’un courrier administratif en période de grève. Parfois, une risée leur permet de grappiller quelques milles, avant que le silence du vent ne retombe, les laissant impuissants face aux caprices de la météo. Encore au moins 36 heures à subir ce marasme, avant de retrouver des conditions plus favorables. Dans ces instants, le doute guette. Chaque mille gagné semble aussi dérisoire qu’une promo de 5 % sur un produit hors de prix. Mais il faut tenir. Samedi, enfin, le vent devrait revenir, leur offrant un second souffle et, avec lui, l’espoir d’un retour plus rapide vers les côtes vendéennes !

LES SABLES D'OLONNE, FRANCE - 13 SEPTEMBRE 2024 : Le skipper de Coup de Pouce Manuel Cousin (FRA) est photographié le 13 septembre 2024 au large des Sables d'Olonne, France - Photo par Jimmy Horel
LES SABLES D'OLONNE, FRANCE - 13 SEPTEMBRE 2024 : Le skipper de Coup de Pouce Manuel Cousin (FRA) est photographié le 13 septembre 2024 au large des Sables d'Olonne, France - Photo par Jimmy Horel

Les jours passent, interminables, et la patience des trois skippers encore en course est mise à rude épreuve. Englués dans une zone de molle, ils avancent au ralenti, chaque mille grappillé semblant aussi insignifiant qu’une goutte d’eau dans un seau percé. L’attente devient d’autant plus pesante que la plupart de leurs concurrents ont déjà rallié les Sables d’Olonne. Pour Denis Van Weynbergh, le moral oscille entre détermination et lassitude : « Ça va mais on aimerait bien passer cette fameuse ligne d’arrivée, être à la maison. Même si on aime être en mer, 100 jours, c’est long et ce n’est pas fini. » Une réalité qu’il accepte, mais qui ne rend pas la situation plus facile. La complexité de cette fin de course tient aussi aux choix stratégiques imposés par la météo. Il n’a pas pu suivre la même route que les autres et se retrouve dans une position inconfortable, comme un joueur d’échecs coincé avec un fou et un pion face à une armée de reines : « Je n’avais pas le même vent. Eux ont réussi à faire plus d’est. Moi, je continue de faire du nord car faire de l’est avec un cap au 100-110°, moralement, ce n’était pas possible. » Une option contrainte mais assumée, qui lui semble être la meilleure pour s’extraire de la dorsale et retrouver enfin du vent porteur. « Le gros dossier, c’est de sortir de là puis de l’anticyclone des Açores. On ne désespère pas. »

Des choix stratégiques imposés par la météo

Si la patience est leur principale alliée, il leur faut aussi faire des choix décisifs. Chacun tente de trouver la meilleure route, quitte à défier les fichiers. Pour Manu Cousin, ce ne sont pas seulement les petits airs qui compliquent sa progression, mais aussi l’instabilité de l’atmosphère. 


Ce qui m’embête, ce sont les grains. Il y a énormément de gros passages nuageux et ils nous ralentissent énormément. On est en permanence en train de régler et ce n’est pas simple pour les nerfs.

Manuel Cousin
Coup de Pouce

L’attention doit être constante, chaque ajustement de voile devenant un exercice d’endurance mentale. Le skipper de Coup de Pouce garde malgré tout espoir, conscient que la situation finira fatalement par s’améliorer. « Une dorsale à cette latitude, c’est assez rare mais il y a en prime l’anticyclone des Açores qui se couche sous l’influence de la grosse dépression qui se trouve au-dessus, et qu’il va aussi falloir passer. On en verra le bout samedi. A ce moment-là, on pourra choper un flux d’ouest sud-ouest qui nous permettra de remonter vers les Sables d’Olonne. »

Entre solitude et instinct marin

De son côté, Fabrice Amedeo vit lui aussi des passages particulièrement éprouvants, où la fatigue physique se mêle à une lassitude mentale. « Le moral est un yo-yo rouillé. J’ai atteint un point bas mardi : le cap des 100 jours et aussi les arrivées d’Oliver (Heer) et de Jingkun (Xu). Ça a mis un petit coup parce que désormais on n’est plus que trois en mer et on est encore loin. » Malgré tout, il parvient à garder le cap et à se recentrer sur la dernière portion du parcours. « Je me prépare tranquillement à cette dernière ligne droite. » Encore faut-il faire les bons choix, alors que les modèles météo ne cessent d’évoluer. « Jusqu’à hier, les routages me demandaient de faire de l’est, cap au 120° vers le sud de la Mauritanie, mais je ne le sentais pas. J’ai décidé d’écouter mon sens marin et de faire la route. » Une décision qui fait écho aux choix de Denis. Parfois, la meilleure option est d’ignorer les prévisions trop fluctuantes et de s’en remettre à son instinct.

Derniers obstacles avant l’arrivée

À ce stade de la course, les incertitudes restent nombreuses. Denis l’exprime bien : 


Tout est bien confus. La situation n’est donc pas très confortable. On envisage tout, le meilleur comme le pire, et on se prépare à ça.


Fabrice, lui, garde un œil sur les jours à venir et anticipe les conditions du final : « Dans deux jours, je serai sorti de cette mélasse et je pourrai enfin avoir une ETA (estimation d’heure d’arrivée, ndlr) et savoir aussi ce qu’il en est pour la fin de la course, sachant que pour l’instant, les prévisions sont assez toniques, pour ne pas dire plus, dans le golfe de Gascogne, pour le week-end du 1er mars. » L’arrivée approche, mais elle semble encore lointaine, un peu comme ces sprints finaux sur du sable mou où chaque pas demande un effort surhumain pour avancer de quelques centimètres. Ce week-end, le vent devrait enfin revenir, leur permettant de retrouver un rythme plus soutenu. En attendant, ils résistent, ajustent, espèrent. Parce qu’après 100 jours de mer, une seule chose compte encore : tenir jusqu’à la ligne d’arrivée.


Partager cet article

Dernières actualités